
Edito - Casser le thermomètre...
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 18 juillet 2025
Comme pour les Zones à Faibles Émissions (ZFE), piteusement passées à la trappe car socialement inapplicables, c’est maintenant le DPE qui fait l’objet d’une nouvelle-nouvelle-nouvelle « évolution ». Ce document, rendu obligatoire pour les ventes et locations, expulsait administrativement du marché immobilier des centaines de milliers de logements... dont on a pourtant cruellement besoin. Matignon a donc décidé de casser le thermomètre en sortant des habitations du statut de « passoires thermiques » pour les réintégrer dans une catégorie plus enviable.
Pour arriver à ce tour de passe-passe, le génie français s’est mis à l’œuvre : le mode de calcul va changer, et hop ! le tour sera joué. Sous les applaudissements du public, 850 000 logements cesseront sur le papier d’être des taudis. Sur le fond, cela ne changera pas grand-chose : il continuera d’y faire chaud en été et froid en hiver. « Le coefficient de conversion de l’électricité dans le calcul du DPE, actuellement fixé à 2,3, sera abaissé à 1,9 », indiquent doctement les services du Premier ministre. Il suffisait d’y penser... Après la réunion d’un comité Théodule et d’une consultation menée cet été par les ministères du Logement et de l’Énergie, l’arrêté de la nouvelle modification du DPE sera entériné début septembre. Enfin, s’il reste encore un gouvernement à cette époque pour signer l’arrêté.
Bien sûr, il ne doit pas être agréable de voir des juges et des policiers perquisitionner son bureau, passer à la loupe ses documents, jeter un regard suspicieux sur ses petits objets personnels qui s’entassent au fond des tiroirs. On compatit à l’agacement de Jordan Bardella, surtout s’il n’a rien à se reprocher. Mais on ne comprend pas – ou alors que trop – la posture revendiquée de victime d’un système accusé de vouloir la peau du RN.
Cette opération, d’autant plus médiatisée que Jordan Bardella l’a lui-même annoncée en direct sur les réseaux sociaux, se situe dans le cadre d’une information judiciaire ouverte dès juillet 2024 sur des soupçons de financement illégal de son parti pour les présidentielles, les législatives et les européennes. Il ne saurait donc s’agir d’une « opération de harcèlement », d’un « acharnement » comme il l’affirme depuis la condamnation de Marine Le Pen. Pour le patron du RN, cette descente des juges et des policiers n’aurait « rien à voir avec la justice, tout à voir avec la politique ». Sauf que d’autres partis – PS, LFI, UMP, sans doute en oublie-t-on – et des personnalités de premier rang – comme Édouard Philippe récemment – ont eux aussi fait l’objet de perquisitions. Sans que l’on puisse suspecter de l’intimidation, du totalitarisme, une dictature épouvantable.
Il s’agit seulement du travail de la Justice. Libre et indépendante dans notre pays, jusqu’à preuve du contraire. Non, les institutions ne sont pas « dévoyées par des bandes qui veulent garder le pouvoir à tout prix » comme l’affirme Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée. Cette perquisition n’est pas non plus le « symptôme d’une démocratie malade » (Marion Maréchal). Il est même plutôt rassurant que, puissants ou misérables, soient traités sur un pied d’égalité et qu’ils puissent être blanchis ou condamnés par les tribunaux.
Dans le cas présent comme dans d’autres, on aimerait écouter la phrase favorite des politiques lorsqu’ils font l’objet d’une enquête : « j’ai confiance dans la justice de mon pays ».