Attentat : Estrosi écrit

Attentat : Estrosi écrit aux Niçois

Le président de la Métropole et premier adjoint Christian Estrosi a écrit une lettre ouverte aux Niçois que nous publions ci-dessous in-extenso :

Hier, 14 juillet 2016, Nice, notre ville, a vécu dans la chair de femmes, d’hommes et d’enfants la pire tragédie qu’elle ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Tous les Français, déjà si durement frappés à Paris, à Montrouge, à Saint-Denis en janvier et en novembre 2015, et de nombreux peuples – je pense aux Belges, eux aussi endeuillés – s’unissent autour de notre ville, de ses visiteurs, de chacun de vous, pour vous dire leur affection et leur soutien, et je les en remercie en votre nom.
Ces femmes, ces hommes, ces enfants que la mort a frappés, que la fureur a blessés, c’étaient des Niçois, c’étaient des visiteurs fascinés par la beauté de Nice, c’étaient des innocents.
Peu importe les mobiles qui ont guidé leur assassin, un seul mot vient sous ma plume pour le qualifier- : un terroriste ivre du venin répandu par d’autres terroristes sur toute la planète.
Je sens monter autour de moi la colère.
Je sens monter autour de moi la haine.
Je peux comprendre ces sentiments.
Ils m’ont emporté, moi aussi, sur notre Promenade, à la vue de ces corps ensanglantés des victimes de tous âges, de toutes couleurs de peau, de toutes origines, et parmi eux tant d’enfants !
Et puis le cœur a pris le dessus, et d’autres sentiments m’ont envahi, envers les victimes, ceux qui nous ont quittés et ceux qui restent, ceux qui souffrent dans leur chair, ceux qui souffrent dans leur âme, leurs parents, leurs amis qui les cherchent encore, qui les pleurent déjà, et à qui je veux dire combien je suis bouleversé, et combien je veux me battre pour faire rendre justice à leurs morts et à leurs blessés.
Dans l’immédiat, la ville de Nice, secondée par nombre d’entre vous, s’est montrée à la hauteur de son historique sens de la solidarité, dans les limites que la loi lui laisse. Et au CUM, avec les cellules de soutien psychologique, comme dans les hôpitaux, les fonctionnaires municipaux, les experts ont accueilli les victimes et leurs proches. Je peux en témoigner- : vous avez tous été impeccables.
Je tiens aussi à complimenter les forces de sécurité qui ont fait de leur mieux pour stopper et mettre hors d’état de nuire le terroriste, les services de secours et d’incendie, les services hospitaliers et le corps médical qui ont réussi à sauver des vies. Mais si les sentiments, la colère, la haine, la compassion sont humains, ils sont inefficaces.
Et ce qui me guide, aujourd’hui, ce n’est pas le chagrin, ce n’est pas la pitié, c’est une froide, une implacable détermination.
Je suis froidement déterminé à exiger que la République frappe, sur son territoire et à l’extérieur, avec une force inégalée, dont nos gouvernants actuels sont incapables.
Je suis froidement déterminé à faire changer la loi et à la faire appliquer dans toute sa légitime dureté, alors que nous sommes en guerre et que la ville de Nice, si elle peut contribuer au maintien de la paix, n’a pas les armes pour faire la guerre. Et je veux savoir pourquoi.
Pourquoi, alors que j’ai demandé il y a quinze jours à la préfecture de rehausser le niveau de sécurité des Prom’ Party, il m’a été répondu qu’on n’y voyait pas de nécessité, en l’absence d’alerte particulière ? Pourquoi, alors que depuis deux ans, je ne cesse de réclamer du gouvernement de nouveaux moyens de combattre le terrorisme, des moyens en armement pour nos policiers nationaux et municipaux, des moyens réglementaires, des moyens législatifs, on ne m’a jamais répondu ? Pourquoi, alors que depuis deux ans, je ne cesse d’alerter le gouvernement sur les faiblesses dont nos ennemis peuvent se saisir, sur nos frontières, dans nos cités, n’a t-il pas tiré les leçons de l’expérience, voire anticipé sur la menace ? Pourquoi le président de la République, à qui j’ai écrit le 13 juillet une lettre comme prémonitoire, pour lui demander de renforcer les moyens de la police, proclame sa volonté de lever l’état d’urgence le 14 juillet à midi, pour annoncer qu’il le remettra en vigueur le 15 juillet à 3h45 ?
À ces questions, pour l’heure, je n’ai pas de réponse. Il faudra les donner, ces réponses, et vite !
Niçois et visiteurs amoureux de Nice ont payé de leur sang ce si long silence.
La date sacrée du 14 juillet, qui devrait être une date d’union, de célébration et de joie est désormais, pour longtemps, entachée de tristesse et de mort.
Nice, grande ville de France et du monde, subit cruellement aujourd’hui l’aveuglement des uns et la barbarie des autres.
Nice n’oubliera rien.
Vous qui avez été frappés, vous qui avez été blessés, nous qui avons vécu ces tristes jours porterons longtemps dans nos cœurs cette vive blessure.
Un homme fou de haine a aujourd’hui couvert de sang innocent notre Promenade, ce magnifique visage de la liberté et du bonheur de vivre que Nice offre la France et au monde.
Il a défiguré Nice. Mais Nice guérira, tandis qu’il sera lui maudit pour toujours. Car toujours, dans son histoire, Nice est sortie plus forte des épreuves qui l’ont bouleversée, et un jour prochain, nous verrons sourire à nouveau sur notre Promenade le visage niçois du bonheur.

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