Les voraces et les coriac

Les voraces et les coriaces

Chacun souhaite la paix, bien sûr, et le plus rapidement possible. Mais si on finit par l’obtenir, elle aura un goût amer pour les Ukrainiens dont le territoire, déjà amputé de la Crimée, sera à nouveau grappillé par la Russie après trois années d’une guerre aussi effroyable qu’illégitime. Non, ce n’est pas Volodymyr Zelensky qui a déclenché les hostilités, comme Donald Trump tente de le faire croire, mais à la fin, ce sera bien Vladimir Poutine qui va gagner dans ce match désormais truqué, dont le résultat lui donnera raison d’avoir déchiré les accords de Minsk.

Alors, on peut bien rigoler, se donner de grandes tapes dans le dos et échanger des poignées de main viriles sous l’œil des caméras dans le bureau ovale transformé en théâtre des illusions… La vérité historique s’est écrite ailleurs que lors de cette farce médiatisée : au même moment, à New York, à l’ONU, au Conseil de sécurité, les États-Unis ont voté avec la Russie, la Corée du Nord et la Biélorussie (!!!) contre la résolution des Européens et de l’Ukraine qui exigeaient la fin des combats et le retrait des troupes russes des territoires envahis depuis février 2022.

Une seconde résolution, présentée par l’administration américaine, a été adoptée avec le soutien de... Moscou. Elle demandait la fin du conflit, c’est bien le moins, mais sans prévoir le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. En creux, tout est dit.

Si le vieil ordre mondial hérité de Yalta n’a pas totalement éclaté – Russes et Américains restent malgré tout deux grands blocs concurrents –, le rapprochement de Washington et de Moscou se fait évidemment sur le dos de Kiev, mais aussi sur celui de l’Europe. Dans cette affaire, Trump a obtenu ce qu’il voulait, l’accès aux terres rares du sous-sol ukrainien, en faisant, avant même négociation, des concessions invraisemblables à Poutine, qui devrait récupérer tout ou partie du Donbass. En attendant mieux ?

Ce que l’on redoutait avec le retour de Trump aux affaires s’est donc produit. Zelensky et son peuple se retrouvent à découvert, en rase campagne. Des coriaces qui risquent de tomber (avec les honneurs) devant des voraces, prêts à dépecer le pays pour leurs propres intérêts. Il est à craindre que ce ne soit qu’un début.

C’est une nouvelle confirmation que les États-Unis tournent le dos à l’Europe. Il nous faut tirer toutes les leçons de cette nouvelle situation qui était pourtant prévisible, mais que nous n’avons pas voulu voir, bercés par des illusions romantiques déconnectées d’un monde toujours plus brutal et cynique. Notre allié historique va nous laisser seuls face à cet autre bloc auquel il s’opposait depuis la fin de la Seconde Guerre.

Trump et Poutine redistribuent aujourd’hui les cartes pour une nouvelle donne qui durera au moins quatre ans, jusqu’à la fin du mandat du conservateur américain. Même dans ses rêves les plus fous, le tsar de Moscou ne pouvait espérer une telle allégeance américaine..