Mésentente entre associés

Mésentente entre associés : ?pertinence de la médiation

La mésentente entre associés ou groupe d’associés peut conduire à des situations de blocage mettant en jeu la pérennité de la société. Des précautions statutaires ou extra statutaires peuvent être envisagées pour limiter ce risque, telles que l’instauration de droits de vote prioritaire aménagé, des clauses d’offre de sortie alternative, des clauses de retrait forcé, etc. Cependant, ces clauses sont parfois inopportunes voire dangereuses selon les circonstances car elles sont fondées sur la préservation de l’intérêt social de la personne morale (sa survie) sans considération réelle de l’intérêt personnel de chaque associé.

Par Maître Michel BUCHET, Médiateur -Avocat conseil en médiation, Agréé CNMA - Conseil National des Barreaux, D.U Médiation - Université NICE Vice-Président d’AMI, Alternative de médiateurs indépendants

Le contrat de société est fondé sur un lien relationnel fragile sans certitude de pérennité : l’affectio societatis. Ce lien repose sur la volonté d’investir en commun et de partager les bénéfices. Or, les désaccords relatifs à ces
objectifs, corollaires d’une vie sociale active, sont ordinairement inévitables voire souhaitables sur la durée car contester c’est contribuer : ainsi, et comme le rappelle Thomas Fiutak, le problème n’est pas le conflit mais sa gestion.

Comment sont donc gérés les différends dans un processus de médiation ?

- 1. Le conflit sera traité rapidement pour éviter son pourrissement ; (3 à 6 mois sauf cas d’urgence) ;

- 2. La priorité de la médiation sera de restaurer le lien relationnel entre associés pour préserver à la fois l’affectio societatis et assurer la pérennité de l’entreprise à la différence des autres modes amiables de résolution des différends ;

- 3. Les associés ne seront pas soumis à l’aléa d’une décision d’un tiers, juge ou arbitre ;

- 4. Les associés négocieront directement entre eux avec l’aide d’un médiateur impartial, neutre et indépendant, sans être influencés par ses conseils ou son orientation, comme dans une conciliation par exemple, garantissant ainsi un parfait consensualisme indispensable à la préservation durable de l’affectio societatis ;

- 5. L’affect et les considérations psychologiques qui perturbent durablement
le lien relationnel seront traités par le médiateur à l’inverse d’une procédure contentieuse, d’un arbitrage ou d’une conciliation ;

- 6. Les besoins profonds des associés voire cachés, les non-dits, et leurs intérêts substantiels seront intégralement pris en compte grâce à l’aide du médiateur et traités en toute confidentialité ;

- 7. Les positions initiales antagonistes ne feront pas l’objet d’une négociation mais les associés seront totalement libres d’adopter, en commun, des solutions innovantes et sur mesure répondant à leurs besoins et intérêts spécifiques sous la seule réserve qu’elles soient conformes à l’ordre public : le médiateur est dispensateur d’énergie créative et collaborative !

- 8. Chaque associé préservera ses intérêts sans abandonner obligatoirement des droits à l’inverse d’une transaction ;

- 9. La configuration conventionnelle imaginée par les associés permettra d’adapter les règles de fonctionnement statutaires à l’affectio societatis au moyen d’un écrit qui pourra être éventuellement homologué pour revêtir la force exécutoire ;

- 10. Le processus de médiation est rapide et donc économique.

Exemple de différend relatif à l’affectation des bénéfices "Pourquoi" ... un groupe d’associés ne veut pas distribuer de bénéfices contrairement à l’autre groupe ?

La question n’est pas de savoir qui a juridiquement tort ou raison au regard de chaque position adoptée mais de connaitre les motivations qui sous-tendent cette position. Les questionnements révèlent qu’un groupe d’associés souhaite la mise en réserve afin d’éviter le taux marginal d’imposition à l’impôt sur le revenu et privilégier les investissements pour réaliser des gains en plus-value lors du départ de la société, lesquels pourraient être de surcroit exonérés d’imposition pour les dirigeants qui partiraient en retraite ; tandis que l’autre groupe revendique des distributions de dividendes pour diverses raisons familiales (pension alimentaire à verser, financement des études des enfants, acquisition d’une maison, etc.).

Dernière phase du processus de médiation

"Comment" ... outrepasser les positions antagonistes des associés (distribuer ou ne pas distribuer des dividendes) et répondre à leurs besoins personnels qui, en revanche, ne sont pas incompatibles entre eux, (besoin de revenu d’une part et recherche de plus-value d’autre part) ?
Le médiateur inscrit sur le paperboard les idées émises par les associés et leurs avocats lors du Brainstorming :
- Nue-propriété contre usufruit ;
- Renonciation individuelle à dividendes contre bons de souscription d’actions ;
- Dividendes préciputaires contre droit de vote prioritaire aménagé ;
- Paiement du dividende en actions ;
- Apport de titres à holding IS et prêt à la société filiale au moyen des dividendes perçus pour financement des investissements.
- Augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription ...
Puis, le médiateur demande aux associés et à leurs avocats d’évaluer et de sélectionner les options à approfondir susceptibles d’éligibilité au regard des critères suivants : Équité, faisabilité, facilité, efficacité et pérennité.
La médiation est en marche !

deconnecte