Désinvolture de film (...)

Désinvolture de film cannois

Certains films à Cannes étaient chargés de désinvolture, que ce soit l’empreinte du réalisateur, l’audace du personnage principal ou d’être sélectionné en compétition.

Le cinéma de Hong Sang-soo regorge d’une désinvolture qui est véritablement la marque de ce réalisateur. Drôles et mélancoliques, ses films débordent d’improvisation et de versatilité sur l’indécision amoureuse. C’est en disciple d’Eric Rohmer qu’il a réalisé In Another Country. Hong Sang-soo était parti « dans un autre pays » - comme nous le dit le titre - pour Night and Day, son film précédent tourné à Paris. Ici, c’est à travers le regard d’Isabelle Huppert que son propre pays, la Corée, devient terre étrangère.

La star française interprète une scénariste qui écrit un court-métrage sur trois femmes rencontrant, chacune à leur tour, le même maître-nageur (Yu Jun-sang, comédien malicieux des films de Hong Sang-soo). Cet exercice de dépaysement est un véritable plaisir : l’actrice porte avec une grande disponibilité trois personnages qui peuvent être le même selon ses errements amoureux. Touriste malgré elle, elle regarde un pays étranger et le réalisateur la regarde regarder. En fait, il est vain de résumer ce que raconte ce film qui laisse songeur avec un sentiment de légèreté et de gracieuse désinvolture.

C’est à nouveau la désinvolture qu’on retrouve dans Au galop premier long-métrage de l’acteur Louis-Do de Lencquesaing, sélectionné à la Semaine de la Critique. Le personnage principal qu’interprète, avec nonchalance, le réalisateur dessine une sorte d’autoportrait mis en miroir par trois femmes : la mère, la fille et une femme rencontrée inopinément. Il faut beaucoup de hasards, de lourdes références littéraires une voix off et l’aide de rêves pour construire ce film sur un écrivain qui réapprend à aimer au moment de la mort de son père. Ecrit-il cette histoire ou l’a-t-il vécue ? Seule, Marthe Keller, particulièrement savoureuse en mère fofolle, va « au galop », titre en référence à une comptine d’enfant.

C’est encore la désinvolture qui accompagne Paperboy par le simple fait d’avoir été sélectionné en compétition au dernier Festival de Cannes, ce qui ne pouvait qu’étonner. Serait-ce pour une brillante montée des marches de Nicole Kidman absente depuis Dogville, en 2003 ? Adapté d’un polar sudiste à la psychologie complexe, Paperboy de Pete Dexter a longtemps été convoité par Almadovar, jusqu’à ce que Lee Daniels reprenne le projet. A la fin des années 60, dans la Floride vénéneuse : ses effrayants marécages, ses bayous, ses alligators, sa chaleur moite, sa sexualité torride. On s’embourbe dans les marais à la suite d’un reporter (Matthew McConaughey) qui enquête sur un crime. S’ajoutent quelques comparses dont Nicole Kidman en poupée Barbie amoureuse par correspondance de criminels dans le couloir de la mort. Aucune nuance, aucune ambiguïté : meurtres, étreintes, baston et confrontation raciale.

Ours d’Or au dernier Festival de Berlin, César doit mourir signe le grand retour de Paolo et Vittorio Taviani. Le film décrit l’adaptation de Jules César de Shakespeare par les détenus d’une prison de haute sécurité à Rome. C’est une expérience politique passionnante qui ne manque ni d’énergie ni d’authenticité et nous laisse sidérés par l’interprétation de ces criminels de droit commun. Cette fiction est enracinée dans un réalisme proche du documentaire, tel Padre Padrone, admirable Palme d’Or cannoise en 1977.

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