Le télétravail en questions

Le télétravail en questions

Alors que le télétravail est un mode d’organisation du travail à part entière dans certains pays d’Europe du Nord, où il peut concerner plus de 30% des salariés, il est loin d’être optimisé en France avec moins de 10% de télétravailleurs au sens du Code du travail. Malgré un premier cadre juridique défini en 2005 avec l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, ce n’est qu’avec la loi dite "Warsmann" du 22 mars 2012, que le télétravail a fait sa première entrée dans le Code du travail. Le cadre juridique était alors assez rigide et comportait peu de précisions quant à ses modalités de mise en œuvre.

Par Maître Caroline BLANCHARD-CREGO, Avocat associé - Cabinet CAPSTAN

Puis, face à la montée en puissance de toutes les formes de "télétravail gris", en dehors de tout cadre juridique, et suite à une concertation des partenaires sociaux, le cadre législatif s’est quelque peu assoupli et étoffé avec l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
Toutefois, malgré la flexibilité apportée par ce texte, le télétravail présente des contraintes juridiques qui ne peuvent être contournées, sauf à s’aventurer sur le terrain du télétravail "noir".

Qu’est-ce que le télétravail ?

Selon le nouvel article L.1222- 9 du Code du travail, il s’agit de toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué volontairement par un salarié hors de ces locaux, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
En conséquence, le travail à domicile (assistante maternelle) ou encore le travail itinérant (commercial) ne constituent pas du télétravail.
En revanche, cette nouvelle définition supprime la condition de la régularité fixée antérieurement. Désormais, le télétravail peut être occasionnel, à savoir
répondre à des situations exceptionnelles, comme une difficulté de transport, un pic de pollution, une préconisation du médecin du travail, etc.

Cadre de mise en place

Alors que la loi dite "Warsmann" imposait une mise en place dans le cadre du contrat de travail ou d’un avenant à ce dernier, le nouveau texte pose le principe d’une mise en place par voie d’accord collectif ou, à défaut, par une charte élaborée par l’employeur. En revanche, l’ordonnance précitée précise que l’accord des parties peut être formalisé par tout moyen, lorsqu’il s’agit de recourir occasionnellement au télétravail.
Or, cette rédaction limitant au télétravail occasionnel la formalisation par tout moyen (avenant, courrier, échange d’e-mails), le législateur a envisagé de modifier le texte, à travers la loi de ratification de ladite
ordonnance, en cours d’adoption au Parlement. En effet, ce texte prévoit qu’en l’absence d’accord d’entreprise ou de charte, les parties peuvent formaliser leur accord par tout moyen, que le télétravail soit régulier ou occasionnel.

Pour qui ?

Il convient de définir précisément les profils de postes, cadres ou non cadres, pouvant être éligibles au télétravail dans l’entreprise. Cela suppose de définir des critères objectifs tenant notamment à l’autonomie du salarié ou aux contraintes techniques (matériel utilisé, sensibilité des données traitées ou travail en équipe).
Il pourra être ajouté des conditions tenant par exemple à l’ancienneté du salarié ou à la compatibilité du logement.
Cette définition est essentielle puisque tout salarié "éligible" est en droit de demander à bénéficier du télétravail et ce n’est que par décision motivée que l’employeur peut s’y opposer.

Où ?

Malgré une idée répandue, le télétravail ne doit pas s’exercer exclusivement au domicile du salarié, il peut également être exercé au sein de tiers-lieux tels que des espaces de co-working ou encore des bureaux mis à disposition par l’entreprise.
À côté du domicile, ces modes alternatifs de recours au télétravail, représentant près de 36 % des cas de télétravailleurs recensés en France, sont reconnus comme une véritable solution aux déplacements domicile – lieu de travail.

Quel coût ?

Bien que l’ordonnance ait supprimé l’obligation de l’employeur de prendre en charge les coûts inhérents au télétravail, il lui appartient d’assumer les frais découlant directement du télétravail (matériels et outils, logiciels, abonnements, etc.).
À ce titre, une indemnisation forfaitaire est généralement négociée dans le cadre d’un accord d’entreprise et ouvre droit à exonérations de charges sociales sur production de justificatifs.
En revanche, l’indemnité d’occupation du domicile tant décriée n’est pas due si le salarié est volontaire ou si un local professionnel est mis à sa disposition.

Quelle protection ?

L’ordonnance est venue instituer une présomption d’accident du travail en cas d’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail, pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur.
Aussi, d’une manière générale, la protection de la santé et de la sécurité du salarié passe par le respect de son droit à la déconnexion et le suivi de sa charge de travail à travers la tenue d’entretiens ainsi que le contrôle de son temps de travail.
Enfin, il s’agira d’être attentif au risque d’isolement du télétravailleur, dépendant du degré de recours au télétravail.

En conclusion, les opportunités avérées d’un tel dispositif pour l’entreprise (fidélisation, baisse de l’absentéisme, politique sociale et environnementale
valorisante) et ses salariés (meilleure qualité de vie au travail, moins de stress, économie de frais) méritent de le sécuriser, à travers la négociation d’un accord ou l’élaboration d’une charte.
Dans une perspective de pérennisation du dispositif, il est recommandé de privilégier une phase d’expérimentation, pour assurer progressivement les ajustements qui s’imposent et ainsi appréhender le cadre "optimal" de mise en place.

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