L'impact de la réforme de

L’impact de la réforme de la procédure civile sur le contentieux en droit du travail

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice est venue réformer en profondeur la procédure civile. Cinq décrets, du 30 août(1) et du 18 septembre 2019(2), permettent la mise en œuvre de cette réforme à compter du 1er janvier 2020. D’autres décrets ont été adoptés au mois de décembre 2019, et notamment le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile(3).

Par Me Sophie GOMILA, Avocat au sein de la SCP WABG, Membre AAPDS avec la collaboration de Luisella RAMOINO, élève avocat, docteur en droit

La création du Tribunal Judiciaire (TJ)

La réforme a impacté l’organisation des tribunaux. Depuis le 1er janvier 2020, les Tribunaux d’Instance (TI) ont fusionné avec les Tribunaux de Grande Instance (TGI) pour devenir les Tribunaux Judiciaires (TJ). Ainsi, depuis cette date, relèvent de la compétence du TJ, les contentieux en droit du travail relatifs à :
L’établissement des listes électorales en vue des élections du Comité Social et Économique (CSE) ;
- La composition des listes de candidats aux élections du CSE ;
- La régularité des élections électorales ;
- La désignation des délégués syndicaux et des représentants syndicaux au CSE ;
- L’application ou l’interprétation des accords collectifs de travail ;
- Le contentieux de la sécurité sociale (pour les litiges relevant de l’ancien Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui avait été déjà été transféré au Pôle Social du TGI).
- Les saisies des rémunérations sont aussi désormais transférées au Juge de l’exécution, à savoir le président du TJ.

L’unification des modes de saisine

Une unification des modes de saisine intervient. La saisine du TJ est simplifiée. En application des articles 750 et 818 du Code de Procédure Civile (CPC), elle se fait par assignation ou requête conjointe. Elle peut se faire également par requête unilatérale dans certaines procédures précisées par la loi ou le règlement ou en procédure orale en dessous de 5 000 € (articles 750 et 818 du CPC). Puisque les contentieux en droit du travail précités relèvent de la procédure orale, deux modes de saisine sont ainsi conservés : l’assignation et la requête, avec la suppression de la déclaration au greffe :
- pour les demandes supérieures à 5 000 € elle se fait par assignation ;
- pour les demandes inférieures à 5 000 € elle se fait par requête.
Les nouveaux modes de saisine sont applicables devant le Conseil des prud’hommes (CPH), ce qui implique la fin des comparutions volontaires en conciliation.

La résolution amiable des litiges

La réforme vise également à alléger la charge des tribunaux, privilégiant la résolution amiable des litiges. Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 prévoit l’obligation pour le demandeur, sous peine de nullité dans certains cas, de justifier avant de saisir la juridiction d’une tentative de conciliation, de médiation ou de convention de procédure participative. Devant le CPH c’est l’art. L. 1411-1 du Code du Travail qui s’applique et qui prévoit que "le Conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail (…) entre employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti". Donc, la phase de conciliation est obligatoire au niveau procédural mais sans pour autant être forcément préalable au dépôt de la requête. Même si les nouveaux textes issus des décrets ne s’appliquent pas textuellement devant le CPH, il semble préférable d’indiquer dans la saisine les tentatives de conciliation amiables préalables.

La représentation obligatoire

Le décret du 11 décembre 2019 précité prévoit aussi la représentation obligatoire pour :
- Les procédures relevant de la compétence exclusive du TJ quel que soit le montant de la demande (article 760 du CPC) sans distinction entre les procédures écrites et orales ;
- Les procédures ne relevant pas de la compétence exclusive du TJ pour les demandes supérieures à 10.000 €.
Cependant, le contentieux des élections professionnelles, de la sécurité sociale et de la saisie des rémunérations reste sans représentation obligatoire (article 761 du CPC). Il en est de même pour le contentieux prud’homal en première instance même si la représentation demeure obligatoire en appel.

L’exécution provisoire

Un autre élément nouveau est l’exécution provisoire des décisions de justice. L’article 514 du CPC prévoit désormais que les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en disposent autrement. En vertu du nouvel article R. 1454-28 du Code du Travail ces dispositions ne s’appliquent pas aux
décisions du CPH.

La procédure accélérée au fond (PAF)

Enfin, la procédure en la forme des référés a été renommée et
devient depuis le 1er janvier 2020 la procédure accélérée au fond (PAF). Un nouvel article L. 481-1 du CPC est créé qui décrit le déroulement de la PAF et qui reprend pour l’essentiel l’ancienne procédure en la forme des référés prévue par l’ancien article L. 492-1 du CPC qui est, quant à lui, abrogé. Sont désormais concernés par la PAF :
- Certains litiges relatifs au refus de certains congés, tels que par exemple les congés pour événements familiaux (art. L. 3142-3 du Code du Travail), le congé de proche aidant (art. L. 3142-25 du Code du Travail) ou encore celui pour l’acquisition de la nationalité (art. L. 3142-76 du Code du Travail) ;
- Les litiges relatifs aux avis, propositions, conclusions écrites du médecin du travail en matière d’inaptitude physique article L. 4627-7 du Code du Travail) ;
- Les recours du CSE lorsqu’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants nécessaires pour se prononcer (article L. 2312-15 du Code du Travail) ;
- Les recours des membres de la délégation du personnel du CSE lorsqu’ils estiment ne pas avoir été suffisamment informés à l’occasion d’une OPA (article L. 2312-46) ;
- Les recours des membres de la délégation du personnel du CSE en cas de carence de l’employeur à la suite de l’exercice de leur droit d’alerte (alerte aux droits des personnes dans le cadre de l’article L. 2312-59 du Code du Travail) ; et,
- Les recours de l’employeur dans les entreprises d’au moins 50 salariés contre la décision du CSE décidant le recours à expertise (article L. 2315-86 du Code du Travail).

Note de la rédaction : Me Gomila a présenté en détail l’impact de la réforme de la procédure civile sur le contentieux en droit du travail lors de la formation mensuelle de l’AAPDS (Association des Avocats Praticiens en Droit Social). Avec l’autorisation de la Me Florence Massa présidente AAPDS nous publions son article.

1-Décrets n°2019-912 du 30 aout 2019 ; n°2019-913 du 30 aout 2019 ; n°2019-91’ du 30 aout 2019. Publiés au JO le 12 décembre 2019.
2-Décret n° 2019-965 du 18 septembre 2019 ; décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019. Publiés au JO le 19 septembre 2019.
3- Publié au JO le 12 décembre 2019.

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