Les mesures d'accompagneme

Les mesures d’accompagnement fiscal face au COVID

La situation exceptionnelle du coronavirus a contraint le gouvernement à mettre en œuvre des dispositions spécifiquement adaptées à l’obligation de confinement décidée par les pouvoirs publics.
Cela se traduit majoritairement par des aides financières (encore faut-il que les professionnels répondent aux conditions d’octroi de ces mesures) et avec la mise en place d’une politique fiscale présentée comme exceptionnelle.
Cependant, il est évident que si le gouvernement dépense en ce moment des sommes astronomiques alors que le discours était encore à la rigueur il y a peu de temps, il peut difficilement se permettre simultanément de ne pas remplir ses caisses.

ParMe Julien Alquier, Avocat en droit fiscal au barreau de Nice, Chargé d’enseignement à l’Université Nice Côte d’Azur, Doctorant au sein du laboratoire CERDP (E.A n°120)

C’est pourquoi, le vocabulaire est choisi avec attention et les porte-paroles du gouvernement mentionnent des « mesures d’accompagnement » et non de cadeaux fiscaux, car cela n’en est pas.

Report d’échéances de certains impôts

Pour les entreprises en difficulté, il est possible de demander au service des impôts des entreprises le report sans pénalité du règlement de leurs prochaines échéances d’impôts directs comme l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires ou la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Le gouvernement propose aussi pour les travailleurs indépendants de moduler leur taux et les acomptes de prélèvement à la source, bien que cette modification ait toujours été possible depuis la mise en place du prélèvement à la source.
De même, pour les personnes possédant des contrats de mensualisation pour le paiement d’impôts tels que la cotisation foncière des entreprises ou la taxe foncière, le gouvernement leur propose de les suspendre, mais l’arrêt d’une autorisation de prélèvement relative à un contrat de mensualisation en passant directement par son établissement bancaire n’est pas non plus une nouveauté.
Ce ne sont donc pas des mesures exceptionnelles mises en place pour le COVID, a contrario du report de paiement des acomptes de prélèvement à la source sur les revenus professionnels d’un mois sur l’autre, mais seulement jusqu’à trois fois si les acomptes sont mensuels, et seulement d’un trimestre sur l’autre si les acomptes sont trimestriels.
Ces dispositifs ne concernent pas tous les impôts puisque la taxe sur la valeur ajoutée n’entre pas dans le cadre des reports de règlement.

Pour les entreprises en grande difficulté financière, le gouvernement soumet la faculté d’une demande de remise d’impôts directs, mais c’est sans préciser que l’administration fiscale a toujours eu la possibilité d’offrir ce type de remise lorsque les difficultés d’une entreprise étaient justifiées. En d’autres termes, les professionnels ont été forcés par la politique du gouvernement à cesser leur activité pour se confiner, provoquant de facto l’arrêt de leurs recettes. Mais dans sa grande mansuétude, le gouvernement propose, d’une part, de reporter, et non d’effacer, les échéances fiscales correspondant aux périodes d’inactivité forcée pour lesquelles les recettes, elles, ne seront jamais compensées et d’autre part, des solutions présentées comme exceptionnelles sont avancées alors qu’elles ont toujours existé.

Renoncement des loyers commerciaux

Pour inciter les bailleurs à renoncer à leurs loyers commerciaux, permettant dans le même temps aux entreprises locataires de limiter leur endettement, le gouvernement a fait voter une mesure fiscale temporaire relative aux abandons de créances pour que les bailleurs soient plus enclins à renoncer à toucher leurs loyers, et ce, jusqu’au 31 décembre 2020. L’abandon de créance correspond fiscalement à la renonciation par une entreprise à exercer les droits que lui confère l’existence d’une créance, et cela est très encadré par l’administration fiscale pour éviter les abus. Cette dernière allant même jusqu’à imposer des loyers « abandonnés », c’est-à-dire jamais encaissés, lorsqu’elle estime que cet abandon n’est pas justifié.
Cependant, la logique d’un bailleur est toujours d’encaisser des loyers et seuls les cas de fraudes sophistiquées utilisent les abandons de créance comme un outil de défiscalisation. Par conséquent, des loyers impayés en raison d’un locataire indélicat ou en difficulté financière, comme cela pourrait être envisagé en raison du confinement, ne sont jamais imposables.
Ce n’est donc, encore une fois, pas réellement un cadeau fiscal que fait le gouvernement. Il existe tout de même un petit avantage au renoncement des loyers commerciaux pour les bailleurs. Ces derniers, qui acceptent de réduire leurs recettes locatives au nom de la solidarité nationale, pourront tout de même déduire toutes les charges afférentes à leurs loyers abandonnés. Normalement, la réglementation fiscale ne permet pas de déduire les charges de locaux commerciaux si ces derniers ne génèrent pas de revenus. Cependant, le bénéfice de cette mesure n’est pas automatique et plusieurs conditions doivent être remplies. Le locataire doit être une entreprise, ce qui induit que cette mesure ne bénéficie pas aux particuliers qui ne sont pas sous forme de société.
Aussi, le bailleur et le locataire ne doivent pas être des entreprises liées au sens de l’article 39, 12° du Code général des impôts.
De plus, lorsque l’entreprise du locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur personne physique, le bénéfice de cette mesure est subordonné à ce que le bailleur puisse justifier par tous moyens les difficultés de trésorerie du locataire.

Il conviendra donc de constater que les mesures d’accompagnement du gouvernement ressemblent principalement à de la publicité sur des dispositifs déjà existants plutôt qu’un réel allègement fiscal.

Au regard des milliards dépensés actuellement par le gouvernement, il est difficile de concevoir davantage pour les entreprises que de leur permettre de « reculer pour mieux sauter » le paiement de leurs impôts, tout en espérant, sans beaucoup de conviction, que la fiscalité n’explose pas très prochainement.

deconnecte