Licenciements économiques

Licenciements économiques et crise sanitaire

  • le 11 février 2021

Devoir faire face à l’épidémie provoquée par le virus à l’origine de la COVID-19, "catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population" (L. n° 2020 – 290 du 23 mars 2020), a conduit l’État français à adapter des pans entiers du droit social aux restrictions sanitaires et mettre en oeuvre un nombre considérable de mesures d’aide aux entreprises.

Par Me Christine GAILHBAUD, Avocat au Barreau de Grasse, membre du CERDP, Maître de conférences à l’Université Côte d’Azur, Membre AAPDS Côte d’Azur

L’une des mesures majeures adoptées par l’État se trouve sans doute dans la socialisation des salaires à travers l’activité partielle, dont le domaine d’application et le niveau d’indemnisation des employeurs ont été considérablement étendus dans le cadre de la crise.
Un nouveau dispositif d’activité partielle longue durée a également été créé dans "l’activité réduite pour le maintien de l’emploi" (L. n° 2020-734 du 17 juin 2020, art. 53).
L’objectif de ces mesures d’aide de l’État est la poursuite des contrats de travail par le soutien accordé au financement de la masse salariale malgré l’arrêt ou le ralentissement temporaire de l’activité.
Que l’objectif soit atteint ne fait aucun doute.
L’activité partielle a permis d’éviter de nombreuses cessations d’activité et les licenciements consécutifs : "Sans le dispositif de l’activité partielle, l’histoire aurait été bien différente" (Mattia Guerini, Lionel Nesta, Xavier Ragot, Stefano Schiavo, 2020, "Dynamique des défaillances d’entreprises en France et crise de la Covid-19", OFCE Policy brief 73, 19 juin 2020, spéc. pp. 10 et 11).
Cela suffit-il pour écarter le risque de licenciements économiques ? Plus généralement, quelles sont les incidences des mesures adoptées par l’État sur le droit du licenciement économique ?

Le droit du licenciement économique n’a pas été modifié

Ainsi, nonobstant l’objectif affiché d’éviter les licenciements du dispositif d’activité partielle, ce dernier n’interdit pas de procéder à des licenciements économiques.
Ceux-ci se trouvent bien fondés, dès lors qu’ils répondent aux exigences posées par le droit du licenciement économique aux articles
L. 1233-3 et suivants du Code du travail, et notamment le caractère réel et sérieux du motif économique. En revanche, si l’administration considère les licenciements économiques comme incompatibles avec le recours à l’activité partielle, elle peut solliciter le remboursement des allocations versées à l’employeur. C’est le cas lorsque l’employeur a pris un engagement en matière d’emploi, dans le cadre du renouvellement de l’activité partielle ou du recours à l’activité partielle longue durée. L’obligation de rembourser les allocations d’activité partielle ne sera toutefois pas systématiquement retenue lorsque la situation économique et financière de l’employeur se sera dégradée malgré les aides.
Ainsi, des licenciements économiques dont le motif est réel et sérieux ne pourraient être critiqués au seul motif que l’entreprise a eu recours à l’activité partielle. Seule la responsabilité de l’employeur, qui n’aurait pas respecté un engagement pris en matière d’emploi, pourrait être mise en cause par le salarié licencié en dépit de l’engagement de maintien de l’emploi.
L’appréciation judiciaire du motif économique peut-elle être influencée par les aides reçues par l’entreprise qui procède à des licenciements économiques ? Autrement dit, lorsqu’un employeur procède à des licenciements économiques alors qu’il a perçu des aides économiques et financières (prêt garanti par l’État, fonds de solidarité, exonération de charges sociales, prêt direct de l’État, …), l’appréciation par le juge des motifs économiques tels que les difficultés économiques ou la nécessaire réorganisation liée à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, peut-elle être orientée par le bénéfice de ces aides versées par l’État ?
Si ces aides sont destinées à ralentir l’impact de l’arrêt temporaire ou du ralentissement de l’activité, rien ne permet de remplacer le chiffre d’affaires. L’absence ou l’insuffisance de chiffre d’affaires, doublée d’une absence de perspective à court et moyen termes, pourrait rendre inévitables des suppressions d’emplois conduisant à des licenciements économiques en dépit des aides versées.
Les chiffres sont têtus. Il n’existe aucun principe juridique d’incompatibilité entre les aides versées aux entreprises et des licenciements économiques répondant aux conditions des articles L. 1233-3 et suivants du Code du travail. La procédure de licenciement économique n’a pas non plus été modifiée pour prendre en considération les restrictions sanitaires : si les modalités de consultation du comité social et économique (CSE) ont été adaptées à la crise sanitaire par le recours à la visioconférence, le CSE dispose d’un droit d’opposition à la consultation en distanciel lorsqu’il s’agit de donner son avis sur un projet de licenciements collectifs pour motif économique (sauf recours aux trois réunions par année civile) (ord. n° 2020-1441 du 25 novembre 2020).

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