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Rapports entre l’État et les collectivités : le courant passe de plus en plus mal

Harassés par la réglementation, se sentant incompris et mal soutenus, inquiets pour leur indépendance financière, des maires jettent l’éponge. Un phénomène qui va en s’amplifiant.

Vague de démissions

Ce n’est certes pas la démission du maire de Castillon, commune de 380 habitants située entre Menton et Sospel, qui va faire trembler la République. Mais ce départ parmi d’autres est révélateur d’un profond malaise chez les élus de proximité qui se sentent à la fois étouffés par les exigences de toutes sortes de l’État - réglementaires notamment - et asphyxiés financièrement.

En augmentation

Selon un calcul effectué sur la base du répertoire national des élus, le nombre de maires ayant jeté l’éponge depuis 2014 est en hausse de +55% par rapport à la précédente mandature. Cela concerne aussi bien de petits villages que des communes plus importantes, comme Sevran en Seine-Saint-Denis, dont le premier magistrat élu depuis 17 ans a claqué la porte en début d’année.

Longue liste

Les raisons de ces démissions sont variées mais relèvent du burn out, du sentiment d’abandon, du manque de moyens et de reconnaissance pour effectuer leurs missions. Pour Sevran, 51 000 habitants, c’est la non prise en considération des besoins de cette banlieue pauvre (un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté) qui a provoqué le clash.
Dans la Nièvre, 35 maires et 40 adjoints ont remis en sous-préfecture de Clamecy leurs lettres de démission après l’annonce de la fermeture des urgences la nuit de l’hôpital.
À Donnery dans le Loiret, le maire, impuissant à gérer l’arrivée de 150 caravanes de gens du voyage sur le stade communal, vient de démissionner. À Cabris, même situation, où les festivités du 14 juillet ont dû être annulées, le Grand-pré où elles se déroulent étant "squatté" par les caravanes qui n’ont pu être reçues ailleurs dans le département.

L’hôpital, pas la charité

Dans le Lot, sans pour autant démissionner, 79 maires sont partis
en rébellion contre l’État pour protester contre l’arrêt de projets essentiels au développement du territoire.
"Pas assez d’études" pour la création d’une zone d’activités, il faut la retirer du PLU dit la préfecture. "On a déjà dépensé 2 millions d’études de faisabilité, ça suffit" ripostent les élus qui dénoncent une "ouverture de parapluie" qui les dépasse.

Schizophrénie

Et du côté des Départements, il y a aussi beaucoup de grincements dans les rouages à la suite du "contrat financier" passé avec l’État.
Le but est pourtant louable : Limiter à 1,2 % par an la hausse des dépenses de fonctionnement de la collectivité, avec des pénalités financières si l’engagement n’est pas tenu. Mais les départements estiment que l’État ne peut pas à la fois les punir parce qu’ils dépenseraient trop et, dans le même temps, les obliger à consacrer toujours plus d’argent à l’accueil des mineurs non accompagnés ou aux allocations sociales obligatoires comme le RSA.

Taxe d’habitation

Nouvelle menace pour les maires : La disparition programmée de la taxe d’habitation dont ils craignent de faire les frais alors même que la Dotation Globale de Fonctionnement versée par l’État aux communes est régulièrement rabotée alors qu’elle représente une grosse ressource pour les communes.

"La coupe est pleine"

Réunis en AG avant l’été, les maires ruraux des Alpes-Maritimes ont écrit "une lettre collective" au Premier ministre pour lui faire part de leur lassitude "devant l’inflation de normes inutiles et inapplicables", de "l’affaiblissement drastique" des moyens financiers à leur disposition et de leur crainte de voir disparaître l’échelon communal, moteur de la démocratie et de l’égalité. Mezza voce, certains disent qu’ils ne se représenteront pas en 2020.

Photo de Une : DR Ville de Cannes

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