Recours collectifs : (...)

Recours collectifs : quelles avancées ?

L’intérêt politique pour le recours collectif semble renaître. La Commission européenne poursuit sa réflexion. Elle devrait se prononcer en 2011 sur l’opportunité d’introduire cette procédure de défense des consommateurs. En France le sujet reste controversé, malgré plusieurs propositions.

On entend par "recours collectif", ou "action de groupe", une action qui permettrait à un représentant, comme une association de consommateurs agréée, d’introduire un recours judiciaire pour le compte de plusieurs consommateurs ayant subi un préjudice commun de la part d’un même professionnel.

Ce mécanisme semble avantageux pour le consommateur à plusieurs titres. Les personnes ayant subi un dommage de faible importance ont alors à leur disposition un outil leur permettant de faire valoir leurs droits et d’obtenir réparation. Les opposants à l’instauration d’un recours collectif arguent d’un déséquilibre qui serait créé pour les professionnels, ou encore d’une judiciarisation de la vie économique, de l’existence de procédures de défense des consommateurs.

C’est dans ce cadre, qu’en France, un rapport sur le sujet a été remis, en 2006, aux ministres de l’Economie et de la Justice, proposant des solutions encadrées. Le groupe de travail a décidé de continuer ses auditions, les travaux sont toujours en cours. En parallèle, début 2007, un projet de loi avait été déposé par le député Arnaud Montebourg (PS). Cette proposition n’a pas encore été examinée (n°3729).

Au niveau européen, la question a été inscrite au programme de travail de la Commission de 2010. Elle figurait à l’ordre du jour de la réunion hebdomadaire du collège des Commissaires, le 12 octobre dernier. La Commission devait donc conclure son travail sur le sujet avant la fin de l’année. Il est prévu qu’une commission de consultation publique soit lancée jusqu’en février 2011. En parallèle, une audition publique sera organisée en janvier prochain. Les recommandations pratiques seront communiquées par les commissaires, courant de l’été 2011.

Etat des lieux - La défense des consommateurs en France

Le rôle des associations

La loi Royer du 27 décembre 1973 a reconnu aux associations de consommateurs agréées une action en justice pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs (art. L421-1 et suivants du Code de la consommation), les associations étant compétentes au regard d’une spécialité donnée, précisée dans son objet statutaire. L’association agit alors dans l’intérêt collectif des consommateurs, et non en réparation du préjudice subi personnellement par les victimes de l’infraction. Son action s’étend à la cessation des pratiques illicites ou à la suppression de clauses abusives. Elle peut également intervenir au soutien d’une demande initiale introduite par un ou plusieurs consommateurs, par voie d’action conjointe (art. L421-7 et L422-1 du Code de la consommation). Ainsi, s’agissant d’un intérêt individuel, une association de consommateurs ne peut agir de sa propre initiative, elle doit être mandatée par au moins deux consommateurs concernés, pour la réparation des préjudices individuels.

Portée limitée de la décision rendue

Les limites de ces actions résident essentiellement dans l’effet des décisions rendues. A titre d’exemple, une décision rendue constatant le caractère illicite d’une clause d’un contrat n’aura pas d’effet à l’égard de tiers.

D’autres voies ont été récemment développées en matière de mode alternatif de règlement des litiges. Il s’agit alors de moyens non juridictionnels, tels que la médiation ou la conciliation.

Moyens d’action judiciaire

Le consommateur dispose également de la possibilité de saisir le juge de proximité. Compétent pour les affaires simples, et dont le montant n’excède pas 4 000 euros, il tente d’abord de concilier les parties directement, ou par l’intermédiaire d’un tiers, et rend ensuite un jugement.

Le consommateur a également à sa disposition l’injonction de faire, qui permet au créancier d’obtenir rapidement le paiement d’une créance, pour des demandes inférieures à 10 000 euros.

L’action de groupe à l’étranger

Aux Etats-Unis une "class action" a été mise en place depuis le XIXe siècle, reproduite au Canada, en Angleterre, en Suède et au Portugal, de façon plus encadrée.

L’action de groupe ne concerne pas que les consommateurs, mais aussi toute minorité ou toute victime de discrimination. Elle est conditionnée notamment par le nombre suffisant de personnes dans le groupe, par les questions de droit et de faits communes au groupe, par demandes ou défenses communes, par le rôle donné au représentant.

Au sein de l’UE, la Suède applique, depuis Janvier 2003, ces procédures d’action collective, alors que le Portugal, qui prévoit dans sa constitution un droit d’action populaire, les a développées depuis 1995.

Il est indéniable que l’action collective, en dehors d’améliorer l’accès à la justice, a surtout un effet dissuasif important pour les personnes concernées. On peut même penser qu’elle mène à un équilibrage naturel de la relation consommateur-vendeur et, de là, à une éthique professionnelle.

Les propositions

Les propositions faites en France privilégieraient une action en deux temps : une première phase au cours de laquelle le juge contrôle la validité de l’action, la cohérence du groupe et la qualité de son représentant, ainsi que les questions de droit et de faits apportées ; dans la deuxième phase, seraient évoqués la responsabilité du professionnel et le montant des dommages et intérêts.

Une autre option pourrait être la mise en place d’une action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse : la première phase permettrait aux victimes de se manifester. Dès cette première phase, le juge statuerait sur la responsabilité du professionnel. Lors de la deuxième étape, seraient examinés les dommages et intérêts.

Pour mettre en place ces nouveaux mécanismes, plusieurs règles fondamentales du droit civil français devraient être revues : la règle de la qualité pour agir ("nul ne plaide par procureur") ; le principe de l’autorité relative de la chose jugée ("l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement") et l’interdiction des arrêts de règlement (article 5 du Code Civil).

Par ailleurs, le champ d’application de l’action de groupe doit être précisé (cf encadré).

D’autres questions devront être réglées, comme la compétence des tribunaux. Enfin, le juge pénal peut-il être appelé à connaître d’actions de groupe ? En toute hypothèse, la mise en place d’une telle action nécessite des remaniements de notre droit. Néanmoins, c’est par de telles avancées que chacun se sentira mieux défendu dans la société.

Une future directive ?

C’est ainsi que les axes retenus pour la future directive sont à examiner avec attention. Le commissaire européen à la Concurrence, Joaquim Almunia, a détaillé les cinq principes communs qui pourraient servir de base à une directive en matière de recours collectif (cf encadré). Il s’agirait de fixer les normes communes et les exigences minimales pour les systèmes nationaux d’action en dommage, notamment des dommages concurrentiels ; à charge pour les autorités nationales de traduire ces principes communs minimaux avec les pratiques juridiques nationales.

Selon le Commissaire Almunia, la mise en œuvre du recours collectif doit bénéficier aux règles de concurrence mais aussi à l’environnement et à la protection des consommateurs. De même, ce droit au recours collectif doit être garanti à tous les citoyens de l’Union, quelque soit son Etat membre de résidence.

Reste qu’ à ce stade, la question du choix du mode de représentation du groupe, demandeur au recours collectif, n’est pas tranchée : l’opt-in ou l’opt-out, à savoir le choix actif ou non des victimes afin d’intenter l’action collective.

Class action : quel champ d’application ?

La majorité des systèmes étrangers ayant adopté ce type d’action a choisi un champ d’application large : droit de la consommation, mais aussi de l’environnement, le droit du travail, le droit boursier, etc.

Il semble essentiel que les choix en cours retiennent un domaine d’intervention important. En effet, l’évolution de la société est telle que les problématiques essentielles d’aujourd’hui ne seront sûrement pas celles de demain. Qui aurait parié à la fin des années 90 sur une telle importance aujourd’hui des télécommunications et, de ce fait, des relations avec les opérateurs fixes, mobiles, ADSL ? Chaque foyer n’est-il pas lui-même signataire de plusieurs contrats pour ce seul domaine ?

Les cinq principes d’une future directive

- L’indemnisation effective pour tous ceux qui ont subi des dommages, par le biais de recours collectifs que l’on pourrait résumer par toute la réparation, rien que la réparation. Afin d’éviter les dérives américaines, il s’agit donc d’exclure les dommages punitifs (dommages exemplaires dans les pays anglo-saxons), c’est-à-dire des dommages ayant pour objet de décourager le défendeur ou toute personne semblable, de suivre le même comportement que celui à l’origine du litige (les médias se font souvent l’écho de verdicts américains élevés en matière de dommages punitifs) ;

- éviter les procédures abusives en imaginant des procédés qui permettront de prévenir les dérives. Dans ce cadre, seuls des organismes publics ou des associations à but non lucratif agréées pourraient être autorisés à exercer un recours collectif. L’agrément pourrait être retiré en cas d’abus. Les dommages-intérêts accordés devraient être versés intégralement aux victimes, et non à l’entité représentative ;

- inciter à la transaction ou à des modes de résolution alternatifs des litiges ;

- prévoir l’exécution des jugements collectifs dans toute l’Union Européenne ;

- fournir un financement adéquat pour donner aux citoyens et aux entreprises un accès équitable à la justice.

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