PPL LOI AVIA : recherche

PPL LOI AVIA : recherche d’un cadre nécéssaire contre la cyber-haine

434 contre 33 voix pour 536 votants, c’est le résultat du vote de la proposition de Loi AVIA le 9 juillet 2019 à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi (PPL) visant à lutter contre les contenus haineux fut introduite par la députée LREM Laetitia AVIA le 20 mars 2019 à l’Assemblée nationale. Elle a ensuite bénéficié de la procédure accélérée engagée par le gouvernement le 2 mai 2019. La PPL Avia se profile pour décembre au
Sénat. Le texte a été notifié à Bruxelles, la Commission et les États membres ayant jusqu’au 22 novembre.

Par Maître Anne-Marie Pecoraro, Avocat associé ATurquoise

Le contexte de la proposition de loi Avia

La proposition de Loi Avia avance des réponses au contexte d’une liberté d’expression exacerbée sur internet. La députée LREM Laetitia Avia, a rappelé certaines dérives de cette liberté d’expression : des campagnes de harcèlement en ligne, le meilleur exemple ayant été le scandale de la "Ligue du LOL", jusqu’aux commentaires racistes, sexistes, haineux, hélas quotidiens sur les réseaux sociaux. L’implacable constat a été dressé : face à la cyber-haine, il fallait des mesures législatives concrètes, faisant prendre conscience aux internautes du poids de la liberté d’expression sur Internet.

Ainsi selon les termes de la proposition de loi AVIA "Ce qui n’est pas toléré dans la rue ou dans l’espace public ne doit pas l’être sur Internet". En France, les dispositions applicables résultaient principalement de la Loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) du 21 Juin 2004[1], insuffisamment adaptée au contexte des réseaux sociaux.

Le Premier Ministre Édouard Philippe a donc confié une mission le 16 mars 2018 à Laetitia AVIA, ayant abouti à la rédaction d’un rapport intitulé "Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet". La proposition de loi AVIA fait suite à ce rapport, en y ajoutant d’autres dérives liées à la haine, avec l’objectif de "traduire les principales recommandations émises dans le cadre de cette mission" selon les termes introductifs de la proposition de loi.

Une obligation de retrait à l’intention des plateformes en lignes et moteurs de recherches

La proposition de loi AVIA projette d’imposer aux opérateurs de plateformes en lignes et aux moteurs de recherches, l’obligation de retirer ou de rendre inaccessible, ou de dé-référencer pour les moteurs de recherches, dans un délai de 24 heures après notification, tout contenu contrevenant "manifestement" à une série d’infractions[2]. Leur manquement serait passible d’une sanction déterminée et prononcée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et susceptible d’atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’opérateur défaillant.
Cette obligation renforcée concerne toutes les infractions mentionnées au 3ème alinéa de l’article 6.I.7 de la LCEN, et les infractions mentionnées aux
alinéas 3 et 4 de l’article 33 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. On y compte ainsi dans une liste particulièrement détaillée : l’apologie des crimes contre l’humanité, la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, l’incitation à la haine, à la violence, à la discrimination ou une injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l’origine, d’une prétendue race, de la religion, de l’ethnie, de la nationalité, du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap, de la pornographie enfantine, ou encore de l’atteinte à la dignité de la personne humaine. Il est important de rappeler que les plateformes en lignes et moteurs de recherches concernés seront déterminés selon plusieurs seuils liés aux nombres de connexions mensuelles sur le territoire français et précisés par un décret.

La création d’un dispositif de notification contre le contenu haineux

Le système de notification imposé par la proposition de loi Avia implique une procédure à mettre en place avec les internautes.
Cette procédure a été simplifiée par la PPL, suggérant l’instauration d’un "bouton unique de signalement commun à tous les grands opérateurs de plateformes de communication".
Néanmoins, la proposition de loi prévoit aussi que les notifications intentionnellement inexactes seront punies d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende 15 000 euros, de quoi potentiellement limiter l’usage abusif de cette possibilité de signalement.
De plus, les plateformes et moteurs de recherches devront assurer un certain suivi du contenu notifié et informer les notifiants des suites données à leur demande et des motifs de leur décision. La PPL impose donc de multiplier les moyens humains et technologiques pour assurer cette nouvelle mission. Il sera toujours possible pour les utilisateurs des plateformes de contester les décisions de retrait ou de non retrait notamment parce que les opérateurs auront l’obligation de "donner une information claire sur les voies de recours […] à leur disposition". L’efficacité de cette obligation sera aussi appuyée par une obligation de transparence de la part des opérateurs en vertu de l’article 4 de la proposition de loi. Ils devront par exemple publier un bilan périodique et communiquer le nombre de signalements reçus même abusifs.

Sanction à l’obligation renforcée de la proposition de Loi Avia

Le manquement à cette obligation suggérée par la PPL est constitutif d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 75 000 euros pour le dirigeant de l’acteur en ligne, et une amende de
375 000 euros pour la personne morale pénalement responsable. Le montant de cette amende peut substantiellement être augmenté si les opérateurs sont reconnus comme ayant commis le délit de refus de retrait, respectivement 250 000 euros et 1,25 millions d’euros pour les personnes morales pénalement responsables.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devra veiller au respect des nouvelles obligations selon la PPL. Il devient ainsi l’acteur incontournable de la lutte contre le contenu haineux en ligne. C’est l’article 4 de la proposition de loi qui souhaite insérer un nouvel article 17-3 dans la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 pour donner au CSA les compétences nécessaires pour assurer cette mission.

Le contrôle du respect des obligations des plateformes et moteurs de recherches

Les pouvoirs et l’étendue du contrôle du CSA doivent encore être étudiés de nouveau lors du passage de la PPL devant le Sénat car ils font l’objet de nombreuses critiques. On sait combien ces solutions rencontrent des adversaires notamment à la lumière de la conception de la liberté d’expression d’autres pays comme les États-Unis.

Mais il importe de souligner qu’au G7 la France a pu faire signer une charte sur la modération des contenus en ligne, même si les USA ne l’ont pas signée. Au-delà des chartes, l’adhésion à un projet législatif doit être destiné à renforcer les valeurs républicaines.

[1] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)

[2] Proposition de Loi AVIA

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