
TRACFIN. Déclarations de soupçon : comment ça marche ?
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 9 juillet 2025
En 2024, Tracfin a reçu 215 410 informations, dont 211 165 déclarations de soupçon transmises par les cinquante professions assujetties au dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, en hausse de 13,2 % par rapport à 2023, selon le ministère de l’Économie et des Finances. Ci-dessous, les grandes lignes du rapport d’activité.

- Les professions du secteur financier (banques, compagnies d’assurance, prestataires de services sur actifs numériques, etc.) représentent 93,1 % du flux déclaratif. Les banques et les établissements de crédit et assimilés sont à l’origine de plus de la moitié (57,2 %) des signalements adressés.
Fait notable : les prestataires de services sur actifs numériques ont transmis 3 073 déclarations de soupçon, en hausse de 112,1 %. Cette forte augmentation est directement liée au développement des nouvelles pratiques économiques et technologiques.
- Le volume de signalements adressés par le secteur non financier (notaires, casinos, greffiers de tribunaux de commerce, etc.) est en hausse de 25,7 %. Bien que leur part dans le flux total reste limitée, autour de 7 %, la contribution de ces professionnels non financiers est essentielle au regard de la nature des informations financières auxquelles ils ont accès.
– Dans le détail, le volume de signalements varie fortement d’une profession à l’autre. Ainsi, Tracfin constate une forte hausse des signalements (+ 254,4 %) dans le secteur du luxe et de l’art, avec 287 déclarations en 2024.
À l’inverse, les avocats ont transmis seulement 15 déclarations de soupçon. De même, la profession d’agent sportif, malgré un risque élevé de blanchiment de capitaux, n’a jamais adressé de déclaration aux agents de Tracfin.
– Enfin, Tracfin reçoit également des informations de soupçon des organismes publics ou encore des autorités de contrôle, des ordres professionnels et des instances représentatives nationales. Bien que le volume de signalements reste encore modeste avec 2 558 déclarations, leur nombre est en hausse de 5,4 % sur un an.
– Dans le cadre du renforcement de la lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (LCB-FT), les entreprises de « jeux à objets numériques monétisables » et les gestionnaires de crédit sont désormais assujettis à l’obligation de déclaration de soupçon. Avec l’adoption du 6e paquet LCB-FT européen, d’autres professionnels, dont les négociants de biens de grande valeur et les clubs de football professionnels, vont intégrer ce dispositif LCB-FT national.
– Un autre enjeu majeur porte sur la qualité des déclarations de soupçon. Pour cela, Tracfin mène avec les professionnels déclarants des échanges réguliers portant sur l’amélioration de la qualité de la donnée. Ainsi, Tracfin et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ont lancé un projet d’harmonisation des relevés d’opérations bancaires. Tracfin accompagne les établissements dans le déploiement de ce nouveau format.
– Sur le volet européen, Tracfin a été associé aux travaux de préfiguration et de mise en œuvre de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le service de renseignement financier a également assuré l’organisation d’une plénière à Paris qui a réuni plus de 170 cellules de renseignement financier du monde entier.
En savoir plus sur Tracfin
– Tracfin est l’acronyme de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins. C’est un service d’enquête administrative chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, mais aussi contre la fraude fiscale, sociale et douanière. Il est rattaché au ministère de l’Économie et des Finances. Tracfin fait partie des six services spécialisés de renseignement, dits du « premier cercle » de la communauté nationale du renseignement.
– Tracfin est saisi par la déclaration de soupçon d’un organisme financier ou non assujetti au dispositif d’anti-blanchiment (LCB-FT). Il agit par échange d’informations avec les administrations de l’État, notamment l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’Autorité des marchés financiers (AMF), la direction générale des Finances publiques (DGFiP) ou avec les collectivités territoriales. Au terme de son enquête, une présomption de soupçon peut être transmise à la Justice, en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
– Pour l’exploitation des déclarations de soupçon qui lui sont envoyées, Tracfin a le droit de demander à l’établissement financier de transmettre, dans un certain délai, des documents en relation avec l’opération ou la personne désignée par la déclaration.
– Lorsque Tracfin soupçonne l’existence d’une infraction, il peut demander au professionnel chargé de l’opération de reporter l’exécution d’une opération pendant un délai de dix jours ouvrables à compter de la réception de la notification (art. L.561-24 du CMF). L’exercice de cette prérogative est confidentiel.
– Tracfin ne peut s’auto-saisir et ne peut donc recueillir et traiter de potentiels signalements venant de particuliers. Il dépend exclusivement des déclarations de soupçon provenant des professions assujetties au LCB-FT, des informations de soupçon provenant des organismes publics ou chargés d’une mission de service public, ou encore des informations transmises par ses homologues étrangers.