Baux commerciaux : (...)

Baux commerciaux : l’entretien des accessoires nécessaires à l’usage de la chose louée

Dans un arrêt récent, rendu au visa des articles 1719 et 1723 du Code civil, la Cour de cassation [1] est venue étendre le spectre des obligations du bailleur commercial en matière d’entretien de la chose donnée à bail.

Dans cette affaire, un salon de coiffure avait pris à bail un local commercial situé dans une galerie marchande appartenant au bailleur, et dans laquelle était également implanté un hypermarché. Un nouveau centre commercial est construit, et l’ensemble des commerçants de la galerie, ainsi que la grande surface, déménagent, ne laissant plus que le salon de coiffure dans la galerie. Le bâtiment dépérit, les toilettes sont condamnées, et un tas de gravats obstrue l’accès au parking, excepté pour une dizaine de places réservées au personnel et aux clients du salon.
Le preneur assigne alors le bailleur en résiliation du contrat de bail commercial aux torts de ce dernier. Il avance que le défaut d’entretien de la galerie commerciale, la suppression de l’accès aux toilettes du centre alors que le salon en est dépourvu, ainsi que l’empêchement d’accéder au parking aboutit au changement de la chose louée, qui est prohibé par l’article 1723 du Code civil.
Le bailleur soutient, quant à lui, qu’il n’était tenu - en l’absence de disposition contraire dans le contrat de bail - que d’assurer la délivrance, l’entretien et la jouissance de la chose louée. Il n’avait pas pour obligation de maintenir au preneur un environnement commercial profitable, et le bail ne prévoyait pas de droit de jouissance de la galerie intérieure du centre, ou qu’une obligation particulière relative à cette galerie incombait au bailleur. Le bail ne mentionnait pas non plus la jouissance des toilettes du centre commercial. Enfin, en ne démontrant pas que la présence de gravats, obstruant partiellement l’accès du parking, était de nature à faire renoncer la clientèle, ou que le nombre de places laissées était insuffisant, le preneur ne prouve pas de manquement du bailleur à ses obligations.
Accueillie en première instance, l’argumentation du bailleur est rejetée en appel. Dans un arrêt du 23 juin 2011, la Cour d’Appel de Caen infirme le jugement au motif que le défaut d’entretien de la galerie commerciale aboutit bien à une modification définitive et défavorable de la chose louée. Le bailleur forme alors un pourvoi en Cassation.

L’entretien des parties communes

La 3ème chambre civile - compétente en matière de baux commerciaux - rejette à son tour l’argumentation du bailleur, mais sans invoquer l’interdiction de modification de la chose louée, posée par l’article 1723 du Code civil. Pour la Haute cour, les parties communes du centre commercial sont l’accessoire nécessaire de la chose louée, et il incombe donc au bailleur d’en assurer l’entretien.
C’est donc sur le fondement de l’article 1719 du Code civil (« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : […] 2o D’entretenir [la chose louée] en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; ») que le bailleur voit son pourvoi rejeté.

La juridiction suprême vient clarifier le fondement de l’obligation d’entretien qu’elle met à la charge du bailleur, et dont on trouve la trace dans un arrêt plus ancien . Dans cette autre affaire, aux faits quasiment identiques, l’arrêt d’appel avait été censuré au motif que les juges du fond n’avaient pas vérifié si le défaut d’entretien des parties communes n’avait pas pour effet « de priver les preneurs des avantages qu’ils tenaient du bail ».
La motivation de l’arrêt commenté est claire puisqu’il fait référence au 2° de l’article 1719 du Code civil. Mais sa portée est, quant à elle, très incertaine : les « accessoires nécessaires à l’usage de la chose louée » ne sont pas limitativement définis. En l’espèce, ils incluent l’immeuble, l’accès aux toilettes du centre ainsi que le parking, mais on ne saurait prévoir l’ensemble des éléments accessoires que le bailleur commercial doit entretenir. Cet arrêt incite donc à la plus grande prudence lors de la rédaction des baux commerciaux.

[1Civ. 3ème, 19 décembre 2012, n°11-23541

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