
Santé : l’automédication en débat
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 19 janvier 2017
Se soigner "tout seul" et acheter librement en pharmacie des médicaments qui ne sont pas remboursés : un enjeu de santé publique qui provoque le débat et s’invite dans la campagne des présidentielles.
Phénomène sociétal
Entrer dans une pharmacie et acheter sans ordonnance un médicament pour traiter un problème bénin : l’automédication a le vent en poupe. Elle est bien vue par les comptables de la sécurité sociale, toujours à la recherche d’économies (en l’occurence, moins de visites chez le médecin pour se faire prescrire des médicaments de confort) et même par les labos pharmaceutiques qui espèrent vendre plus de produits.
Les Français encore timorés
Alors que nos voisins anglais achètent quasiment la moitié de leurs boîtes de médicaments sans passer d’abord chez le généraliste, cette part n’est que
de 15% en France. Nous sommes pourtant parmi les plus gros consommateurs au monde, mais l’on prend bien soin de se faire rembourser...
Le ministère de la santé tousse
Craignant une surconsommation de masse, le ministère de la santé
n’est pas favorable à un élargissement de l’automédication. Même si elle est réservée aux petits "bobos" du quotidien, tels que toux et fièvre modérée qui souvent "passent" tout seul. Évidemment, si les symptômes perdurent, il faut consulter.
C’est grave docteur ?
De leur côté, les médecins ne sont pas en majorité opposés à l’automédication. Alors que beaucoup d’entre eux ont des carnets de rendez-vous surchargés, ils pensent même à 63% qu’elle leur permettrait de se recentrer sur les "vrais" problèmes de santé plus lourds. Se débarrasser de la bobologie désengorgerait leurs cabinets.
Les lobbies s’en mêlent
Une quarantaine de laboratoires pharmaceutiques, et pas des moindres - Sanofi et Merck - se sont regroupés au sein de Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable
(Afipa). Autrement dit sous forme de lobby pour sensibiliser les politiques. Avec les présidentielles et les législatives à venir, le moment est bien choisi...
Comme des grands...
Selon Ipsos (*), 91 % des patients disent être aptes à gérer seuls leurs problèmes de santé simples, et 80 % déclarent avoir eu recours à l’automédication pour se soigner au cours de l’année écoulée. (*) Pour l’Afipa
66 "maladies" concernées
Selon l’Afipa, le déficit de l’Assurance maladie aura doublé en 2020 et s’élèvera à 14 milliards d’euros, 60 % des Français se déclarent prêts à accepter de payer de leur poche pour les problèmes bénins.
Les laboratoires demandent le déremboursement de 173 molécules associées à 66 indications.
L’éducation en garde-fous
Le principal danger de l’automédication se situe dans les interactions
médicamenteuses (le mélange de plusieurs médicaments). D’où la nécessité d’une éducation des patients.
Charité bien ordonnée
Craignant le déremboursement d’autorité de certains médicaments n’apportant pas la preuve d’une réelle efficacité thérapeutique, les laboratoires poussent à la roue pour continuer à vendre "librement" des produits à forte marge bénéficiaire souvent anciens et largement amortis.
Et à mettre en avant leurs nouveaux produits, plus chers, qui eux sont remboursés...