Benoît Santoire : « Lever les préjugés du passé » pour les commissaires de justice
- Par Sébastien Guiné --
- le 7 avril 2023
Le président de la Chambre nationale des commissaires de justice souhaite insuffler une dynamique positive pour cette profession rassemblant anciens huissiers de justice et anciens commissaires-priseurs judiciaires.
Quel est votre rôle en tant que président de la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ) ?
Benoît Santoire : La Chambre nationale des commissaires de justice est l’interlocuteur de la profession avec les pouvoirs publics donc c’est vraiment une mission de représentation et de défense des intérêts de la profession. Le président a également en charge le budget de la Chambre nationale. Nous appelons auprès des chambres régionales et de chaque professionnel les cotisations pour former le budget de la Chambre nationale. Je rappelle que nous assurons la profession contre les risques qu’elle peut causer aux tiers. Lorsque nous commettons une faute ou une erreur dans l’établissement des actes, nous sommes engagés dans une responsabilité et si cette responsabilité est avérée, nous devons évidemment rembourser le justiciable. Depuis le 1er juillet 2022, la CNCJ, c’est à la fois les ex-huissiers de justice et les ex-commissaires-priseurs judiciaires. Aujourd’hui, cela représente 3 700 confrères. Il y avait environ 3 400 huissiers de justice et 300 commissaires-priseurs judiciaires.
La Chambre nationale doit également élaborer le règlement déontologique national et c’est elle qui organise l’inspection comptable de tous les offices. Elle assure également la formation continue des commissaires de justice et des collaborateurs qui sont environ 10 000.
Quel bilan faites-vous neuf mois après l’apparition de cette nouvelle profession ?
– Je crois avoir réussi ces neuf derniers mois à restaurer la confiance entre la profession et les professionnels et à restaurer la confiance entre la profession et les pouvoirs publics et, par voie de conséquence, à restaurer l’image publique de la profession. C’est tout l’enjeu aujourd’hui de cette nouvelle profession : lever les préjugés du passé, partir d’une page vierge et mettre en avant ce qu’on sait faire le mieux, à savoir la sécurité juridique de nos actes, la force probante de nos constats et notre expertise en matière d’inventaire et de vente. Ce n’était pas mon souhait mais j’assume que l’on ait changé de nom. Maintenant il faut avancer. Parmi les sujets importants à traiter, il y a celui de la revalorisation de certains tarifs, comme le tarif pénal, avec la déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations, qui est un pan important de la saisie des voies d’exécution. Ce projet a été validé par la chancellerie et il est devant le Conseil d’État. L’idée est que cette saisie des rémunérations, qui est encore faite devant un juge, soit désormais faite dans nos offices, que l’on puisse en récupérer le monopole. Cela permettrait d’aller plus vite dans le cadre de la saisie des rémunérations, avec une répartition plus rapide de l’argent saisi. Les répartitions dans les greffes des tribunaux n’ont lieu que deux fois par an seulement. Je voudrais que cela soit fait tous les mois.
Notre profession souhaite également s’investir sur de nombreux sujets de société comme la lutte contre le harcèlement et les dommages environnementaux avec par exemple avec le constat RSE et le constat environnemental sur lesquels nous travaillons actuellement.
Comment s’organise la formation des commissaires de justice ?
– L’Institut national des commissaires de justice (INCJ) s’occupe de la formation initiale. Ce qui a vraiment changé, c’est que l’examen d’entrée a lieu avant le stage. Si les élèves qui présentent cet examen l’obtiennent, ils font ensuite leurs deux années de stage chez un commissaire de justice alors qu’avant c’était l’inverse : on faisait deux années de stage et on passait l’examen. Mais on n’était jamais sûr de l’avoir. J’ai vu beaucoup de jeunes qui malheureusement passaient une, deux, trois ou quatre fois cet examen et ne l’avaient jamais. Désormais, comme dans toutes les professions du droit et notamment les avocats, on a cet examen en amont. La formation dure deux ans avec des cours en distanciel, en présentiel et un examen de sortie. La première promotion va être diplômée dans quelques semaines. Il y a 80 jeunes futurs commissaires de justice, dont 70 % de femmes. Comme dans toutes les professions du droit, il y a un changement majeur. C’est une profession qui se féminise énormément. Au 1er octobre 2022, la profession était composée de 40 % de femmes. La moyenne d’âge est de 48 ans. Et on voit de plus en plus de salariat. C’est quelque chose qui était assez peu prégnant il y a quelques années mais nous sommes passés d’une centaine de commissaires de justice salariés à presque 400 aujourd’hui.
Et au niveau de la formation passerelle ?
– C’est une formation qui s’est faite réciproquement par les professionnels et qui a été suivie par la quasi-totalité d’entre eux. Il faut impérativement que cette formation ait lieu avant le 31 décembre 2025, faute de quoi vous perdez votre titre. Ceux qui ne l’ont pas suivie sont les futurs retraités de la profession.
Comment s’installe-t-on en tant que commissaire de justice ?
– Soit vous rachetez un droit d’installation soit vous avez la chance d’être tiré au sort et d’être « libre installé ». On a justement un travail à faire aujourd’hui avec l’autorité de la concurrence. Je vais être entendu par le président de l’Autorité de la concurrence (la rencontre était prévue le 4 avril, ndlr) sur le sujet de la nouvelle cartographie de la profession. J’espère qu’il y en aura le moins possible. Ce que l’on constate c’est que les « libres installés » ne s’en sortent pas très bien, voire très mal. Cela n’a pas fonctionné. La clientèle est déjà captée par les offices. Dans ma région, dans le Grand-Est, il y en a trois autour de moi et il n’y en a pas un qui gagne correctement sa vie. Pour s’installer, les investissements de départ avoisinent les 20 000 à 30 000 euros. Certes c’est beaucoup moins que le rachat d’une charge mais quand vous n’avez pas de clients, que vous démarrez sans rien, ce n’est pas facile.
Comment s’est déroulé votre récent déplacement à Cannes ?
– Il s’est plutôt bien passé. L’idée est d’aller à la rencontre des confrères de toutes les cours de France, à raison d’une par mois. J’en aurai fait 35 en trois ans. C’est quelque chose dont ils avaient besoin, de voir le bureau national, d’échanger et de lui poser directement des questions. Pour moi c’est très important. La restauration de la confiance passe par recréer du lien là où il n’y en avait plus et malheureusement, il n’y en avait plus beaucoup entre les instances professionnelles et la profession. Un fossé s’était creusé, d’autant que l’une des deux professions vit tout cela comme une fusion-absorption, celle des commissaires-priseurs judiciaires, numériquement inférieure. Pour être rassurés, ils ont besoin de gages de confiance. Et ces rencontres en régions sont les premiers pas pour mieux se connaitre, créer du lien, de la confiance à l’instar de ce qui se fait au niveau national avec Agnès Carlier notre première vice-présidente et les élus de l’ancienne profession commissaire-priseur-judiciaire. Il faut que les ex-commissaires-priseurs et les ex-huissiers de justice travaillent en synergie.
Signification des actes judiciaires et extrajudiciaires ; mise en application des décisions de justice ; constats ; recouvrement amiable et judiciaire ; inventaires, prisées et ventes judiciaires ; mesures conservatoires ; rédaction d’actes sous seing privé et conseil juridique ; médiation judiciaire et conventionnelle ; administration d’immeubles ; intermédiation de mandataire d’assurance.