Notion de travail dissimu

Notion de travail dissimulé : l’apport de l’arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2018

Dans sa décision du 28 novembre 2018 (Arrêt n°1737 du 28 novembre 2018 (17-20.079) - Cour de cassation - Chambre sociale ECLI.FR.CCASS.2018.SO01737), la Cour de Cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui ne reconnaissait pas l’existence d’un contrat de travail liant un coursier à vélo à une société utilisant une plateforme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas.
La Cour de cassation a considéré qu’il convenait de requalifier en contrat de travail la relation entre les livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant et la plateforme en rappelant le critère du lien de subordination.

Par Maître Florence MASSA, Avocat associée - Membre AAPDS 06 Cabinet GHM Avocats

Cette décision est dans la lignée de l’évolution législative et jurisprudentielle sur la notion de travail dissimulé et de reconnaissance de contrat de travail.

En effet, depuis la loi du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal, le terme de travail clandestin a été remplacé par celui de travail dissimulé afin d’éviter la confusion entre la situation des ressortissants étrangers en situation irrégulière et celle des travailleurs non déclarés. Le Code du travail définit la notion de travail dissimulé :

- Soit par une dissimulation d’activité (Article L. 8221-3 du Code du travail) : cela concerne de façon générale les travailleurs indépendants, lesquels se soustraient à leurs obligations d’immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, ou encore aux déclarations devant être faites auprès des organismes de protection sociale (dont l’Urssaf, RSI...) ou à l’administration fiscale.

- Soit par une dissimulation d’emploi salarié (Article L. Article L. 8221-5 du Code du travail) : cela concerne l’employeur qui commet certains manquements à ses obligations concernant la déclaration du travail de ses collaborateurs sous subordination (absence d’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche, absence de délivrance de bulletins de paie, absence de déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales, déclaration intentionnelle sur le bulletin de salaire d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli).

La fraude aux cotisations et contributions sociales (dont l’Urssaf est garant de leurs paiements), se caractérise par un élément intentionnel relevant d’une volonté délibérée de l’entreprise de se soustraire à tout ou partie de ses obligations déclaratives et de paiement.
Sur ce point, les nouvelles formes de travail se sont développées en France et se sont notamment traduites par une augmentation du nombre d’auto-entrepreneurs.
Ainsi, en 2016, le nombre d’auto-entrepreneurs augmentait quasiment de 7% par rapport à l’année 2015.
L’Urssaf reconnaissait dans son bilan pour l’année 2017 avoir redressé près de 541 millions d’euros de cotisations et contributions sociales, montant légèrement inférieur à 2016 qu’elle justifie par la complexité croissante de certaines situations de travail dissimulés représentant ainsi une perte de recettes pour les caisses de l’État.

L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation du 28 novembre 2018(1) est un exemple de ces montages utilisés aujourd’hui et souvent réalisés en coopération avec des auto-entrepreneurs, par lesquels les entreprises tentent de se soustraire aux cotisations et contributions sociales.
La question soulevée était donc celle de savoir s’il existait un lien de subordination juridique entre un livreur et une plate-forme.

Dans cet arrêt, la Cour nous rappelle les critères permettant de définir un lien de subordination juridique(2) et considère qu’en l’espèce ce lien était démontré notamment du fait de la mise en place d’une application dotée d’un système de géo-localisation permettant le suivi en temps réel de la position de coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus.
Partant, la Haute Juridiction a estimé que le rôle de la plateforme ne se limitait pas à la mise en relation du restaurateur, du client et du coursier, et, d’autre part, que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier.
Attention donc aux entreprises utilisatrices de ces montages qui seront fort probablement sujettes à contrôles prochainement au risque de se voir redresser mais également condamner pénalement !

Références
[1] Cass.soc., 28 nov. 2018, pourvoi n° 17-20079
[2] Cass.soc., 13 nov. 1996, Bull. 1996, V, n°386, pourvoi n° 94-13187 : exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné 

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