L'Homme, l'argent, (...)

L’Homme, l’argent, la société

Le capitalisme serait né en Grande-Bretagne,
grosso modo avec la Révolution Industrielle.
Alors que le Commonwealth dominait le monde,
notamment par son énorme emprise sur les
mers. Mais avant cela, on oublie un peu que
la plus grande puissance occidentale était…
Venise.

Et Venise était la cité de l’Argent. Parce que
Venise ne pouvait vivre sans le Commerce. Et
que le commerce nécessita de grandes inventions
 : la comptabilité à partie double, la banque,
la lettre de change, ancêtre du chèque,
la Bourse.

Jean Claude Barreau, théologien, historien, et
conseiller de quelques grands de ce monde,
de Mitterrand à Charles Pasqua, est un personnage
qui ne se laisse pas aisément classer.
Alors que vient-il nous chanter là ? Une Venise
proche du génie historique, et un génie qui
dure, qui dure sept siècles !
Une Venise qui invente tout ce sur quoi le capitalisme
moderne est fondé : la banque, bien
sûr, et ses instruments qui existent aujourd’hui
de manière presque inchangée dans leur principe.
Mais aussi, avant Luther, avant que Max
Weber nous invente pratiquement l’éthique
protestante du capitalisme, une éthique de la
richesse dont on a si longtemps oublié les origines.

A Venise, l’argent obligeait. Obligeait ceux
qui le détenaient. A Venise, un patricien, un riche,
ne pouvait insulter impunément un gondolier.
La Justice Vénitienne, mesurée à l’aune de
l’époque, était une des plus égalitaires qu’on
puisse imaginer.
Quand on se souvient que le monde chrétien
( et musulman) a longtemps interdit le prêt à
intérêt, Venise a , elle, inventé un principe qui
serait d’une grande actualité aujourd’hui et qui
figure peu ou prou dans tous les manifestes
« gauchistes » et altermondialistes actuels : la
limitation de l’intérêt à une proportion faisant
du capital l’auxiliaire du développement commercial
et industriel au lieu d’en devenir un
jour la seule, pure et abstraite finalité.
Jean-Claude Barreau se fait le défenseur de
l’oligarchie vénitienne qu’il propose en modèle
pour notre société parce qu’elle inventa
un capitalisme intelligent, respectueux de son
peuple, fondé sur le sens de l’État et de ses
élites. En liant le déclin de Venise à la sclérose
de ses élites dirigeantes, devenues incapables
d’influer sur leur monde, Barreau nous chante
un air drôlement contemporain
Jusqu’à la mondialisation qui résonne dans
le propos de Barreau : Venise, avec ses arsenaux,
son industrie du verre, Venise au centre
de l’impression et donc du développement du
monde intellectuel, Venise était son propre rempart
contre la « délocalistation ».

C’est donc la naissance et la prospérité d’un
capitalisme « à visage humain » que Jean
Claude Barreau nous décrit et son propos est
truffé d’enseignements éclairants et surprenants.
Une leçon d’Histoire qui résonne étrangement
en ces temps mouvementés, dans ce
qu’elle nous apprend à la fois des origines et
des finalités.

Une lecture de vacances d’une stupéfiante actualité.

Jean Claude Barreau, Un capitalisme à visage
humain ; le modèle vénitien. 182 p, essai,
Fayard, 14,90 €

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