Les pièges de la période d’essai
- Par Maître Eva Nabet --
- Par Me Marion Wackenheim --
- le 30 mai 2024
Souvent présentée comme l’élément fort de la relation contractuelle, la période d’essai comporte pourtant son lot de risques. De sa conclusion, en passant par son renouvellement jusqu’à son éventuellement rupture : la vigilance est de mise ! Une mise à jour fort utile de Mes Nabet et Wackenheim.
Comment prévoir une période d’essai ?
Le Code du travail envisage la possibilité de prévoir une période d’essai dans le contrat de travail, afin de permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Selon l’article L.1221-23 du Code du travail, « La période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail ».
L’article L 1221-19 du même code limite la période d’essai aux durées maximales suivantes :
2 mois pour les ouvriers et les employés ;
3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
4 mois pour les cadres.
Il résulte de ces dispositions que la période d’essai et son renouvellement ne sont valables qu’à condition d’avoir été prévues contractuellement et dont la durée ne dépasse pas les maximums prévus par le Code du travail.
Le renouvellement de cette période d’essai
La règle est simple et limpide : un renouvellement de période d’essai ne s’impose pas, pas plus qu’il ne se déduit ! Le renouvellement de la période d’essai ne peut donc résulter que d’un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale.
Ainsi :
L’employeur entendant renouveler l’essai doit le faire savoir au salarié avant l’expiration de la première période
L’acceptation par le salarié de la prolongation de la période d’essai doit être claire et non équivoque. Elle ne peut résulter de la seule poursuite du travail, ni de la simple réception ou de la seule signature de la lettre de l’employeur l’avisant de la prolongation.
C’est pour toutes ces raisons que le renouvellement se fait, en principe, soit selon un avenant au contrat de travail initial soit selon une lettre contre-signée par le salarié qui porte la mention, écrite de sa main, « lu et approuvé ».
Attention également aux conventions collectives et accords collectifs ! En effet, une vigilance particulière doit être apportée aux textes conventionnels et précisément aux modalités et durées de renouvellement de la période d’essai.
Nombreuses sont les dispositions conventionnelles qui peuvent prévoir des durées de renouvellement plus courtes que les durées initiales.
En tout état de cause, la durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
4 mois pour les ouvriers et les employés ;
6 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
8 mois pour les cadres.
Une fois encore, la vigilance reste la règle. Les conséquences d’un « mauvais » renouvellement de période d’essai peuvent être lourdes pour l’employeur puisqu’une rupture du contrat de travail postérieurement à ce renouvellement irrégulier peut s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 26-9-2012 n° 11-11.444 FD).
La période d’essai est dite prolongée lorsqu’au cours de cet essai s’est présentée une cause de suspension du contrat de travail. Par exemple, les congés payés, l’accident du travail ou la maladie entraînent la prolongation de l’essai pour une durée au plus équivalente.
La rupture de cette période d’essai
Là encore la règle est simple (quoi que) : le contrat de travail peut être rompu sans formalisme ni indemnités, au cours de la période d’essai. Les règles relatives à la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) ne sont donc pas applicables. Mais attention au faux ami ! Nous l’avons dit, la période d’essai sert à apprécier les compétences, l’aptitude du salarié à occuper les fonctions pour lesquelles il est embauché. De ce postulat, il convient d’être vigilant sur les raisons pouvant conduire à mettre fin à une période d’essai.
En effet, la rupture de la période d’essai pourrait être déclarée abusive si la décision n’est pas motivée par des raisons professionnelles.
Tel est le cas de :
la résiliation intervenue au cours de la période d’essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié (Cass. soc., 20 nov. 2007,
n° 06-41.212)
la rupture motivée par une suppression de poste (Cass. soc., 30 nov. 2011, n° 10-30.535).
Dès lors et en pratique, pour constater cet éventuel abus, la Cour de cassation examine également les circonstances entourant cette rupture, tels que : la situation sociale du salarié, son âge, la durée de la période d’essai exécutée, la précipitation avec laquelle la rupture est intervenue…
Et quelles seraient les conséquences d’une rupture de période d’essai abusive pour le salarié ?
Le salarié qui s’estime victime d’une telle rupture peut demander l’allocation de dommages et intérêts pour le préjudice qu’il a subi.
Ne pas oublier également le délai de prévenance incombant à la partie désireuse de mettre un terme à la période d’essai :
Pour le salarié : il doit prévenir l’employeur au moins 48 heures à l’avance, 24 s’il est depuis moins de 8 jours dans l’entreprise.
Pour l’employeur : il doit respecter, lorsque la durée de la période d’essai est d’au moins une semaine, un préavis au moins égal à :
24 heures si le salarié est depuis moins de 8
jours dans l’entreprise ;
48 heures entre 8 jours et un mois de présence ;
2 semaines après un mois de présence ;
1 mois après 3 mois de présence.
Attention à la situation d’une faute commise par le salarié pendant son
essai : dans cette hypothèse la procédure disciplinaire doit être respectée.
Vous l’aurez compris, le maître mot pour l’usage de la période d’essai est la vigilance.
Une vigilance tout au long de l’essai éviterait bien des contentieux et des situations pour le moins épineuses auxquelles peuvent être confrontés des employeurs pourtant désireux de bien faire.