Agenda RSE 2018 : le (...)

Agenda RSE 2018 : le calendrier des réformes nationales, européennes et internationales

La Responsabilité sociale et environnementale des entreprises ne cesse d’évoluer. Les réglementations nationales, européennes et internationales ainsi que les normes volontaires vont connaître de réels changements.
Après la parution de la norme ISO 45001 venant concurrencer la norme OHSAS 18001 en matière de management de la santé et de la sécurité au travail, après l’adoption du reporting RSE européen baptisé "déclaration de performance extra-financière", après les réformes du Code du travail et du Droit des contrats, et après la création pourtant récente de labels en matière d’investissement responsable et de financement participatif, de nouveaux changements sont à prévoir dans les plannings des dirigeants, responsables RSE, juristes et économistes.
Le point sur ces réformes à ne pas manquer.

Par Romain VALLIER, Doctorant en droit à l’Université de Nice Sophia-Antipolis- Juriste d’entreprise Spécialiste RSE et certifications environnementales.

À l’échelle internationale : projet de Pacte mondial pour l’environnement, révisions du GRI et de l’ISO 50001

À l’international, un projet de Pacte mondial pour l’environnement vient d’être signé le 10 mai dernier [1]. Ce projet de traité émanant de l’ONU synthétise l’ensemble des principes environnementaux majeurs du développement durable. Ce projet semble poursuivre trois objectifs distincts : offrir un cadre juridique harmonisé et sécurisé aux entreprises, permettre l’invocabilité et l’opposabilité de ce traité devant des tribunaux par les justiciables, et enfin renforcer la protection de l’environnement à l’échelle mondiale. Ce projet est censé évoluer vers un traité définitif aux alentours de 2020.

Toujours à l’international, deux révisions concernant les normes managériales volontaires sont également à retenir : la réforme du reporting GRI [2] et de la norme ISO 50001. D’une part, le "GRI Standards" remplacera définitivement le reporting GRI version 4 au 1er juillet 2018 [3]. Ce nouveau reporting RSE propose une structuration clarifiée par rapport à la version précédente. Il permet également une harmonisation générale de la norme au regard des autres reportings RSE intégrés existants, sans pour autant ajouter de nouvelles thématiques.D’autre part, la norme ISO 50001 relative au management de l’énergie, en cours de révision, devrait être publiée à partir du 20 septembre 2018 [4]. Cette révision de la norme ISO 50001 s’inscrit dans la suite logique des réformes récentes des normes ISO 14001, ISO 9001 et de la création de l’ISO 45001. Par ces réformes, l’ISO entend harmoniser la structure de ses différentes normes complémentaires et cumulatives entre elles. Le but de cette harmonisation est notamment de permettre aux entreprises de mener un management intégré, fondé sur les normes ISO.
Dans les deux cas, ces normes volontaires connaissent une évolution de leur contenu, de leur structure, ainsi que de leurs vocabulaires respectifs. L’objectif affiché de leurs rédacteurs est de parvenir à une clarification et à une harmonisation de ces normes pour faciliter le travail des entreprises y ayant recours.

À l’échelle européenne : projets de réforme de l’ISR et du crowdfunding

Sur le plan européen, deux projets d’harmonisation menés par la Commission européenne sont à suivre de près concernant des mécanismes financiers importants en matière de RSE : la création d’un label ISR [5] européen d’une part et d’un label de crowdfunding( [6] européen d’autre part. D’une part, un premier projet prévoit de créer entre 2018 et 2019 un label ISR européen commun aux différents pays membres de l’Union européenne [7].
D’autres mesures complémentaires tantôt volontaires, tantôt contraignantes, sont également envisagées. Pour rappel, les fonds ISR sont des produits financiers qui intègrent de façon transparente dans leur composition les enjeux environnementaux et sociaux de la RSE. Ce label ISR commun à l’ensemble des États-membres reposera sur l’harmonisation des critères ESG [8], c’est-à-dire des critères extra-financiers ou sociétaux qui permettent aux investisseurs de déterminer si un actif financier relève ou non de l’ISR. (Pour rappel les fonds ISR sont des produits financiers qui intègrent de façon transparente dans leur composition les enjeux environnementaux et sociétaux de la RSE.)

D’autre part, un second projet vise la création d’un label de crowdfunding [9] européen. Pour rappel également, le crowdfunding consiste pour une entreprise ou un particulier à financer un projet collectif au travers d’une collecte de fonds menée directement auprès du public via internet. Ce label de crowdfunding européen commun à l’ensemble États-membres aura alors très probablement des conséquences en matière de RSE, car le crowdfunding environnemental et social est actuellement en plein essor. A priori, ces deux labels européens se superposeraient aux labels nationaux déjà existants sur ces sujets, et coexisteraient avec eux, sans pour autant s’y substituer.

Ces deux labels européens poursuivent des objectifs communs : l’harmonisation des différents labels de la finance verte et durable actuellement fragmentés au sein de l’UE, la sécurisation des transactions financières et des informations délivrées aux investisseurs afin de prévenir le risque de greenwashing [10] et d’obtenir ainsi la confiance de ces derniers, ou encore l’amélioration de l’attractivité des produits et services financiers européens. Plus largement, l’unification et la libéralisation du marché intérieur s’effectue d’une part dans un souci de concurrence libre et non faussée entre les pays membres, et d’autre part dans un souci de renforcement des entreprises européennes face aux entreprises américaines. Cette harmonisation des labels financiers de la RSE sera une bonne chose si les États-membres décident cependant de rationaliser les lois nationales actuelles. Dans le cas inverse, un risque d’enchevêtrement entre législations nationales et législation européenne risquerait au contraire de complexifier ces mécanismes au lieu de les simplifier.

À l’échelle nationale : projet de loi PACTE, projet de réforme des ICPE et projets de révision de normes volontaires

En France, trois séries de réformes sont à prévoir. Deux d’entre-elles portent sur la réglementation : il s’agit de la future loi de l’entreprise dite PACTE et la réforme des ICPE [11] ; tandis que la troisième porte sur les normes environnementales et sociales d’application volontaire.

La première série de réformes se trouve dans le projet de loi PACTE [12], qui a pour objectif de "transformer l’entreprise" en favorisant notamment l’innovation, l’exportation, l’emploi, et la participation des salariés à la direction de l’entreprise. Ce projet de loi devrait être dévoilé courant juin.
Il s’agit donc d’une loi de modernisation de l’économie relativement "fourre-tout", ou tout du moins très large dans ses objectifs. Cependant, différentes mesures intéressantes sont envisagées, en matière sociale, et en matière de reconnaissance juridique de la RSE.
En matière sociale, pour les employeurs, une simplification des seuils sociaux serait envisagée. Pour les salariés, il serait envisagé une revalorisation portant sur leurs compléments de rémunération (primes, intéressements, participations), ainsi que sur leur place dans les conseils d’administration.
En matière de RSE, le gouvernement envisagerait une nouvelle rédaction des articles 1832, 1833 et le 1835 du code civil. Celle-ci devrait permettre d’une part d’intégrer dans ledit code la prise en compte des "enjeux sociaux et environnementaux" des activités de l’entreprise, et d’autre part de faire figurer dans ses statuts sa "raison d’être".
L’objectif serait alors d’étendre l’intérêt social de l’entreprise à l’intérêt général, voire d’étendre également l’objet social prévu dans les statuts de l’entreprise à cet effet. Ces changements renforceraient la prise en compte du long terme ainsi que la place des parties prenantes autre que les seuls actionnaires dans l’entreprise. Il s’agirait donc de mieux prendre en compte les tiers au contrat de société dans une perspective de gouvernance élargie.

Trois remarques paraissent devoir être formulées sur cette intégration de la RSE dans le code civil.

Premièrement, rien ne permet de dire si ces changements auront ou non des conséquences majeures en droit des sociétés. Probablement que non.
Deuxièmement, dans le prolongement de cette remarque, l’intégration de la RSE dans le code civil relève selon nous davantage d’un effet d’annonce politique que d’une véritable révolution du droit positif. En effet, le gouvernement ne fait probablement ici qu’acter une réalité juridique : les entreprises s’engagent de plus en plus dans des démarches volontaires environnementales et sociales. Cette reconnaissance juridique de l’importance de la RSE n’entraînera probablement aucune contrainte juridique nouvelle pour les entreprises.
Dès lors, il est possible de s’interroger sur la pertinence d’une codification de la RSE, qui relève davantage d’une démarche relevant de soft-law [13], de la contractualisation, et du volontarisme des entreprises que de la réglementation classique. C’est d’ailleurs ce caractère intrinsèquement volontaire de la RSE qui pousse aujourd’hui les organisations patronales à suggérer au gouvernement soit d’opter plutôt pour une réforme de leurs codes de bonnes conduites, soit de codifier le cas échéant un statut dérogatoire à ces nouvelles dispositions du Code civil.
Troisièmement enfin, cette réforme annoncée ne serait-elle pas en réalité davantage une évolution importante des pratiques managériales actuelles relevant de la corporate governance [14] plutôt qu’une révolution au sein du droit des sociétés ? En effet, cette réforme, même si elle n’entraînera probablement pas de bouleversement juridique majeur en matière de contrat de sociétés, pourra peut-être faire évoluer dans le bon sens les pratiques des dirigeants et des actionnaires, en poussant ceux-ci à valoriser davantage encore la protection de l’environnement et l’implication des salariés dans la prise de décision au sein des entreprises. Cette loi pourrait en réalité marquer un rapprochement entre la corporate governance et l’ESS [15].

La deuxième série de réformes porte sur la réglementation ICPE. Ces réformes sont récurrentes en la matière et n’ont rien de profondes. Retenons toutefois un projet de simplification de la nomenclature ICPE actuelle annexée à l’article R.511-9 du Code de l’environnement, ainsi qu’un projet de modification de la nomenclature ICPE relative aux déchets [16]

La troisième série de réformes enfin porte sur les normes volontaires nationales. Ainsi, des réformes ont récemment été annoncées sur les normes volontaires HQE [17], ISR et ESS. Ces réformes seront analysées dans nos prochains articles RSE, qui aborderont ces trois sujets.

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Références

1-http://pactenvironment.emediaweb.fr...
2- GRI : Global Reporting Initiative.
3- https://www.globalreporting.org/sta...
4- http://bit.ly/2s0kOvo
V. églt. https://www.iso.org/fr/news/ref2248.html
5- ISR : investissement socialement responsable.
6- Crowdfunding : financement participatif.
7- https://www.novethic.fr/fileadmin/E...
8- ESG : critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
9-https://ec.europa.eu/info/publicati...
10- Greenwashing : écoblanchiment.
11- ICPE : installations classées pour la protection de l’environnement.
12- Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.
https://www.economie.gouv.fr/plan-e...
13- Soft-law : régulation, normalisation ou droit souple. Droit non contraignant, d’application volontaire, reposant davantage sur l’incitation et l’autorégulation que la contrainte réglementaire.
14 -Corporate governance : Gouvernance des entreprises.
15- ESS : Économie Sociale et Solidaire.
16- http://www.consultations-publiques.....
17- HQE : Haute Qualité Environnementale.

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