Soins intensifs et (...)

Soins intensifs et guérison, par Me Stephen Guatteri

La semaine dernière nous avons évoqué les mesures confidentielles de prévention. Notez que le gouvernement vient de rallonger pour une période équivalente à celle du confinement + 3 mois, la durée de la Conciliation.

Par Maître Stephen GUATTERI - Avocat Associé Cabinet GHM Avocats Nice & La Colle sur Loup

Ceci étant, quand celles-ci se révèlent insuffisantes ou que l’infection déclarée est aiguë, il faut immédiatement renforcer le traitement, voir, dans les cas graves, placer l’entreprise sous l’assistance respiratoire du tribunal.
Mais pas n’importe comment et n’importe quand.

C’est tout le sens de la loi sur les entreprises en difficultés réformée en 2005, puis renforcée en 2008 et 2014 avec l’objectif clair de sauvegarder l’outil de production et les emplois.

Deux traitements existent en fonction de l’état de cessation des paiements de l’entreprise, c.-à-d. de sa capacité à faire face à son passif exigible avec son actif disponible (celui qui peut être transformé en liquidités immédiatement sans paralyser l’activité).
L’ordonnance du 27 mars 2020 gèle au 12 mars 2020 l’appréciation de cet état.
- Ainsi, si des entreprises se trouvent, après le 12 mars 2020 et pendant le confinement + 3 mois, en état de cessation des paiements, elles pourront néanmoins demander l’ouverture d’une procédure de Sauvegarde.

La Procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 620-1, comp. et L. 631-1).

Sans attendre la survenance de la cessation des paiements, elle facilite la restructuration de l’entreprise. Ainsi, en justifiant de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements, l’entreprise sollicitera une procédure de sauvegarde et la désignation par le tribunal d’un administrateur ou d’un mandataire judiciaire.
Ce dernier assistera le dirigeant dans tout ou partie de sa gestion, mais celui-ci conservera tout de même l’administration de son entreprise.
L’objectif est de présenter, avec l’accord des créanciers, un plan établissant les perspectives de redressement de l’entreprise et les modalités de règlement du passif.

- Par contre, si les créanciers refusent le projet de Plan ou si la situation de l’entreprise se détériore, la Sauvegarde ne sera plus adaptée et il conviendra alors de transférer l’entreprise en soins intensifs, c’est-à-dire en Redressement Judiciaire.

La procédure de redressement judiciaire

Une entreprise doit demander l’ouverture d’une procédure de redressement dans le délai de 45 jours suivant la constatation de la cessation des paiements. A défaut le dirigeant engage sa responsabilité.
Ceci étant, cette procédure offre une bulle de protection à l’entreprise.

Ainsi, le jugement d’ouverture va paralyser toutes les poursuites individuelles concernant les créances antérieures audit jugement, c’est-à-dire interrompre ou interdire toute action en justice, mais aussi toute procédure d’exécution, toute déchéance du terme des prêts en cours. Il permettra également l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, mais aussi de retard et autres majorations et interdira toute inscription postérieure.

De même, il sera possible d’actionner le fond de garantie pour prendre en charge les salaires impayés au jour du jugement, mais aussi, dans certaines conditions, les coûts liés aux restructurations sociales.
- Fini les coups de pression quotidiens des organismes de recouvrement, des administrations et des partenaires financiers qui plombent la trésorerie, mais aussi la sérénité du dirigeant.

Ainsi, avec la Période d’Observation s’ouvre un épisode de maximum 18 mois propice à une restructuration en profondeur de l’entreprise. À l’issue, sera présenté au tribunal un plan d’apurement du passif sur maximum 10 ans, qui, s’il est validé, équivaudra à bénéficier d’un prêt à taux zéro sur 10 ans. Qui dit mieux aujourd’hui !
Même en cas d’échec à présenter un tel Plan, il sera toujours possible de céder l’activité à un tiers, préservant ainsi a minima l’outil de production et les emplois y afférents.
Mais de la posologie dépend la réussite de ce traitement. Trop tôt il est contre-productif, trop tard, il est voué à l’échec.
Il est donc nécessaire d’anticiper cette procédure pour la maîtriser et non pas la mépriser pour en souffrir.

Depuis un certain temps déjà, une nouvelle génération de juges consulaires mieux préparés à la matière est apparue et avec elle, des mandataires et administrateurs judiciaires ayant enfin une vraie vision entrepreneuriale de cette procédure et qui ont pour objectif le sauvetage de l’entreprise.
Soutenus par des partenaires financiers spécialisés qui apportent une réactivité essentielle, conseillés par des binômes avocats/experts-comptables spécialisés, capables de poser en amont un diagnostic économique et financier, les chefs d’entreprise devraient, dans cette période de récession, envisager la Procédure Collective sereinement, comme étant un moyen maîtrisé et apaisé d’adapter leur entreprise à la réalité d’un marché aujourd’hui particulièrement dévasté.
Take care !

Visuel de Une : Me Stephen Guatteri (DR et courtesy Sylvain Santoro | Photographe)

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