Le référé prud'homal (...)

Le référé prud’homal face à l’ouverture d’une procédure collective

L’interdiction de saisir le juge du référé en présence d’une procédure collective est un principe posé par le Code de commerce qui a été longtemps confirmé par la jurisprudence de la Cour de Cassation.

Par Maître Sabrina ESPOSITO, Avocat au Barreau de Nice Membre de l’A.A.P.D.S*

Toutefois, l’incohérence de ce principe et la spécificité des créances salariales ont conduit à une atténuation du principe en faveur du salarié.
La volonté initiale du législateur d’accélérer la procédure prud’homale
Il ressort de l’article L.625-5 du Code du commerce que "Les litiges soumis au Conseil de Prud’hommes en application des articles L. 625-1 et L.625-4 sont portés directement devant le bureau de jugement".
Ce texte avait initialement pour objet d’accélérer la procédure prud’homale en supprimant l’audience devant le bureau de conciliation.
Toutefois, ce texte restrictif empêchait le salarié de saisir la formation des référés alors même que les conditions étaient réunies.

La Cour de cassation faisait, par ailleurs, une application très restrictive de ce texte puisqu’elle rappelait que le salarié ne pouvait s’adresser à la formation des référés pour obtenir une provision (Cass.soc.17 juin 1992, n°89-43338, Cass. Soc. 3 avril 2001, n°99-45393).

Dès lors, l’incohérence de la situation était évidente puisque d’une part le législateur supprimait la phase de conciliation afin d’accélérer le règlement du salarié ; mais d’autre part l’empêchait de saisir le juge de l’urgence ; c’est-à-dire le juge des référés.

De manière récurrente les Cours d’Appel appliquent cette jurisprudence.
À titre d’exemple, la Cour d’Appel de Paris rappelait l’incompétence du juge des référés en présence d’une procédure collective (Cass. Soc. 19 janvier 2012, n°11-02958) et précisait que le Conseil de Prud’hommes saisit en sa formation des référés devenait incompétent du fait de l’ouverture de la procédure collective en se fondant sur l’article L. 625-5 du Code du commerce.

La Cour d’appel de Toulouse a, quant à elle, débouté un salarié de ses demandes devant le juge des référés en indiquant que l’ouverture d’une procédure collective était une contestation sérieuse (CA Toulouse, 16 mars 2012, n°10/05040).

De l’évolution de la jurisprudence vers la prise en compte de la situation du salarié

Face à cette situation, on a pu assister à un assouplissement progressif de la jurisprudence des différentes Cour d’appel puis de la Cour de Cassation, notamment concernant la remise de documents obligatoires.
La Cour de Cassation a ensuite précisé que le salarié pouvait saisir la formation des référés lorsque le salarié n’entendait pas appeler en garantie l’AGS ou parce que les sommes demandées n’étaient pas garanties par cet organisme (Cass. Soc. 4 juin 2003, n°01-41791)

Récemment, la Cour de Cassation a assoupli sa jurisprudence en considérant que le juge des référés était compétent face à un trouble manifestement illicite (article L. 1455-5 du Code du travail). Ainsi, dans un arrêt du 3 mars 2015, la Cour de Cassation a fait droit à une demande de rappel de salaires et a condamné le mandataire judiciaire à la reprise du paiement des salaires d’un salarié, encore en fonction, en se fondant sur la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite (Cass. Soc. 3 mars 2015, n° 13-22411).

Aucune précision n’était donnée dans cet arrêt sur la garantie ou non de l’AGS de telle sorte que ce dernier arrêt pourrait marquer un revirement de jurisprudence enfin favorable au salarié.

*L’Association des Avocats Praticiens en Droit Social des Alpes-Maritimesregroupe des spécialistes qui pratiquent quotidiennement le droit du travail, par le conseil et l’activité plaidante.

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