"Le redoutable" de (...)

"Le redoutable" de Michel Hazanavicius

Librement adapté d’« Un an après », récit autobiographique dans lequel Anne Wiazemsky raconte sa brève et compliquée vie conjugale avec Jean-Luc Godard dans l’effervescence de Mai 68, « Le Redoutable » dresse le portrait bienveillant quoique ironique du réalisateur en pleine période maoïste On voit l’interruption du Festival de Cannes par les cinéastes rebelles dont il faisait partie, avant la rupture définitive avec ses compagnons de la Nouvelle Vague.

Redoutable ! Ainsi donc, Michel Hazanavicius a affublé Godard de cet adjectif, mais redoutable pour qui ? Il paraîtrait que le titre aurait un rapport avec l’immersion du fameux sous-marin de ce nom que le réalisateur citait souvent....

Dans son bouquin, Anne Wiazemsky donne une image insolente de Godard, entre admiration et dérision.

On le voit douter, s’impatienter, se lamenter, résister, tempêter.

Difficile de ne pas être touché par la mauvaise foi et la fragilité mêlées de cet homme pris dans ses contradictions à un tournant décisif de sa vie et de sa carrière, tandis qu’il tente de participer au mouvement des étudiants et des ouvriers.

Durant cette crise, l’artiste, en quête de liberté et de vérité, envoie tout en l’air, dont son couple. Dans une société de remise en question, quel cinéma faire ? Réaliser des films engagés ou de pur divertissement ? Cela évoque les paroles, souvent brutales, de Godard sur le cinéma devenu simple marchandise. Si c’est un art, il n’est qu’industriel.

Michel Hazanavicius semble vouloir liquider l’héritage de Mai 68 résumé à quelques échauffourées sans restituer l’ampleur des manifs et des discussions d’alors. Les idées fusaient et il y avait un ferment, une ferveur, à la Sorbonne et ailleurs. Michel Hazanavicius en fait des débats ridicules et creux. Pour lui, Mai 68 est juste un décor, loin de l’authenticité de la fièvre, de la peur et du risque permanent qu’avait su rendre Philippe Garrel dans « Les Amants réguliers ».

Grand amateur de pastiches, comme il l’a prouvé avec « OSS 117, Rio ne répond plus » et « The Artist » (son bel hommage au cinéma muet), Michel Hazanavicius s’en donne à coeur joie dans « Le Redoutable », avec des inserts dignes de Godard et de ses riches trouvailles visuelles.


Il y a même beaucoup d’humour, de fraîcheur, de clins d’oeil cinéphiles, de légèreté malgré un rien de rosserie et quelques perfides petits coups d’épingles. Avec à la fois respect et irrévérence, il égratigne le mythe autant qu’il exprime une certaine admiration qui lui est impossible à définir.
Louis Garrel habite avec décontraction le personnage du cinéaste et lui donne toute crédibilité. Entre légère calvitie, lunettes noires et chuintement imperceptible, il est méconnaissable en vrai JLG, plus vrai que nature. Reproduisant sa gestuelle et son élocution traînante avec un léger accent suisse, il fait illusion et accentue l’aspect comédie du projet.
Témoin passif de la chute inéluctable de leur couple, la jeune Stacy Martin interprète Anne Wiazemsky, discrète, effacée, écrasée par son partenaire, à l’image probablement des personnes qu’ils représentent. Elle prend conscience de son désir d’émancipation, tandis que Godard, dans sa mutation, tue peu à peu l’homme qu’il était. Il n’est donc plus celui qu’elle a aimé, la séparation est inéluctable. Le film est surtout une histoire d’amour qui se délite.

Cependant, Godard, qui a toujours divisé, n’est pas mort et il continue à cheminer comme il l’entend.

Si son cinéma reste hermétique pour certains, ce qu’il y dit n’est pas à dédaigner. Sans doute, pour lui rendre hommage, aurait-il fallu faire mieux qu’un pastiche parodique, quoique l’exercice de style soit léger, drôle et pop !

Agréable à voir, vraiment !
Caroline Boudet-Lefort

Sortie nationale en salle le mercredi 13 septembre 2017 au cinéma.

deconnecte