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Inciter les jeunes médecins à s’installer en zone rurale

« Lutter contre la désertification médicale est une priorité pour le Département. Ce mot de ‘désertification’ peut paraître péjoratif pour le monde rural, mais il recouvre aussi une réalité en ville  » explique le professeur Thierry Piche, gastro-entérologue au CHU de Nice, et conseiller « Santé » pour le président Charles-Ange Ginésy.

« Cet appauvrissement de l’offre de santé est un phénomène national, c’est le résultat d’une situation déjà ancienne. Dans les A-M, plusieurs vallées - Var, Tinée, Vésubie, Estéron, Roya - représentent des bassins de population importants mais en état de rupture d’accès aux soins de proximité, et même de renoncement pour les dépistages » constate le professeur Piche.

Pour lui, il est donc urgent de trouver des incitations pour convaincre des jeunes professionnels de santé d’aller s’établir dans ces secteurs en sous-offre médicale. « Le Département a adopté en décembre 2021 un plan doté de 2 millions d’euros sur cinq ans qui cible particulièrement les internes en médecine » poursuit-il. Ces futurs toubibs pourront recevoir une bourse de 1 000 euros par mois pendant leurs deux dernières années d’étude en contrepartie d’une installation pendant 5 ans dans ces secteurs. « De même, ils recevront une aide à l’installation de 5 à 10 000 euros, une aide de 1 500 euros pour l’achat de matériel, une aide au logement et à la mobilité pour les internes ».

Il faut en passer par-là pour que des médecins juniors aillent découvrir les charmes du moyen et du haut pays, alors que leur style de vie et leurs attentes les orientent plus naturellement vers la ville.
Pour être sûr de trouver les professionnels recherchés, le Département réalisé une étude poussée sur leurs attentes : la proximité familiale, celle des services publics, des équipements sportifs et culturels... autant d’atouts dont disposent nos territoires. En s’installant dans nos vallées, ils vont pouvoir s’adapter à un environnement professionnel nouveau, à des rythmes de travail différents de ceux qu’ils connaissent au CHU pendant leur formation.

« Ils sont aussi préoccupés par le travail administratif et ont une appréhension du risque économique de leur installation. A nous de leur apporter des réponses et des aides adaptées » commente le professeur Piche. C’est pour cela que le Département a créé un guichet unique pour accompagner les jeunes médecins.

Il faudrait environ 25 praticiens dans les vallées pour un bon équilibre

« Bien organisés, avec des maisons et centres de santé, on retrouverait une couverture cohérente du territoire ». Un objectif atteignable, à l’image de la Roya qui dispose d’une ‘communauté professionnelle’ de soins répondant aux urgences et en lien avec l’hôpital de proximité (Menton).

« C’est cet exemple qu’il faut dupliquer dans les autres vallées » analyse le conseiller santé. Les maisons de santé existent déjà, construites par l’Etat en relation avec les collectivités locales. A Puget-Théniers, le nouveau Centre de santé financé par le Département fonctionne avec des médecins salariés et attire d’autres catégories professionnelles (kinés, orthodontistes, osthéopathes, etc.) qui sont déchargés du travail administratif et peuvent se consacrer à la pratique de leur art. Il y a donc beaucoup possibilités, les seules qui ont donné un résultat médiocre étant les initiatives locales de mairies isolées qui, dans l’urgence, ont voulu bien faire mais sont tombées à côté.

Téléconsultations, cabines connectées...

Les médecins de nos territoires bénéficieront du virage numérique « même si rien ne remplace la ressources humaine » rappelle le professeur Piche. Il préconise une stratégie par vallée, en lien avec les hôpitaux de proximité (Nice, Menton, Antibes etc.) et même avec les établissements spécialisés comme Arnault Tzanck, Lacassagne, etc.

Tout est envisageable à défaut d’être possible : par exemple, comme nos voisins des AHP, le Département maralpin envisage la mise en service d’un bus connecté qui pourrait aller dans les villages isolés avec une infirmière de compétence médicale avancée pour les bobos du quotidien, voire pour les dépistages du cancer du sein. Un projet séduisant, mais qui se heurte à une difficulté : de grande taille, le bus ne peut pas « passer » partout sur nos petites routes sinueuses. Le projet n’est pas abandonné, il est en phase de mûrissement et montre à quel point toutes les pistes sont envisagées pour réduire une fracture médicale intolérable au 21ème siècle entre les habitants des villes et les habitants des « champs ».

Photo de Une : DR

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