120 BATTEMENTS PAR (...)

120 BATTEMENTS PAR MINUTE de Robin Campillo

Dans « 120 Battements par minute », Robin Campillo revient sur les années sida à travers la lutte collective d’une poignée de militants d’Act Up dans les années 90. Ceux-ci multiplient les actions spectaculaires en balançant du faux sang sur les murs de locaux d’organismes officiels et de laboratoires pharmaceutiques. Des arrestations musclées s’enchaînent à des réunions de discussions sur l’évolution de la maladie et sur l’indifférence de l’Etat. Comment des responsables ont-ils pu laisser mourir le futur de leur nation et nombre d’intellectuels disparus à cause des ravages provoqués par cette épidémie ?

Le film n’est pas un tract, mais il est engagé et politique en montrant ces activistes livrés à toutes les outrances pour lutter contre la mollesse honteuse des pouvoirs publics et la cupidité des labos dans une France entachée par le scandale du sang contaminé.

Rythmé à un train d’enfer, avec des slogans chocs et des interventions retentissantes, « 120 Battements par minute » a une belle énergie et des trouvailles cinématographiques, tout autant pour des actions coups de poing qui se déroulent comme une attaque à main armée que pour des AG houleuses, rythmées de claquements de doigts qui remplacent les applaudissements. Ou encore pour des die-in, ces manifestations de corps allongés dans la rue pour simuler les morts, en trop grand nombre dans la communauté homosexuelle à la fois démunie et stigmatisée.
Un couple se forme, leur histoire d’amour se développe au risque de la maladie, avec la tragique lucidité du duo auquel importe surtout la rage vitale. Les gestes médicaux s’enchaînent aux gestes amoureux dans de belles scènes de sexe, naturelles et pleines d’amour.
« 120 Battements par minute » réussit son grand écart entre fresque romanesque et information documentée de film historique, entre réalité et imaginaire, entre lutte organisée et désordre inventif. Un désordre fait de désirs, de révolutions, de morts, de passions irraisonnées portées par une inéluctable lutte contre la mort. Le film est conduit par une dynamique sans cesse entretenue, tout en accordant une grande place à l’émotion, ce qui était rare dans les films de Cannes cette année. Le comique se joint à l’émouvant jusqu’à un sordide et cocasse partage des cendres d’un mort du sida.

Après « Les Revenants » (2004), film étrange et point d’origine d’une série télé et après « Eastern Boys » (2013), au bon accueil critique, Robin Campillo a provoqué une onde de choc avec son troisième long-métrage à la fois historique et contemporain, incarné et argumenté, bavard et émouvant.

Photo Nahuel Perez Biscayart |Copyright Céline Nieszawer

Avec une caméra en transe, le cinéaste filme en continu des acteurs qui se moquent des petits rêves matérialistes de la société libérale à laquelle ils opposent un souffle de désir de prise en compte d’une maladie pernicieuse. Sans craindre de choquer, ils s’affichent crânement dans des scènes de revendications de reconnaissance de leur place dans la société.
Cette infernale sarabande exaltée, qui se heurte au rejet de tous et aux manipulations du pouvoir en place, est interprétée par des comédiens formidables, parmi lesquels Adèle Haenel, qui a toujours une incroyable énergie, ainsi qu’Arnaud Valois et l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart, deux nouveaux venus que nous reverrons très bientôt sur les écrans. Leur jeu ajoute une grande émotion à cette fresque qui a touché autant les critiques que le public du Festival de Cannes. Le Jury a accordé le Grand Prix à ce film coup de poing, mais pour tous il a raflé la « Palme du coeur ».

Caroline Boudet-Lefort

Sortie nationale en salles le 23 août 2017

deconnecte