Stress-tests climatiques

Stress-tests climatiques de l’ACPR, les assureurs français sereins face au réchauffement climatique ?


Par Antony CALLIER
étudiant en M2 JRDD, membre AFJE06 et CJ2 (Comité des Jeunes Juristes), et Président de l’ADN (Association de débat niçoise).
Parution dans le cadre du cycle d’étude "Droit des assurances approfondi - L’assurance face à la décarbonation )

Mis en place à la fin des années 1990, les tests de résistance ou plus communément « stress-tests » en anglais, se présentent comme des outils d’analyse, permettant de simuler des scénarios économiques défavorables. Ces évaluations sont utilisées par les superviseurs et les institutions financières pour la gestion des risques et l’analyse des conséquences d’une dégradation potentielle de l’environnement économique.
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), Autorité administrative indépendante, qui a pour mission d’assurer la stabilité du système financier, la protection des clients et la surveillance de l’activité des banques et des assurances en France, cherche, dans cet objectif, à identifier et sensibiliser les acteurs bancaires et les assurances aux enjeux liés au changement climatique.

C’est pour cela, que le 6 juillet 2023 l’ACPR a annoncé le lancement de son second exercice de stress-test climatique couvrant le secteur de l’assurance à la suite d’un exercice pilote en 2020.

L’exercice pilote, tentative inédite d’évaluation des risques liés au changement climatique

L’exercice pilote, commun avec les banques et assureurs, s’est déroulé de juillet 2020 à avril 2021. Il a permis de mobiliser 15 groupes d’assurance volontaires, soit 75 % du secteur des assureurs français et a permis la sensibilisation des acteurs aux risques du changement climatique par une quantification et une évaluation de scénarios complexes de transition.
L’évaluation a mis en lumière une exposition aux risques climatiques jugée « modérée ». Cette conclusion doit être nuancée à l’aune des incertitudes portant à la fois sur la vitesse et l’impact du changement climatique. Elle souligne surtout le retard pris dans l’analyse du risque de transition par les institutions financières et les efforts à fournir pour encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050.

Ce test a déjà très probablement encouragé d’éventuelles décisions de réinvestissements avec pour objectif de réduire l’exposition aux risques climatiques, participant aussi à la décarbonatation de l’économie. Ainsi il a mis en avant la nécessité d’un changement de paradigme, pour intégrer davantage les risques liés au changement climatique dans les processus d’évaluation des risques financiers, prise de conscience cruciale pour une meilleure allocation des ressources et le financement de la transition écologique.

L’exercice a également révélé des limites méthodologiques, notamment en ce qui concerne les hypothèses des scénarios et l’identification des secteurs sensibles, forçant à améliorer la méthodologie des stress-tests climatiques, en tenant compte des interdépendances, des chaînes de valeur, et de la frontière d’assurabilité.

Un futur exercice exclusivement pour le secteur des assurances, pour quels résultats ?

Le prochain exercice, concentré uniquement sur le secteur des assurances poursuit l’objectif de sensibilisation et d’amélioration du cadre méthodologique, dans un contexte où la charge des catastrophes naturelles, plus fréquentes et plus violentes, ont dépassé les 10 milliards d’euros, en France, l’année dernière.
L’exercice reposera sur trois scénarios, deux de long terme, qui vont tenir compte des engagements nationaux pris dans le cadre de la COP26 et des dernières avancées technologiques dans les énergies renouvelables, et un scénario de court terme développé par l’ACPR en collaboration avec les équipes de la Banque de France sur l’horizon 2023-2027.

Le scénario de court terme combine des évènements défavorables avec des épisodes durables de sécheresses ou des vagues de chaleur suivies d’inondations localisées, forçant une prise de conscience des marchés entrainant un choc financier.
Les résultats - dont la publication est attendue pour le printemps 2024- ne devraient pas choquer le secteur des assurances, qui a dans l’ensemble anticipé le changement climatique depuis maintenant plusieurs années et devrait résister aux principaux scénarios, la seule faiblesse est la dépendance aux mesures transitoires.

Le risque n’est pas non plus à sous-estimer, Swiss-Re calcule que la France pourrait perdre de -1 % à -10 % de son PIB au cours des cinquante prochaines années. Selon le rapport FranceAssureurs de 2021, le montant des sinistres du au réchauffement climatique pourrait augmenter de 93 % ces 30 prochaines années pour atteindre 143 milliards d’euros en cumulé sur la période 2020 - 2050.

Mais surtout, c’est l’acculturation des usagers aux risques climatiques qui reste le défi de demain pour les assurances, alors que l’on apprend que seulement 1 français sur 4 dit avoir équipé son logement pour faire face à un événement climatique d’ampleur.

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