Class actions à la françai

Class actions à la française : promises à un bel avenir ?

Depuis qu’Erin Brockovich a été incarnée au cinéma par Julia Roberts, on croit connaitre les class-actions américaines.De même, il est habituel d’entendre ricaner contre les décisions rendues par des jurys populaires condamnant tel ou tel industriel à payer des centaines de millions de dollars de dommages et intérêts punitifs. Pourtant, il peut être intéressant de replacer les class-actions dans leur contexte pour comprendre pourquoi l’"action de groupe" instaurée en France depuis 2014 n’est qu’une action collective au rabais laissant la place à des pratiques légales plus efficaces.

par Maître Christophe LÈGUEVAQUES, Avocat au Barreau de Paris, docteur en droit et créateur de www.mySMARTcab.fr plateforme d’actions collectives équitables.

Maître Christophe LÈGUEVAQUES - DR

La class-action, une réponse citoyenne au contrôle du big-business ?

Les avocats américains ont l’habitude de justifier la class-action par le fait que le big-business détient une influence considérable sur les prises de décision du congrès et de l’exécutif américain(1). Pour permettre aux consommateurs et aux citoyens de faire respecter un minimum de droits élémentaires, la class-action réunit des groupes d’intérêts et demande au juge de sanctionner des comportements illicites ou illégaux.
Le droit américain dispose alors de deux outils remarquables : la disclosure et les punitives damages. La disclosure est une procédure qui permet
d’obtenir la communication forcée de pièces de la part de son adversaire. C’est comme cela que les fabricants de tabac ont dû remettre plus de 80 millions de pages de documentation qui a permis d’établir qu’ils connaissaient les liens entre le tabac et le cancer depuis les années 40 et qu’ils ont organisé, depuis les années 50, un véritable complot pour fabriquer du doute et créer de l’ignorance.
Avec le pragmatisme que l’on reconnait au droit anglo-saxon, les juridictions n’hésitent pas à recourir aux punitives damages, cela signifie que non seulement, vous pouvez obtenir l’indemnisation intégrale du préjudice que vous avez subi, comme en droit français, mais les juges américains vont plus loin en sanctionnant financièrement la faute lucrative de l’industriel.
Ce concept est fondamental dans l’économie d’un procès. En effet, un industriel peut préférer réaliser de substantiels bénéfices en économisant sur les protections anti-pollution tout en rejetant en connaissance de cause du chrome hexavalent dans la nappe phréatique de toute une région. Les punitives damages viennent corriger le calcul économique qui rend rentable un comportement déviant.
Bien sûr tout n’est pas si simple et il existe des abus dans le recours aux class-actions et certains dénoncent tout à la fois le chantage des demandeurs et l’effet loterie de certaines décisions.

Le droit français, à la traîne ?

C’est pour lutter contre ces effets pervers que le droit français a attendu plus de 30 ans pour finalement accepter du bout des lèvres les class-actions.

Nous allons voir que l’arrivée des "actions de groupe" à partir de la loi Hamon de 2014 constitue en réalité un trompe-l’œil.
L’action de groupe est possible "Lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles" (article 62 de la loi du 16 novembre 2016)
Au départ avec la loi Hamon, l’action de groupe était réservée au droit de la consommation. Par la suite, la loi Santé du 26 janvier 2016 et la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 2016 l’ont étendue au droit de la santé, à la lutte contre les discriminations, au droit du travail, à la lutte pour la protection de l’environnement et à la protection des données informatiques.

L’action de groupe présente trois grands inconvénients
- la complexité de la procédure, avant de pouvoir rechercher la responsabilité d’une personne, le juge apprécie la recevabilité de l’action de groupe. Puis, commence le parcours du combattant pour démontrer la responsabilité en général de la personne poursuivie et ensuite il faut encore passer par une procédure pour liquider les préjudices de chacun des demandeurs ;
- le caractère faussement collectif, si la responsabilité en général est retenue par le juge, il n’est pas certain que cela soit immédiatement applicable dans le litige individuel qu’il conviendra de toute façon d’initier pour liquider le préjudice.
Ainsi, en matière de discrimination, la loi n’a pas prévu une action de groupe pour indemniser les préjudices antérieurs, imposant le recours à des actions individuelles pour indemniser chacune des victimes de la discrimination ;
- en octroyant un monopole de l’action à des associations agréées ou à des syndicats, elle permet aux membres du groupe, certes de parler d’une seule voix, mais elle ne prévoit aucun règle d’organisation de la prise des décisions. Dès lors, un risque d’alliances contre nature ou de conflits d’intérêts peut apparaître : une association ou un syndicat peut poursuivre un but différent de celui des membres de groupe qu’il prétend représenter.

Face à ces complications volontairement instituées par le législateur, il n’est pas étonnant que le nombre d’actions de groupe soit limité : moins de sept depuis trois ans.

Dès lors, il appartenait à la pratique de proposer une alternative sous la forme d’actions collectives conjointes.

L’imagination au pouvoir

Devant ces contraintes, les praticiens du droit ont proposé des solutions complémentaires à l’action de groupe. Dans le cadre d’une action collective le justiciable garde sa liberté d’action. Le demandeur n’a pas besoin de passer par une association ou un syndicat : il est à l’origine de l’action et il devient coproducteur de la décision judiciaire. Au final, la décision lui appartient à chaque étape de la procédure.
En effet, les actions collectives conjointes regroupent un grand nombre de plaintes individuelles mais similaires. Ainsi, les nouvelles technologies permettent de traiter ces dossiers de masse de manière coordonnée. Elles permettent également une mutualisation du coût des procédures. En effet, les recherches de la jurisprudence, des expertises et la rédaction des actions afférentes se trouvent partagées par un plus grand nombre de requérants.
Par ailleurs, la mécanique mise en place permet une péréquation entre des actions collectives rentables et des actions de plus longue haleine et à l’impact sociétal important. C’est à ce titre que les actions collectives
conjointes peuvent être qualifiées de "citoyennes" et de "coopératives".

Le bon pari ?

C’est en tout cas ce que nous avons théorisé avec la plateforme www.mySMARTcab.fr.
Avec les actions comme "stop la lombarde"ou "levothyrox", l’avenir nous dirsi notre pari est le bon.
Dans un article récent consacré à l’année lombarde, nous avions conclu dans des termes qui résument notre ambition : "les banques doivent accepter de rentrer dans le rang et de respecter la loi ou de subir les conséquences pécuniaires de leurs comportements. Les outils informatiques et juridiques modernes permettent de mettre fin à l’isolement des clients face à des puissances habituées des tribunaux. L’action collective (sous la forme d’une action conjointe ou d’une action de groupe) peut devenir une source de régulation des relations économiques entre un partenaire hégémonique et une multitude d’acteurs économiques isolés et sans lien entre eux. Une ère nouvelle commence. Si les consommateurs pouvaient être qualifies de particules élémentaires isolées et dépourvues de pouvoir, les outils modernes autorisent de les associer dans de vastes accélérateurs de
particules virtuels. Les banques qui ont été les premières cibles devraient en prendre conscience, de même que les autres acteurs industriels ou les institutions publiques : les consommateurs éparpillés et endormis pourraient bien se rassembler et se réveiller en citoyens avertis
".

(1).D’après l’ONG OXFAM, plus de 13.000 lobbyistes sont engagés dans des activités de lobbying à Washington. Les clients des lobbystes ont dépensé 3,47 milliards de dollars, tous secteurs confondus, pour s’attirer les faveurs des décideurs politiques, soit 9,5 millions de dollars par jour (chiffres de 2010) !

QUELQUES ACTIONS COLLECTIVES EN COURS

Le savoir, c’est le pouvoir ! courtesy MySmartCab DR
  • SANTÉ ET DROIT À L’INFORMATION
    "Défaut d’information sur le Lévothyrox®"
    Pour qui ? Vous prenez du Lévothyrox ? Le laboratoire Merck en a changé la formule sans vous prévenir. Le droit de la consommation vous protège et si vous souffrez d’effets indésirables vous pouvez demander à être indemnisé(e) pour défaut d’information et préjudice d’angoisse.
  • SANTÉ
    "Essure : Savoir- Pouvoir- Agir (Informations, réparations et/ou indemnisations en présence d’un implant contraceptif "ESSURE")"
    Pour qui ? Si vous avez choisi la méthode de contraception ou stérilisation définitive ESSURE et que vous pensez ou êtes certaine de souffrir d’effets secondaires ou de complications liées à la présence des implants.
  • SANTÉ ET VIE PRIVÉE
    "Refus de "Linky", compteurs dits intelligents : “Linkysition” ne passera pas chez moi".
    Pour qui ? Si vous souhaitez protéger votre santé, votre vie
    privée et prévenir un risque de surfacturation ou de panne, et que vous refusez les défauts des compteurs communicants "Linky", que votre compteur ait déjà été installé ou pas.
  • BANQUE
    "STOP LA LOMBARDE !"
    Pour qui ? Si vous avez souscrit à un crédit immobilier au cours de ces dernières années. Savez-vous que plusieurs établissements de crédit
    calculent, en toute connaissance de cause, d’une façon illégale le taux d’intérêt et encourent à ce titre une sanction vous permettant d’économiser
    plusieurs dizaines de milliers d’euros sur les intérêts facturés ?
    Toutes les infos en cliquant ici.

Illustration de Une et photo de l’article : courtesy MySmartCab DR

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