Assurance et stations de

Assurance et stations de ski : un partenariat crucial pour une transition durable

Comment l’assurance peut-elle devenir un partenaire majeur pour les stations de ski, se retrouvant à la fois victimes et contributeurs du réchauffement climatique ? Quelles solutions d’assurances pourraient aider ces stations à briser ce cercle vicieux et à s’engager vers une transition plus durable ?


Par Chloé Sebti
Étudiante en Master II - Juriste d’affaires Nice
Membre ANEJA et AFJE06
Parution dans le cadre du cycle d’étude "Droit des assurances approfondi - L’assurance face à la décarbonation"

Dans l’univers montagneux, les paradigmes évoluent

La montagne apparaît comme étant « la première sentinelle du changement climatique (1) », notamment depuis que « l’or blanc » ne demeure plus aussi fiable qu’autrefois. Le manque de neige met même en péril l’avenir des stations de ski.
Parallèlement, une étude de 2010 révèle le poids environnemental des dix plus
grandes stations de ski françaises qui émettent près de 800 000 tonnes de CO2 (2) à travers les transports, les hébergements, les infrastructures et les équipements tels que les canons à neige et les engins de damage. Cette empreinte écologique ne se limite pas aux seules émissions de gaz à effet de serre (GES), elle altère également la végétation et les équilibres des habitats naturels, soulignant l’urgence d’une réflexion approfondie sur la durabilité environnementale des stations de ski.

S’il n’est pas question d’abandonner le ski, véritable épine dorsale de l’économie de la montagne (3), il est urgent de repenser ces destinations en adoptant une approche globale, respectueuse de l’écosystème montagnard.

Dans cette perspective, les assureurs, conscients de leur responsabilité environnementale, ont un rôle crucial à jouer dans cette transition vers des pratiques plus durables et responsables.
Il est impératif de les impliquer davantage dans ce processus pour que les stations de ski bénéficient de leur expertise et de leur soutien en matière de durabilité.
Ils pourraient contribuer en sensibilisant massivement les touristes aux enjeux environnementaux des stations de ski, utilisant leur influence auprès de leur clientèle. À titre d’exemple, l’assureur Generali a déjà publié sur son site internet un article dédié aux sports d’hiver, mettant en lumière les aspects polluants et proposant des pratiques plus adaptées (chauffer son logement de manière raisonnable, faire du covoiturage, opter pour des activités avec zéro impact comme la luge, le ski de fond ou les raquettes) (4). Sensibiliser l’ensemble des parties prenantes semble constituer un excellent point de départ.
L’assurance se présente également comme un soutien crucial pour les initiatives favorisant une gestion plus durable des stations. Par exemple, l’association Mountain Riders (5) décerne le label Flocon Vert depuis 2011 pour récompenser les engagements durables des stations. Des agents généraux comme Xavier Joly-Pottuz d’AXA soutiennent cette initiative par des donations à l’association pour chaque recommandation de leur travail (6).

Cette démarche vise à encourager les stations à adhérer à ce label, soulignant son importance pour une gestion plus responsable du tourisme en montagne.
Les produits d’assurance peuvent également aider les stations à réduire leur dépendance financière à l’égard de la neige.

Ces contrats peuvent permettre d’investir dans la diversification des activités tout en compensant les pertes de revenus.

Cependant, la garantie de perte d’exploitation pose problème dans ce contexte, car elle couvrirait des pertes sans dommages matériels, contraire aux principes des contrats d’assurance dommages aux biens. Cela présente une difficulté lors des périodes de manque de neige où les stations subissent des pertes financières sans dommage direct (7). Par ailleurs, l’assurance paramétrique, bien qu’émergeant comme une réponse face aux aléas climatiques, se heurte à des défis. Son coût élevé constitue un frein pour de nombreux intéressés. De
plus, sa mise en oeuvre nécessite une collecte exhaustive de données et une analyse approfondie pour définir des seuils de déclenchement pertinents. Une étude sur l’utilisation de la hauteur de neige comme critère déclencheur n’a pas donné des résultats satisfaisants, car de multiples variables influent sur ce paramètre, rendant la modélisation complexe et peu fiable (8).

Couverture mutualisée

Face à ces défis, Domaines Skiables de France, le syndicat professionnel représentant l’ensemble des domaines skiables, a initié Nivalliance le 1er décembre 2001, une couverture mutualisée contre les aléas climatiques, prenant en compte non seulement le manque de neige, mais également tous les aléas externes impactant l’exploitation.

Le mécanisme repose sur la limitation des conséquences financières du manque de neige grâce à une solidarité entre les stations. Cela évite qu’une station investisse à tout prix dans des canons à neige, au détriment de l’environnement, sachant qu’elle serait de toute façon indemnisée pour la baisse de son chiffre d’affaires. Ce concept repose sur un contrat de type « tous risques sauf », souscrit pour cinq ans par le syndicat auprès d’un groupe d’assureurs et de réassureurs, comprenant notamment AXA (en tant qu’apériteur), Allianz et Aviva. Toutes les stations, en tant que bénéficiaires, versent une cotisation calculée en fonction de leur chiffre d’affaires. L’adhésion au syndicat implique automatiquement l’adhésion à Nivalliance.
Pour être éligible à une indemnisation, il est nécessaire que la baisse du chiffre d’affaires soit supérieure à 10 % par rapport à la moyenne des trois dernières années (9).
Ainsi, par leurs initiatives et engagements, les assureurs peuvent s’affirmer comme des acteurs clés dans l’accompagnement des stations de ski vers des pratiques plus durables et responsables.

Lire aussi  : Stress-tests climatiques de l’ACPR, les assureurs français sereins face au réchauffement climatique ?

Références de l’article

- 1 Rapp. Parlementaire, 24 févr. 2022, n°5127
- 2 Selon l’étude de l’Association nationale des maires (ANMSM) réalisée par l’ADEME en 2010.
- 3 L’activité « ski » représente actuellement 82% du chiffre d’affaires de la montagne (Rapp. Parlementaire, Op. Cit.).
- 4 Generali, Sports d’hiver : savoir ce qui est polluant et adapter ses pratiques, 18 févr. 2022
- 5 Flocon vert,La démarche flocon vert
- 6 JOLY-POTTUZ X., LinkedIn, oct. 2023
- 7 L’argus de l’assurance, Comment les stations de ski se
protègent-t-elles contre le manque de neige ?
, 14 juin 2023
- 8 Ibid.

Photo de Une : illustration ©DR

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