Projet de loi immigration

Projet de loi immigration - Philippe Pradal : « Un projet de loi nécessaire et peut-être même indispensable »

Pour le député du département, le texte porté par le ministre de l’Intérieur s’appuie sur un principe fort : celui que l’intégration doit se faire « avant tout par la langue et le travail ».


Comment percevez-vous ce projet de loi débattu au Sénat et qui sera prochainement examiné par l’Assemblée nationale ?

- Ce projet de loi, qui vient après une série de textes qui ont déjà été pris, est nécessaire et peut-être même indispensable. Nous constatons plusieurs choses et c’est un constat que chacun d’entre nous peut faire, quel que soit l’endroit où il est. La politique d’immigration et, au-delà, la politique d’intégration conduite par la France n’est pas un succès. Il convient donc de s’interroger sur les causes de cet échec et de voir quelles mesures peuvent y remédier. La majorité présidentielle propose ce texte, à l’initiative de Gérald Darmanin, avec une méthode qui me paraît importante de rappeler : si un projet a été déposé devant le Sénat, c’est que le souhait de Gérald Darmanin est de permettre aux parlementaires de modifier ce texte, y compris en profondeur, (…) pour aboutir à un texte qui puisse faire le plus largement consensus parce que ce sujet-là ne peut pas être un sujet adopté à une faible majorité. C’est un sujet qui doit nous réunir et Horizons soutient ce texte même si des amendements seront forcément proposés au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Quels sont les axes forts de ce texte ?

- C’est d’abord de considérer, et c’est peut-être le point le plus important, auquel sont très attachés les députés Horizons, que l’intégration se fasse avant tout par la langue et par le travail. Si on n’organise pas les choses pour que les personnes qui rejoignent notre territoire, quelle qu’en soit la raison, puissent apprendre notre langue, et donc quelque part notre culture, et si on ne leur donne pas les moyens de travailler utilement, le travail étant un puissant outil d’intégration, alors nous aurons manqué l’objectif. Deuxième point très important, qui a complètement notre soutien : simplifier le droit des étrangers en France, notamment les recours et le nombre de titres. C’est aujourd’hui un dispositif si complexe que personne ne s’y retrouve, peut-être pas même les administrations, ce qui conduit parfois à des délais très longs. Et aujourd’hui une personne peut se retrouver avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF) parce que la préfecture ne lui a pas répondu à temps, sans qu’il y ait eu un quelconque manquement des services. Ce qui n’est pas acceptable, c’est que l’on met les personnes qui ont vraiment la volonté d’être sur notre territoire, en respectant toutes les règles, au même niveau que ceux qui sont entrés sur notre territoire frauduleusement et qui entendent ne pas bien s’y comporter. Troisième point : mieux armer la France par rapport aux menaces que peuvent représenter un certain nombre d’étrangers. C’est pour cela qu’il faut muscler les dispositifs à disposition de l’État pour éloigner ces personnes le plus rapidement possible dès lors que sont identifiés leurs manquements. Accueillir, cela ne veut pas dire tolérer tout et n’importe quoi.

Pourquoi a-t-il été autant question de son article 3 ?

©Assemblée Nationale

- Cet article dit deux choses qui me paraissent essentielles. La première : que ce n’est pas à une circulaire de fixer les critères qui vont permettre à une personne de demander l’autorisation d’avoir des papiers pour travailler en France, c’est au Parlement d’en débattre. Étant entendu qu’on ne parle pas de nationalité mais bien d’une autorisation de séjourner en France pour y travailler. Deuxième avancée : aujourd’hui, dans la circulaire Valls, il y a un dispositif qui prévoit que la personne doit remplir des critères, présenter soit un contrat de travail soit des bulletins de salaire, mais surtout, présenter un imprimé signé par son employeur. Ce qui veut dire qu’on fait peser sur l’employeur la responsabilité de formuler cette demande et sur la personne qui veut travailler régulièrement en France l’obligation de demander à l’employeur d’obtenir ce document. Et il nous revient qu’il est parfois difficile d’obtenir ce document parce que ce n’est pas le métier d’un employeur de le remplir. Ce que dit l’article 3 c’est que c’est à la personne d’en faire la demande. (…) En revanche, je pense qu’il y a un point sur lequel il faut être clair : cela ne réglera pas les problèmes de recrutement, parce qu’on ne parle là que de la situation de personnes qui sont déjà en emploi et qui sont en situation irrégulière, mettant également en situation irrégulière leur employeur, qui risque une lourde amende par le fait de les employer.

Que répondez-vous aux personnes qui pensent que ce genre de mesures peut créer un appel d’air ?

- L’appel d’air ne viendra que si l’on n’est pas clair dans les explications que nous donnons, y compris dans l’information que nous délivrons à l’étranger. Ne laissons pas s’installer, parce que cela n’est pas vrai, le mirage qu’en France tout est possible.

Comment faire quand on est parlementaire pour travailler sur un texte qui a une vocation universelle dans un tel tumulte médiatique ?

- Si nous devons être à l’abri du tumulte, nous ne devons pas être à l’abri de l’opinion. Le sujet est d’être attentifs mais de filtrer, en conscience et en responsabilité, les informations que nous avons afin de voter une loi qui soit effectivement universelle et ne soit pas pour les 15 prochains jours. Il faut d’abord écouter et entendre tout le monde. Le premier piège est de décider de n’écouter que les gens qui vont dans votre sens a priori, même si c’est extrêmement confortable intellectuellement. C’est aussi entendre ce qui se dit lorsque nous recevons en audition des associations par exemple et d’entendre le débat qui existe entre nous.

Propos recueillis par Sébastien Guiné

Cet entretien a été réalisé le mardi 7 novembre, avant la réécriture de certains articles au Sénat.

M. Pradal a été désigné mercredi 8 novembre co-rapporteur du texte quand il sera débattu à l’Assemblée nationale.

Photo de Une : Philippe PRADAL à la tribune de l’Assemblée nationale ©Assemblée nationale

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