Maintien du télétravail ?

Maintien du télétravail ? Oui, mais pas pour tous

En mars, la crise sanitaire du Covid-19 a bouleversé l’organisation du monde du travail, tous secteurs confondus, jusque dans les administrations publiques. Petit à petit, pour les salariés et agents sédentaires, le télétravail s’est installé.

Par Maître Alexandre-Guillaume TOLLINCHI, Avocat à la Cour – Docteur en Droit, Avocat associé de la SELARL TOLLINCHI’S LAW FIRM (Barreau de Nice) Enseignant à la Faculté de Droit de Nice

A la condition de disposer à leur domicile d’un espace pour pouvoir travailler en toute quiétude et d’un accès internet suffisant, le télétravail a permis à de nombreuses familles, d’une part, de préserver leur santé de tout risque de contamination (collègues, public, transports en commun) et, d’autre part, de réaliser de substantielles économies en termes de gardes d’enfant.
Le télétravail ne signifie pas « far niente  » ! Il génère d’ailleurs un accroissement potentiel du nombre d’heures travaillées et non payées… le soir et le week-end.

Le télétravail n’est pourtant pas du goût de tous les employeurs, notamment de ceux adeptes d’un management pathogène et brutal au demeurant totalement contre-productif et préjudiciable à l’employeur en termes de productivité.

Le déconfinement a commencé à sonner le glas du télétravail. Encouragés par le discours décevant et irresponsable du Ministre de l’Economie Bruno Le Maire, ayant trop vite fait de dénigrer le télétravail, de nombreux employeurs ont chercher à imposer un retour sur le lieu de travail, très souvent sans garantir le risque zéro de contamination.
Or, les employeurs sont tenus à une obligation de sécurité – sanitaire, y compris – de résultat. Les règles de distanciation sociale et les mesures barrière (dont le masque, mais un masque propre et correctement utilisé !) ne peuvent au demeurant pas être parfaitement respectées dans les petits open space, les ascenseurs, les cantines internes, etc. De la même manière, travailler 7h par jour avec un masque n’est pas chose facile, a fortiori avec l’augmentation des températures saisonnières.
Le risque de contamination demeure et la dangerosité du virus aussi. Cela justifie pleinement la volonté de maintenir le télétravail.
Mais l’employeur indélicat peut-il contraindre ses salariés / agents à réintégrer ses locaux ?

La réponse est à nuancer : oui, mais pas pour tous et pas à n’importe quelle condition.

Il le peut si les règles sanitaires sont scrupuleusement observées. Le ministère du travail a établi un protocole sanitaire à destination des employeurs. Pour autant, il pourrait être assoupli dans les prochains jours, ce qui constitue un véritable scandale sanitaire.
En cas de manquement aux règles de protection sanitaire, le salarié serait en droit de refuser de réintégrer les locaux et de solliciter un maintien du télétravail. Le conflit sera alors inévitable et pourrait se terminer par un licenciement (insubordination, abandon de poste, etc.) dont il conviendrait par suite, devant le Conseil de Prud’Hommes, de soutenir le caractère abusif et l’absence de cause réelle et sérieuse. L’employé, a fortiori en temps de crise, craignant de perdre son emploi et peu désireux d’un conflit judiciaire pourrait facilement envisager de se plier à la volonté – abusive – de l’employeur : c’est le retour du pot de terre contre pot de fer.
Il faut déplorer la passivité coupable du Gouvernement face à de telles situations déjà existantes.
Fort heureusement, même si l’employeur respecte le protocole sanitaire, certains salariés du secteur privé ou agents du secteur publics peuvent, au titre du principe de précaution, obtenir le maintien du télétravail s’ils relèvent de la catégorie des personnes vulnérables, s’ils partagent le même domicile qu’une personne vulnérable, ou s’ils sont parents d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

Visée par le décret n°2020-521 du 5 mai 2020, la vulnérabilité correspond à l’un des critères suivants : grossesse (à partir du 7e mois), diabète, obésité (IMC supérieur à 30 g m2), antécédents cardiovasculaires, pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose, etc. – la liste n’est pas exhaustive), insuffisance rénale, syndrome drépanocytaire majeur, antécédent de splénectomie, cancer, cirrhose (au moins au stade B), immunodépression, VIH, hépatites, et autres pathologies lourdes).
Si le décret ne vise pas expressément les agents du secteur public, le principe d’égalité, à valeur constitutionnelle, ne saurait permettre qu’ils en soient exclus.

En application de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, les salariés et agents concernés peuvent dès lors être placés, sur simple demande de leur part, en activité partielle ou, si leur poste le permet (poste administratif), en télétravail.

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