Mon employeur peut-il

Mon employeur peut-il m’obliger à me faire vacciner ?

Un salarié peut-il refuser une vaccination obligatoire ? Quels sont les vaccins obligatoires et ceux qui ne le sont pas ? Jusqu’où le pouvoir de direction de l’employeur peut-il aller concernant la question de la vaccination ? Au-delà de ces questions, la vaccination en entreprise nous amène à nous interroger sur la liberté individuelle du salarié, son droit à la santé, son droit à la vie et son droit au respect de son intégrité physique.

Par Maître Cécile ZAKINE, Avocat au Barreau de Grasse

Les principes directeurs de la vaccination en entreprise


La vaccination en milieu professionnel protège les personnes exposées à un risque biologique causé par l’exposition à des agents pathogènes. La lettre circulaire du 26 avril 1998 relative à la pratique des vaccinations en milieu de travail par les médecins du travail est venue poser les principes généraux en matière de vaccination dans le milieu du travail. Le texte opère une distinction entre les vaccinations obligatoires du fait de la réglementation française, et les autres catégories de vaccinations, étant entendu que ce n’est que dans le cadre des vaccinations obligatoires que la responsabilité de l’État peut, sous certaines conditions, être invoquée en cas d’accident post-vaccinal (Article L. 10-1 du Code de la santé publique.)
Enfin, le salarié doit pouvoir rester libre du choix de son médecin vaccinateur, même lorsqu’il fait appel à l’intervention du médecin du travail pour se faire vacciner.
Il est fait obligation des vaccinations antivariolique, antityphoparatyphoïdique, antidiphtérique, et antipoliomyélitique pour toutes personnes employées dans les établissements, dont la liste a été fixée par les arrêtés des 19 janvier 1949 et 30 août 1955 et qui, du fait de leur travail, peuvent être amenées à se trouver en contact, direct ou indirect, avec des malades. Il s’agit des établissements de vaccination publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné. Il en est de même pour la vaccination antitétanique rendue obligatoire pour les professionnels de santé, de secours, de la petite enfance et des personnes âgées, et recommandée pour les salariés travaillant en contact avec le sol ou la terre. Certaines vaccinations telles que la vaccination grippale ou qui concerne l’hépatite A ne sont pas obligatoires mais peuvent être recommandées pour certaines activités professionnelles. La mise en œuvre de la vaccination sur le lieu de travail est assurée par l’employeur. Le médecin du travail doit donner une information claire et précise à l’employeur, aux salariés, au CHSCT ou aux délégués du personnel, sur les avantages et les risques de chaque vaccination.
Quant au salarié, ce dernier doit fournir son consentement exprès à se faire vacciner par le médecin du travail mais peut choisir librement un autre médecin. Enfin, précisons que si la vaccination obligatoire a provoqué des effets indésirables voire l’apparition d’une maladie, la prise en charge au titre de la législation des accidents du travail est admise, dès lors qu’un lien entre l’exposition professionnelle et la pathologie déclarée sera avéré.

La sanction du refus du salarié de se faire vacciner


Dès lors que les vaccinations n’entrent pas dans la catégorie de celles qui sont obligatoires, elles ne peuvent avoir lieu sans le consentement des salariés intéressés. Aussi, sauf dans l’hypothèse où un risque serait particulièrement grave, le refus de vaccination ne peut justifier un licenciement ou une sanction disciplinaire. En revanche, dès lors que le médecin du travail prescrit une vaccination obligatoire et que le salarié ne présente aucune contre-indication médicale, ce dernier n’a pas la possibilité de refuser cette vaccination sauf à être sanctionné notamment par un licenciement (Cass. soc., 11 juill. 2012, no 10-27.888).
Au final, seul un avis médical de contre-indication à la vaccination, réclamé par l’employeur au salarié à plusieurs reprises, peut permettre à ce dernier d’admettre l’absence de vaccination. Un reclassement pourrait être envisagé sur un poste où le salarié ne serait pas en contact avec des personnes à risques. La nécessité d’une contre-indication médicale met en évidence la rigueur de l’obligation vaccinale pour certaines catégories professionnelles. Cette rigueur ne vient-elle pas créer un antagonisme entre l’obligation vaccinale au nom de l’intérêt collectif et de la santé publique et le droit individuel et fondamental pour toute personne de revendiquer le respect de son intégrité physique et de sa santé ?

Qu’en est-il alors lorsque le refus de se faire vacciner ne provient pas d’une contre-indication médicale mais d’une crainte de voir apparaître bien des années après des effets secondaires ? Au vu de la jurisprudence actuelle, il semblerait que ce droit de refuser un vaccin obligatoire soit refusé au salarié sans que l’on ne puisse dénier à l’employeur son obligation de sécurité de résultat. Le poste occupé et la tâche à accomplir pourront alors justifier l’obligation vaccinale du salarié et l’atteinte proportionnée à ses droits fondamentaux.
Cependant, face aux enjeux liés au droit fondamental au respect de l’intégrité du corps humain, l’employeur devra prendre toutes les précautions nécessaires pour que le licenciement pour faute ne soit pas requalifié par les juridictions prud’homales en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. D’un point de vue stratégique, il serait peut-être intéressant d’opter pour un licenciement pour inaptitude avec tentative de reclassement avant de s’orienter directement sur un licenciement disciplinaire.

La vaccination et la Covid 19


La vaccination contre la Covid-19 ne saurait conditionner l’accès à un poste ou la rupture du contrat de travail.
La vaccination contre le virus lié à la Covid-19 ne fait pas partie des vaccinations obligatoires et demeure donc pour le moment facultative. Les employeurs ont-ils le droit de l’imposer à leurs salariés en fonction du secteur professionnel concerné ?
Si la vaccination est actuellement facultative, il est légitime de se poser la question de savoir si elle ne va pas bientôt faire partie des vaccins obligatoires pour certaines catégories professionnelles. Le refus d’un salarié pourrait-il justifier un licenciement alors que les craintes sont fondées compte tenu de la rapidité avec laquelle les vaccins ont été conçus ? Qu’en sera-t-il des salariés amenés à voyager dans le cadre de leur activité professionnelle ?
L’obligation de détention d’un passeport vaccinal et l’impératif lié à l’obligation de prévention des risques (risque de contagion au cours des déplacements et de contagion ultérieure des autres salariés) ne constitueront-ils pas une amorce à la vaccination obligatoire contre la Covid-19 ? Ce seront au final l’encadrement éventuel par l’OMS de la vaccination contre la Covid-19 ainsi que les contraintes professionnelles qui rendront la vaccination obligatoire faisant de nouveau resurgir la question de l’équilibre si fragile entre les libertés fondamentales du salarié et le lien de subordination qui le contraindra à accepter cette vaccination.

deconnecte