Edito - Entre glaive (…)

Edito - Entre glaive et balance

Sans doute est-il déjà arrivé à Gérald Darmanin alors qu’il était le premier flic de France de pester après les services de son excellent collègue de la Justice Éric Dupond-Moretti lorsque des magistrats remettaient en liberté des suspects interpellés à l’issue de longues enquêtes et filatures. Maintenant qu’il s’installe place Vendôme, il va pouvoir apprécier l’autre volet régalien qui lui est confié et nuancer certaines positions sécuritaires qu’il avait affichées à Beauvau et que son successeur Bruno Retailleau reprend en partie à son compte, en ajoutant « un petit quelque chose » qui inquiète la gauche en matière de libertés et d’immigration.

EDM reconnaît volontiers que cela a parfois coincé par moment avec Darmanin. « J’ai eu des différends, j’ai transigé parfois, mais on a eu l’élégance lui et moi de ne pas mettre ces différends sur la place publique  » a-t-il récemment expliqué sur le plateau de l’émission « C à vous ». Il est arrivé que l’élégance a été mise entre parenthèses entre ces caractères bien trempés, le journal Le Monde affirmant après les régionales de 2021 que les deux hommes ont failli en venir aux mains avant un conseil des ministres. Après un échec cuisant dans le Nord, celui de la Justice avait accusé celui de l’Intérieur de «  trahison », ce dernier rétorquant un « commence par gagner une élection  » qui avait été fort peu goûté.

Pour cause de rapide censure du gouvernement Barnier, Didier Migaud n’aura pas eu le temps de goûter aux inévitables frictions avec l’Intérieur. Il avait quand même réussi à limiter l’épaisseur du coup de rabot inscrit dans le Projet de Loi de Finances sur le budget de son ministère. Justement, question finances, Darmanin sera aussi en terrain de connaissance puisqu’il fut ministre des comptes publics dans le gouvernement d’Édouard Philippe. Là encore, il passera de l’autre côté de la barrière et sera attendu au tournant par les personnels de la Justice.

Entre les humeurs des Insoumis, du Rassemblement national et les atermoiements du parti socialiste, bien malin est celui capable de dire combien de temps va durer le gouvernement Bayrou. Et donc si Gérald Darmanin pourra imprimer sa marque pendant la durée de son ministère. La partie la plus droitière de l’opinion attend des actions rapides, concrètes et fortes sur la sécurité. Sur ce chapitre, le nouveau ministre de la Justice devrait être en phase avec BrunO Retailleau, père fouettard auto désigné pour marcher sur les plates bandes de Marine Le Pen. Il y aura en tous cas rupture avec Migaud, seule prise réalisée à gauche par Michel Barnier.

Reste que Darmanin a déjà montré par le passé qu’il est un caractère. Le modéré Bayrou, qui a écarté Xavier Bertrand jugé trop raide dans ses convictions et ses propositions pour la Justice, devra composer avec un garde des Sceaux qui ne sera pas malléable.
En cas d’étincelles entre Matignon et la place Vendôme, on guette déjà lequel devra manger son chapeau…

Jean-Michel CHEVALIER

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