
Déflagration, consternation, action
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 21 mars 2025
L’armée ukrainienne connaît les pires difficultés dans la région de Koursk conquise l’été dernier. Est-il vraiment dans l’intérêt de Vladimir Poutine d’accepter dès maintenant un cessez-le-feu comme l’encourage la nouvelle administration américaine et le réclament les Européens ? Pour sa fierté, tant personnelle que nationale, il voudra évidemment récupérer l’intégralité de la poche perdue de son territoire avant, éventuellement, de s’asseoir à la table des négociations. Ce qui ne voudra pas dire qu’il a vraiment l’intention de faire la paix avec ses voisins.
On verra dans les semaines prochaines si la méthode Trump – des négociations donnant-donnant, avec une prime au plus fort – fonctionne sur le patron du Kremlin qui a deux atouts maîtres en main : une supériorité militaire qui s’affirme sur le front malgré le courage des Ukrainiens, et le temps qui joue pour lui puisqu’il peut constitutionnellement encore rester au pouvoir jusqu’en 2034, ce qui n’est pas le cas des dirigeants occidentaux. Sa volonté de reconstituer la grande Russie dont les frontières épouseraient celles de la défunte URSS reste intacte. S’il accepte un « bémol », ce ne sera que temporaire. Car il ne changera pas d’objectif à long terme et continuera à lorgner sur les pays satellites de son empire...
À défaut d’être soutenu avec enthousiasme par son opinion publique, Poutine n’a rien à craindre a priori de ce côté puisque les Russes acceptent sans broncher les efforts de guerre. Et parce que les sanctions économiques occidentales, si elles impactent l’activité de Moscou, ne sont à l’évidence pas déterminantes pour faire basculer le… fléau de la balance du côté de la paix.
Avec sa versatilité – un jour je te soutiens, le lendemain je t’humilie, le troisième je reviens à tes côtés – Trump aura réussi à faire prendre conscience à l’Europe de la fragilité du soutien américain que l’on croyait acquise depuis 1945 et le partage du monde acté à Yalta. D’un seul geste brusque autant qu’inconsidéré, il a renversé la table, brouillé la carte géopolitique et réalisé l’impensable. Autant que l’agressivité de Poutine, il a convaincu les Européens de la nécessité vitale de se doter d’une armée commune pour assurer leur propre défense. Cela ne figurait pas dans l’ADN initial du projet commun, mais le monde a changé. Le couteau dans le dos, les 27 sont condamnés à une mise à jour car ils savent désormais ne plus pouvoir compter sur Washington.
Créer une armée UE est un objectif aussi indispensable que compliqué. Le secret militaire, les visions politiques des pays, la compatibilité des matériels, le commandement, pour ne rien dire du financement de cet effort constituent des difficultés majeures. À l’intérieur même des pays, il sera compliqué de trouver consensus. La vérité d’aujourd’hui n’est pas plus gravée dans le marbre que le statu quo hérité de l’après-Seconde Guerre mondiale. Les lignes vont encore bouger, les opinions aussi et c’est un chantier titanesque qui s’ouvre. Il demandera de la persévérance, ce qui n’est pas la caractéristique principale de nos démocraties.
J.-M. CHEVALIER
PS : Priés de ne plus venir au bureau, de rendre les clés, téléphones portables et autres matériels : Trump a viré les journalistes du service public américain, coupables selon lui de faire leur métier. Insupportable pour le milliardaire de la Maison Blanche dont l’attitude, a minima autocratique, devient plus qu’inquiétante...