Amour de Michael Haneke

Amour de Michael Haneke

Michael Haneke commence Amour par un épilogue tragique et troublant qui prévient déjà de l’issue fatale prévue pour ce couple d’octogénaires, anciens professeurs de musique, cultivés et aimants.

Dès la séquence suivante, retour vers le passé sur la vie harmonieuse d’un vieux couple amoureux, brossée en quelques minutes. Lors de la fin d’un concert, tous deux vont saluer dans sa loge un ancien élève (interprété par le pianiste de renom Alexandre Tharaud), avant de retrouver leur appartement haussmannien d’un quartier cossu de Paris. Bientôt la femme va être saisie d’une absence, premier symptôme avant l’attaque qui la laissera diminuée, déclinante et pourtant lucide, jouant d’autorité. Lui répond par l’ironie à son obstination, mais, perdue d’avance, cette bagarre n’a qu’un temps avant la démence. Leur solitude s’installe, avec l’exclusion, d’abord de leur fille (Isabelle Huppert), puis de l’infirmière infantilisante, des concierges affables, ...

Sans réalisme exhibé, le réalisateur autrichien n’hésitera pas à montrer les ravages de la maladie : la souffrance subie par l’une et celle de celui qui l’accompagne. On retrouve la force d’expression de l’auteur avec cependant une prévenance exceptionnelle. Sur un sujet qui pourrait en rebuter plus d’un, Haneke touche à une beauté sidérante en montrant cet amour éternel que le cinéma rend possible. Ce huis clos sur la fin de vie d’un couple est son film le plus doux, le plus délicat, mais le plus déchirant. Avec sa provocation et sa cruauté habituelles, le cinéaste autrichien a choisi la désagrégation d’un amour, la déliquescence irréversible et la dépendance qui en découle. Que reste-t-il de l’amour dans l’épreuve et la souffrance ? Que deviennent les sentiments face à la déchéance et à l’humiliation ? Eros et Thanatos se rejoignent dans un ultime geste d’amour.

Comment ne pas souligner l’immense courage des interprètes, deux monstres de cinéma, deux comédiens prodigieux ? Jean-Louis Trintignant est la bonté incarnée et Emmanuelle Riva, encore belle et émouvante malgré l’âge, accepte la pâleur fanée et les ravages de la mort qui approche. Avec une grande complicité, ils finissent par se ressembler dans leur sentiment d’affection et l’expression du lien profond unissant ce couple d’un âge avancé qui mesure le temps qui passe. Face au pouvoir émotionnel d’une histoire déchirante qui parle d’amour à mort, il est difficile de ne pas verser de larmes. C’est pourtant un film digne qui n’a rien de racoleur. C’est en cela que la réussite est totale. Qualifié sur scène par Jean-Louis Trintignant de « meilleur metteur en scène vivant », Michael Haneke a reçu une nouvelle palme d’or pour Amour, trois ans après Le Ruban blanc. Personne n’aurait osé contester !

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