
Le catalogue sécuritaire de Gérald Darmanin
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 3 janvier 2025
À l’instar de Bruno Retailleau, qui développe un discours de fermeté sur la délinquance, Gérald Darmanin multiplie, depuis son entrée en fonction place Vendôme, les interventions médiatiques pour annoncer un tour de vis sur l’application des peines. Il répond en cela à une demande de l’opinion publique, qui accuse volontiers la justice de laxisme, en ignorant que chaque mois - ou presque - nous battons en France le record du nombre d’incarcérations.
Après sa récente formule choc « nettoyer les prisons », le nouveau garde des Sceaux veut que les peines prononcées soient « immédiatement exécutées », même les plus courtes. Il rompt en cela avec le concept selon lequel « la prison est l’exception » et avec la mise en place d’alternatives à la détention qui étaient jusqu’à présent la règle… plus ou moins bien appliquée. La loi Belloubet du 23 mars 2020 proscrit en effet les courtes peines, interdisant celles de moins d’un mois et obligeant à un aménagement celles entre six mois et un an pour faciliter la réinsertion.
Pour la petite délinquance, Darmanin se présente en Père Fouettard et veut « faire écrouer les personnes condamnées à des peines courtes, voire très courtes, dans des lieux carcéraux de quelques dizaines de places maximum pour un séjour de quelques mois, semaines, voire
jours ». Le ministre de la Justice souhaite aussi « imaginer des centres de détention à taille plus humaine, avec des gens qui font quelques mois de condamnation, et qu’on ne les mélange pas avec des gens qui font 15 ans pour des peines plus graves ». Il lui faudra trouver les moyens de ses ambitions.
Le garde des Sceaux a également annoncé des opérations « places nettes » dans les lieux de privation de liberté. Cela relève en fait de la discipline ordinaire à l’intérieur des établissements, mais fait plaisir à entendre à la partie la plus « sévère » de l’opinion, tout comme l’isolement renforcé en détention pour les « cent plus grands narcotrafiquants » (ceux susceptibles d’avoir des contacts à l’extérieur pour poursuivre leurs activités criminelles). Ils doivent « être placés à l’isolement, comme on le fait pour les terroristes ». Et pour éviter les téléphones portables en prison, Darmanin prône « des solutions techniques » permettant « de passer en brouillage l’intégralité des établissements » pour empêcher des détenus de « poursuivre leurs trafics, gérer leurs points de deal, commander des assassinats » depuis leurs cellules.
Dans le discours, le nouveau ministre montre sa volonté de répondre à certaines attentes de l’opinion. D’aucuns diront qu’il marche sur les plates-bandes du RN. En tout cas, pour atteindre ces objectifs, il lui faudra évidemment faire adopter une nouvelle loi sur l’exécution des courtes peines pour détricoter ce qui a été fait jusqu’à présent. Et dans le contexte politique actuel, il est moins que certain que le garde des Sceaux ait le temps de réaliser ses ambitions.
J.-M. CHEVALIER