La conformité environneme

La conformité environnementale des assureurs en matière de transition énergétique : une politique assurantielle au service de la décarbonation


Par Habib Diallo
Juriste des risques et du développement durable
Membre ANEJA et AFJE06

Parution dans le cadre du cycle d’étude "Droit des assurances approfondi - L’assurance face à la décarbonation"


Le concept de conformité environnementale ou compliance environnementale désigne une politique volontariste prise à l’échelle d’une organisation (entreprise, administration, association, compagnie d’assurance…) afin de se conformer à la réglementation environnementale en vigueur qui lui est applicable. Son rôle consiste à faciliter la mise en place des procédures et mécanismes de gestion garantissant le respect des règles du droit de l’environnement applicables à l’organisation et à son secteur d’activité, ce qui permet de protéger l’environnement en limitant la réalisation des risques liés au dérèglement climatique (1).

Appliquée dans le secteur de l’assurance, la conformité environnementale fait référence à l’ensemble des moyens, stratégies, procédures et plans d’action volontaristes mis en œuvre par les assureurs afin de se conformer à la réglementation environnementale en matière de décarbonation et de protection de l’environnement, en particulier les objectifs induits par la transition énergétique que beaucoup considèrent comme l’axe névralgique de la transition écologique. Puisque cet axe est fondamental dans les objectifs de neutralité carbone que la France et l’union européenne se sont fixées d’atteindre à l’horizon 2050.
En effet, afin de répondre aux défis du changement climatique, la France a mis en place une politique de transition écologique visant à transformer son modèle économique actuel, grand émetteur des émissions de gaz à effet de serre, en un modèle économique de bas carbone. Cela passe notamment par l’abandon progressif de l’utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon…) au profit de celle des énergies dites renouvelables qui sont moins émettrices de gaz à effet de serre, mais aussi par la réduction de la consommation d’énergie à 40% à l’horizon 2050 (2).

L’idée est de parvenir à réduire les risques climatiques en incitant les agents économiques à réduire leur impact carbone dans la production des biens et services, et en promouvant des nouvelles pratiques économiques plus conciliantes avec la préservation de l’environnement et le développement durable. C’est donc une transition structurelle et comportementale puisqu’elle implique une transformation inédite et profonde du fonctionnement de l’économie, à toutes les échelles.
Dans ce contexte, les assureurs, à l’instar des entreprises, sont appelés à jouer leur partition en intégrant ces exigences réglementaires dans leur mode de couverture des risques et dans leur stratégie de financement de l’économie réelle afin de respecter notamment les objectifs de décarbonation du modèle économique actuel. Cette conformité environnementale est cruciale pour le secteur de l’assurance dans la mesure où il est le premier concerné par le réchauffement climatique avec la multiplication des risques climatiques qui deviennent de plus en plus inassurables, en raison de leur coût économique ou du caractère majeur, extrême et complexe qu’ils revêtent.
L’intérêt pour les acteurs de l’assurance de se conformer aux exigences environnementales en matière de décarbonation est double : d’une part, cela leur permet de participer activement à la protection de l’environnement
en renforçant leur politique d’appréhension, de prévention et de gestion des risques climatiques, et d’autre part, cela favorise leur adaptation aux risques de transition en améliorant leur compétitivité dans la couverture des risques et dans le financement durable des activités économiques.

Autrement dit, en se conformant aux exigences de durabilité induites par la transition écologique, les assureurs se protègent en même temps des risques liés au changement climatique tout en renforçant leur compétitive dans un champ économique en forte mutation où l’ensemble des acteurs est contraint de modeler leurs pratiques de production et de consommation des biens et services au regard des enjeux de transition et de durabilité.

Alors comment cette conformité environnementale se traduit-elle dans la transition énergétique et sur quel levier s’appuie-t-elle pour maximiser davantage la décarbonation des activités assurantielles dans ce secteur ?

Ainsi, dans le cadre de la transition énergétique, cette compliance environnementale des compagnies d’assurance se traduit par la mise en place des plans d’action visant principalement à inciter les assurés à réduire leur consommation des ressources énergétiques en les proposant des produits d’assurance alternatifs, plus responsables en matière de décarbonation, comme une couverture favorable à l’installation de panneaux photovoltaïques ou encore l’achat et l’usage des biens qui consomment moins d’énergie. Cela passe notamment par l’ajustement progressif des politiques de souscription qui doivent désormais privilégier la couverture des activités à faible intensité carbone. Ainsi, dans l’application de sa politique de décarbonation, la compagnie d’assurance, Generali, qui se définie comme un assureur responsable (3), a récemment annulé les polices d’assurance des deux entreprises évoluant dans le secteur de l’énergie, qu’elle reprochait de ne pas faire assez d’efforts pour réduire leur impact sur l’environnement (4). De son coté, AXA s’est engagé dans une politique de décarbonation plus ambitieuse visant à se retirer totalement de l’industrie du charbon en choisissant de ne plus couvrir les activités des entreprises évoluant dans ce secteur (5).

De même, la MAIF a adopté dès 2020 une stratégie climat volontariste visant à contribuer à l’atteinte de l’objectif mondial de neutralité carbone d’ici 2050 en réduisant l’empreinte carbone de ses investissements de 25% d’ici 2025, en participant au financement de la transition énergétique avec l’objectif d’atteindre au moins 15% de part verte pour le groupe d’ici 2025 et en mobilisant ses parties prenantes autour de l’atteinte des objectifs zéro émission nette d’ici 2050 induite par l’accord de paris sur le Climat. Cette politique de décarbonation intermédiaire du groupe s’inscrit notamment dans le cadre de son adhésion à la Net-Zéro Asset Owner Alliance (NZAOA) (6), qui est une alliance créée par les Nations-Unies et composée d’investisseurs institutionnels dont l’objectif est de décarboner les portefeuilles d’investissement afin d’atteindre zéro émission nette à l’horizon 2050, incluant des objectifs intermédiaires de décarbonation mesurables tous les 5 ans (de 22 à 32é% pour 2025 et de 40 à 60% pour 2030) (7).

En outre, au-delà de cette politique d’ajustement des souscriptions pour une assurance plus responsable reposant sur la prise en compte du risque climatique dans la production des produits d’assurance, les assureurs s’orientent également vers la réduction de leur consommation d’énergies en s’engagent vers plus de sobriété énergétique qui apparait aujourd’hui «  comme un pilier essentiel, sinon le premier de la transition énergétique (8) ».

Ainsi, le Groupe mutualiste Matmut a mis en place un plan de sobriété énergétique qui se décline sur plusieurs leviers, en particulier les enseignes lumineuses, le chauffage, l’éclairage et les équipements électriques. L’objectif du groupe, qui a adhéré depuis 2021 à la Net-Zéro Insurance Alliance (NZIA), une initiative conjointe des assureurs, réassureurs et du programme des nations-Unies pour l’environnement dont l’objectif principal consiste à décarboner les portefeuilles de souscription d’assurance et de réassurance, est de remplacer progressivement les enseignes lumineuses de ses 480 agences par du matériel sans éclairage ni rétro-éclairage. Cet objectif s’accompagne aussi de la mise en place d’une large campagne de sensibilisation de ses collaborateurs aux bonnes pratiques en matière de sobriété énergétique (9).

Ainsi, loin d’être une simple politique de RSE, cette conformité environnementale des sociétés d’assurance permet aujourd’hui à ces dernières de faire face efficacement aux risques de transition induits par la transition énergétique.

Références de l’article

1 De Navacelle Stéphane, Béral Alice, « La conformité environnementale : une préoccupation grandissante en France », Navacelle, 29 Mai 2020. [En ligne].
2 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « Sobriété énergétique : un plan pour réduire notre consommation d’énergie » juillet 2022. [En ligne].
3 Generali, « rapport développement durable », 2022. p. 28.
4 Assurances et décarbonation : quels sont les liens, juillet 2021.
5 Idem.
6 G. Sacha, « Transition énergétique, focus sur quelques assureurs qui s’engagent », l’Assurance en mouvement, octobre 2022. [En ligne].
7 La Net-Zéro Asset Owner Alliance (NZAOA).
5 Idem.
6 G. Sacha, « Transition énergétique, focus sur quelques assureurs qui s’engagent », l’Assurance en mouvement, octobre 2022. [En ligne].
7 LaNet-Zéro Asset Owner Alliance (NZAOA).
8 Mollier-Sabet Louis, « Sobriété énergétique : un pilier essentiel, sinon le premier de la transition écologique », selon un rapport parlementaire, juin 2023. [En ligne].
9 Plan de sobriété énergétique : la Matmut remplace les enseignes lumineuses de ses 480 agences par des enseignes bandeau et drapeau sans éclairage.

Lire aussi : La Net Zero Insurance Alliance : Un projet utopique ou réaliste ?

Visuel de Une : illustration DR