Europe : la défense (...)

Europe : la défense des libertés et de l’État de droit, priorités de la présidence tchèque

Alors que son pays préside le Conseil européen, l’ambassadeur de Tchéquie en France Michal Fleischmann a répondu aux questions des Petites Affiches. Il nous parle de l’agression russe, de l’aide apportée aux Ukrainiens, du nécessaire renforcement de la défense commune, de la crise énergétique et de la défense de la démocratie, autant de sujets qui constituent les axes principaux de la présidence tchèque.

La présidence tchèque va-t-elle essayer, comme Emmanuel Macron l’a fait, de nouer un contact direct avec Vladimir Poutine pour tenter de le convaincre d’arrêter la guerre en Ukraine ? Ou est-ce une démarche inutile, la Russie n’étant pas sensible aux interventions extérieures ?

Michal Fleischmann - Les relations entre la Tchéquie et la Russie sont au point zéro. La guerre en Ukraine est provoquée par la Russie. Elle n’a aucun fondement et ne respecte aucun traité international. Le pouvoir russe n’avance que des propositions inacceptables pour l’Ukraine et c’est à l’Ukraine de décider des termes d’une possible discussion sur la paix. La République tchèque soutient pleinement le courage et l’héroïsme du peuple ukrainien. La Tchéquie préside actuellement le Conseil de l’Union européenne et sa priorité première sont les réfugiés Ukrainiens et la future reconstruction de l’Ukraine. En Européens.

La Tchéquie a t-elle reçu beaucoup de personnes fuyant l’Ukraine en guerre ? Comment a t-elle pu les accueillir ? Quel est le sentiment dominant de la population vis-à-vis des réfugiés ?

Michal Fleischmann - Depuis le début de conflit la Tchéquie a accueilli près de quatre cent mille réfugiés. C’est comme si, en France, il arrivait en quelques mois près de trois millions de réfugiés. La plupart des réfugiés sont des femmes, des enfants et des gens âgés. La solidarité de la population a été immense. Toutes les familles ont été logées et accueillies par les Tchèques avec laide de l’Etat. La plupart des femmes ont trouvé du travail, cent pour cent des enfants ont été scolarisés. Dans le cadre de notre présidence de l’UE un accord européen a été trouvé pour l’aide équitable entre pays pour financer les aides.

La proximité géographique de votre pays avec l’Ukraine et son histoire au XXème siècle lui permettent-il de mieux comprendre cette situation exceptionnelle ?

Michal Fleischmann - Notre expérience avec le pouvoir russe est toujours dans nos mémoires. Le régime communiste ou post-communiste a fait éloigner la Russie de l’Europe. Nous savons que c’est tout d’abord à la population russe de prendre ses responsabilités et d’agir pour faire revenir la Russie vers l’Europe.

Craignez-vous un élargissement du conflit ?

Michal Fleischmann - La résilience et la formidable réaction de l’Union européenne a montré au pouvoir russe que nous sommes plus forts, plus unis et capables de nous mobiliser contre une agression éhontée et inacceptable, que nos institutions démocratiques sont profondes. L’idée d’une reconstitution de l’Union soviétique est de l’ordre du passé.

La présidence tchèque va t-elle s’orienter vers un renforcement de la défense européenne ? (forces de l’Otan, adhésion de la Finlande et de la Suède).

Michal Fleischmann - Le conflit a montré que notre potentiel européen de défense doit être renforcé. L’aide apportée par l’OTAN aux ukrainiens montre que notre volonté de défense du droit international et de nos valeurs sont communes. La présidence tchèque du Conseil de l’UE propose à l’UE une amélioration de la défense de l’espace européen, notamment par une plus grande coordination des efforts de défense et des achats d’armements communs. La Tchéquie soutient pleinement l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.

Y aura t-il de nouvelles sanctions proposées contre la Russie ?

Michal Fleischmann - Le 8e paquet de sanctions apporte des résultats évidents. Dans le cadre de l’UE, chaque pays peut en plus individualiser et alourdir les sanctions. C’est ce que nous faisons. Un 9e paquet de sanctions est en préparation. La guerre n’est pas terminée et le pouvoir russe doit savoir que l’Europe ne cédera pas.

Comment votre pays fait-il face à la crise énergétique ? Des conséquences sur l’emploi et l’activité économique ?

Michal Fleischmann - Une paix ne s’achète pas par des extorsions, ce que le pouvoir russe tente de faire. La Tchéquie, largement dépendante de la Russie en ce qui concerne le gaz, a trouvé des solutions européennes et les stocks de gaz sont pleins. Comme partout les prix des énergies ont augmenté et la population en souffre bien évidement. C’est le prix de la défense de nos institutions démocratiques et de la sauvegarde de nos libertés. L’emploi aussi a été légèrement touché mais la Tchéquie reste le pays avec le taux de chômage le plus bas en Europe.

Que peut-on faire pour aider les Ukrainiens à passer l’hiver dans le froid alors que la moitié de leurs infrastructures électriques et gazières sont détruites ?

Michal Fleischmann - En dehors de la poursuite des aides militaires et financières qui restent nécessaires, nous fournissons des générateurs. Notre savoir-faire en connaissances des centrales nucléaire n’est pas non plus a négliger.

Concernant la sécurité énergétique de l’Europe, de nouvelles propositions ?

Michal Fleischmann - Dans le cadre de notre présidence du conseil de l’UE nous avons trouvé un accord sur le plafonnement des prix du pétrole et nous travaillons sur le compromis sur le prix du gaz. Il est évident que le système de l’achat des énergies est à revoir et l’ensemble des pays de l’union européenne y travaille. La Tchéquie joue pleinement son rôle de modérateur et de force de proposition. Si, en temps de paix, des réunions extraordinaires des ministres pour les énergies s’organisent une fois l’an, nous en sommes aujourd’hui à quatre et une réunion nouvelle est annoncée pour le début de décembre.

La montée de l’extrême droite dans plusieurs pays (Italie, Hongrie, Pologne…) est-elle un phénomène inquiétant pour la démocratie ? Comment lutter contre les messages simplistes et mensongers assénés par des politiques peu scrupuleux et autoritaires ?

Michal Fleischmann - Parmi nos priorités pour la présidence du conseil de l’UE, nous insistons sur la résilience des institutions démocratiques, sur la défense des libertés et de l’Etat de droit. S’il n’y a pas une seule et unique vision de l’Europe, il y a un très fort consensus sur les valeurs communes de la Communauté européenne. La démocratie est et sera toujours fragile, mais c’est ce qui nous réunit, et nous savons tous que nous devons la défendre in fine. Aucun des pays « critiques » ne veut quitter l’Union européenne. Comment la renforcer, la rendre plus agile et résiliente est un continuel débat à mener.
Ce n’est pas par hasard que d’autres pays européens veulent intégrer l’Union européenne.

Propos recueillis par Jean-Michel CHEVALIER, avec l’aide de Stéphanka STROUHALOVA

Photo de Une : DR

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