
La ville de demain : Innover ou ne pas innover ?
- Par Sébastien Guiné --
- le 22 novembre 2024
Clément Blanchet et Eliesh Sahyoun ont livré à Nice une réflexion passionnante sur le devenir des villes méditerranéennes. Et l’innovation n’est pas forcément LA solution.
Les deux architectes s’exprimaient à l’occasion de la nouvelle édition de « La ville, nouveaux horizons », événement organisé par la Métropole Nice Côte d’Azur et l’hebdomadaire Le Point, le 15 novembre, dans les locaux de l’IMREDD (Institut méditerranéen du risque de l’environnement et du développement durable) à Nice Méridia. Le titre de leur conférence était « Le destin des villes méditerranéennes : s’adapter ou mourir ? ». Un programme légèrement anxiogène qu’ils ont tenté d’apaiser avec des éléments d’optimisme. Interrogés par le journaliste Nicolas Bastuck, les architectes ont d’abord présenté les traits communs des villes d’aujourd’hui et cherché à ressortir quelques particularités des villes méditerranéennes. « On est un peu aujourd’hui dans une dynamique où on étale la ville et on se rend compte que c’est problématique », a souligné Clément Blanchet, fondateur du cabinet Clément Blanchet Architecture. « Toutes les villes du nord ont tendance à vouloir s’ouvrir et les villes méditerranéennes ont tendance à vouloir se recroqueviller ». Eliesh Sahyoun, également expert en transition écologique urbaine et architecturale et futurologue à l’IMREDD, a lui estimé que « les villes commencent à perdre de leurs spécificités et on commence à avoir de plus en plus de villes qui se ressemblent. On se déconnecte du climat, on se déconnecte de la culture, on se déconnecte de comment les gens vivaient », a-t-il regretté, à l’heure où les villes méditerranéennes doivent se préparer à faire face à des épisodes de sécheresse plus nombreux et plus intenses et en même temps se protéger d’inondations qui peuvent être dévastatrices, comme récemment à Valence, sur la côte est espagnole.
« Tout est lié au sol »
« Dans les villes du sud, on cherche à se protéger du soleil, on a besoin de l’ombre pour réduire cet impact », a relevé le futurologue au sujet des différences nord/sud, tout en reconnaissant l’influence de la mer, « surtout dans les anciennes parties des villes ». Il travaille en se projetant en 2065 pour tenter de trouver des solutions dès aujourd’hui afin d’offrir aux villes un futur vivable. Il mène notamment un projet sur Nice et sur Copenhague, un projet pour lequel il aimerait bien « ramener l’humain au centre ». Il invite « les gens à collaborer » et à être « disruptifs ». « Si on reste sur le même chemin, on n’arrivera pas au bon endroit », a-t-il prévenu.
Pour Clément Blanchet, « tout est lié au sol ». Et au sujet de la ville de demain il glisse que « l’avenir est peut-être dans le passé ». « Innover, parfois, c’est peut-être ne pas innover », a-t-il encore déclaré en se demandant : « Comment ne pas être esclave d’une technologie qui, par définition, va mourir ? ». Dans les modèles à suivre pour l’avenir, il pense à Gênes qui fait partie des « villes qui ont le plus écouté leurs contraintes ». « On a compris les contraintes, on n’a pas proposé l’étalement ». Et il faut, selon lui, de la bonne densité. Eliesh Sahyoun considère pour sa part qu’il n’y a pas « qu’un seul modèle à suivre » mais « plusieurs expériences à recueillir ».
Les autres thématiques débattues : la culture, l’eau et la mobilité
D’autres architectes et de nombreux experts (économiste, chercheur, scénographe…) ont apporté leur vision et leurs idées sur la thématique globale de cette nouvelle édition de « La ville, nouveaux horizons » : « Changement climatique : Comment bien vivre dans la ville ». Parmi les autres conférences proposées : « Écologie, libertés, rayonnement culturel : la recette magique des villes méditerranéennes ? » ; « L’eau, question existentielle pour les villes méditerranéennes » ; « Les villes des courtes distances sont-elles la solution face au changement climatique ? ».
Le bâtiment de l’IMREDD, « un lieu extrêmement innovant »

Le maire de Nice et président de la Métropole Nice Côte d’Azur, Christian Estrosi, était présent pour l’inauguration de l’événement et s’est félicité de l’accueillir dans le bâtiment de l’IMREDD, fonctionnel depuis le 1er septembre 2020, « un lieu extrêmement innovant », selon lui. Il s’agit d’un bâtiment à haute performance énergétique avec notamment des panneaux photovoltaïques sur la toiture et un outil de gestion de la consommation.
Des brise-soleils entourent le bâtiment afin de favoriser la luminosité tout en empêchant l’arrivée directe des rayons du soleil. Résultat : un éclairage naturel optimisé et donc moins d’éclairage artificiel et une chaleur moins importante dans le bâtiment l’été et donc un moindre recours à la climatisation. Christian Estrosi a également rappelé que l’immeuble, de 5 000 m2, conçu par l’atelier Marc Barani, bénéficiait de la géothermie pour le chaud et le froid, grâce à une centrale de production géothermique gérée par la société IDEX dans le cadre d’une délégation de service publique et qui permet d’alimenter les bâtiments du quartier Méridia.