Daniel Benoin « Après (...)

Daniel Benoin « Après les attentats, vivre plus fort encore »

Comédien, metteur en scène, figure incontournable de la vie culturelle,
le directeur d’Anthéa se livre sur sa vision de la société après les attentats de 2015.

- Comment avez-vous vécu les événements de 2015 ?
En me rappelant qu’en 1989 le mur de Berlin est tombé parce que les théâtres étaient en grève à l’est, et que les comédiens et techniciens ont fait les premières manifestations qui ont conduit à la chute du mur. Un théâtre est toujours un lieu où s’exprime une pensée libre, une vraie résistance. Même si j’ai été très sensible aux autres attentats, l’attaque du Bataclan m’a particulièrement touché car c’est un lieu de spectacle qui a été visé. C’est donc le moment de dire que « pour vivre heureux il ne faut surtout pas vivre caché », et qu’il faut au contraire que les théâtres vivent plus fort encore.

- Ces événements traduisent-ils une société qui ne sait plus amalgamer la jeunesse, la différence ?
Nous avons connu une période de société accueillante, mais il y a eu un coup de frein, vers 95, en particulier à cause des femmes. Car ce sont elles qui favorisent l’intégration, et c’est peut-être pour cela qu’on les a voilées.

- Mais une telle violence...
Les attentats terroristes sont monstrueux. N’oublions pas cependant qu’il y en avait aussi de nombreux au 19è siècle, et que l’insécurité était encore plus forte. A cette époque, il y eut même des chasses aux émigrés, avec des massacres d’Italiens dans le sud de la France.

- Comment la République peut elle se défendre ?
C’est compliqué. Je pense que tout dépend de l’éducation, et que cette question est aujourd’hui prise de travers. Quelque chose ne fonctionne pas dans l’Education Natio- nale. Quand j’étais au lycée, il y avait un ascenseur social, mais aujourd’hui cela ne fonctionne plus. Les responsables de l’E- ducation n’ont pas pris les bons chemins.

- Avez-vous craint les résultats des élections régionales en Paca ?
Pour moi c’est simple : je ne peux pas m’imaginer vivre dans une région dirigée par le Front National. Au delà de cette impossibilité, il y a la simple observation de ce qui s’est passé en Autriche où Jörg Haider (extrême droite) a coupé dans sa province tous les investissements, paralysant l’économie. Ici, le FN serait une catastrophe économique, et culturelle.

- Qu’est-ce qui vous permet de dire cela ?
J’ai récupéré des interventions de Marion Maréchal-Le Pen sur la culture, qui montraient une absence de réflexion et un aspect très réactionnaire me rappelant sur les questions culturelles une partie du programme de Vichy.

- Crise des migrants : la France est-elle à la hauteur ?
Je n’en ai pas trop l’impression, mais ce n’est pas un problème simple. Dans un premier temps, comme humaniste j’étais favorable à un accueil important des migrants, et donc assez admiratif de ce que faisait l’Allemagne par rapport à ce qu’on faisait nous. Maintenant, je suis plus sceptique. C’est sûr, en France, on a réagi très en retard. Mais comment faire ? Je ne voudrais pas être un homme politique pour avoir à régler cette question.

- Sans transition : vous êtes heureux à Antibes ? Anthéa, c’est un joli succès...
Oh oui ! Plus de 100 000 spectateurs payants cette saison, 11000 abonnés, c’est très au delà de ce que j’attendais.

- Mais vous faites un peu d’ombre autour de vous...
Je n’y tiens pas, bien au contraire. De l’ombre, peut être dans un premier temps. Mais tout cela va se stabiliser.

- Toujours en bisbilles avec Irina Brook ?
Mais il n’y a pas de bisbilles avec Irina Brook. Je n’ai plus de contacts avec elle. Quand elle est arrivée, je l’ai aidée au TNN. Alors que j’en étais encore di- recteur, je lui avais proposé de travailler. Avant d’être nommée, elle m’a dit oui, et après elle a fait autrement. Bon... Moi je suis pour une vie paisible et intelligente avec le TNN.

 ??Son parcours :
1947 : naissance à Mulhouse 1969 : fondateur du Théâtre de
l’Estrade (Paris).
1975 : codirecteur de la Comédie de Saint-Etienne.
1996 : fondateur du Forum du Théâtre National de Nice.
2014 : son mandat n’est pas renouvelé. Il est remplacé par Irina Brook, nommée à la tête du TNN par Aurélie Filipetti, ministre de la culture. Prend la direction d’anthea.

Cinéma : comédien
Télévision : adaptations et réalisations
90 pièces 15 opéras

Photo : JMC

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