L'edito de Jean-Michel

L’edito de Jean-Michel Chevalier - Il faudra faire avec...

Pas plus que Michel Barnier avant lui, François Bayrou n’a de garantie de pouvoir réunir une majorité, même de circonstance, sur la durée. Il est, lui aussi, sur un siège très éjectable. Même si l’intérêt supérieur du pays serait de disposer d’un gouvernement stable jusqu’aux prochaines présidentielles, échéance à laquelle les Français seront invités à remettre les compteurs à zéro pour repartir sur de nouvelles bases.
En attendant, le locataire de Matignon devra composer avec les arrière-pensées des uns et des autres. Avec des marchés financiers qui ont déjà sanctionné l’instabilité de la France : comme cadeau de bienvenue, l’agence Moody’s a dégradé dès sa nomination la note de l’Hexagone. La signature de notre pays a désormais moins de valeur, tandis que, par voie de conséquence, ses taux d’emprunt vont augmenter.
Avec le groupe LFI, qui, sans surprise, a annoncé son intention de censurer le futur gouvernement dès l’installation de celui-ci.
Avec Les Républicains, qui revendiquent Beauvau pour Bruno Retailleau, même s’ils devront sans doute s’asseoir sur une nouvelle loi Immigration (118 textes depuis 1945, le dernier n’ayant pas encore soufflé sa première bougie !).
Avec le groupe socialiste-écologiste-communiste, qui a entrepris de danser le paso-doble : il reste dans l’opposition tout en demandant « des concessions réciproques » (pas de 49.3), sans pour autant se couper vraiment des Mélenchonistes, dont il aura grand besoin pour garder ses députés aux prochaines législatives, et sans s’engager dans une non-censure. Vous suivez toujours ?
Avec les groupes macronistes (EPR, MoDem et Horizons, soit 163 députés) et le groupe Liot (23 députés), les relations devraient être fluides : en CDD précaire, le centriste béarnais installé à Matignon partage avec ce centre droit une communauté de destin. Avec l’Élysée, il faudra voir comment se déroule la « cohabitation », car, même très affaibli, Emmanuel Macron voudra garder la main et ne se laissera pas marcher… sur les pieds.
Avec le Rassemblement national, c’est plutôt « pédale douce » pour le moment. Jordan Bardella et Marine Le Pen assurent qu’ils jugeront sur pièce en mettant sous surveillance le nouveau gouvernement. Soit le même discours - lourd de menaces - que lors de l’entrée en fonction de Michel Barnier, ce qui ne constitue pas vraiment une assurance-vie.

Même s’il dure à Matignon, François Bayrou aura toutes les difficultés à faire voter des textes importants. Le pacte virtuel de « non-censure » et la garantie donnée de ne pas avoir recours au 49.3 ne seront pas suffisants, tant le clivage du tripartisme de l’Assemblée risque de fracasser toute velléité de réforme. À commencer par les économies indispensables à dégager dès le prochain budget, et qui constituent, selon les partis, autant de lignes rouges qui s’entrecroisent et s’entremêlent. Au risque de ficeler toutes les velléités.

Il faudra quand même « faire avec », et cela n’augure pas d’un long fleuve tranquille…

Jean-Michel CHEVALIER