Airbnb et copropriété : l’analyse s’affine
- le 29 septembre 2023
Par Me Krystel MALLET - Avocat associé – LBVS AVOCATS
Le débat sur la nature des locations meublées touristiques de courte durée (AIRBNB notamment) n’a décidément pas fini de faire parler de lui. Il est vrai que le sujet est au cœur des préoccupations dans les communes en zones tendues où le tourisme fait directement concurrence à la location longue durée.
Le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) devrait d’ailleurs prochainement s’inviter dans le débat sur décisions des maires…
Le tribunal judiciaire de Nice apporte sa pierre à l’édifice en tentant de faire évoluer la qualification juridique d’une telle location. L’activité est-elle réellement commerciale par nature, comme pourraient le laisser supposer les dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation ?
Pour nos magistrats, la réponse est négative. Cette réglementation, issue de la loi dite ALUR, est étrangère au droit de la copropriété régi par la loi du 10 juillet 1965. Tout dépendrait donc de la manière dont la location est pratiquée.
L’enjeu, évidemment, tient en la compatibilité de l’activité exercée avec la destination de l’immeuble, en particulier si le règlement de copropriété contient une clause dite d’habitation bourgeoise. Une activité purement civile ne sera pas interdite par nature, sous réserve évidemment des nuisances qu’elle peut éventuellement causer, mais c’est un autre débat…
Il s’avère que cette analyse dichotomique a également été retenue par la Cour d’appel de Grenoble. Celle-ci rappelle utilement que « la clause d’habitation bourgeoise se définit comme l’obligation pour chaque propriétaire ou son locataire, de respecter le caractère bourgeois de l’immeuble, c’est-à-dire sa vocation à être un immeuble d’habitation ». Dès lors, les activités commerciales sont prohibées au sein de l’immeuble. Pour déterminer la nature civile ou commerciale de la location pratiquée, la juridiction grenobloise procède elle aussi par distinction, en recherchant si l’activité est accompagnée ou non de prestations de services. Lorsque la preuve de l’existence de telles prestations n’est pas rapportée, la location échappe à la commercialité.
Il y a donc bien l’émergence d’une distinction prétorienne selon que la location est pratiquée ou non avec des services para-hôteliers. Plus dangereux cependant, le constat que la location est pratiquée à titre professionnel qui semble faire dégénérer de jure l’activité civile en activité commerciale.
Pour autant, ce constat est à prendre avec circonspection : la jurisprudence n’est pas unanime et certains arrêts continuent d’appliquer une politique rigoureuse, sans aucune distinction.
C’est notamment le cas de la Cour d’appel de Paris qui, encore récemment a confirmé que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est une activité commerciale qui contrevient directement aux clauses du règlement de copropriété précitées relatives à l’usage que les copropriétaires doivent faire de leur lot et à la destination bourgeoise de cet immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible ».
Le feuilleton judiciaire est manifestement loin de s’achever. Espérons que cette série d’arrêts permettra d’ouvrir la porte à une clarification sur la nature juridique des locations saisonnières. À suivre…
1) TJ NICE 03/03/2023 n°22/02991
2) CA Grenoble, 2e ch., 23 mai 2023, n° 21/03168
3) CA Paris, pôle 4 ch. 2, 31 mai 2023, n° 22/18593