Conférence d'Alain Bauer

Conférence d’Alain Bauer à Nice : Une histoire de la violence

Pour Alain Bauer, il suffit de se référer à la forte hausse des homicides commis dans le pays, passés de 700 en 2012 à plus de 1 000 en 2023.

La France a basculé dans « une situation de violence inédite »

Le professeur de criminologie, une « espèce protégée » selon lui, était à Nice pour une conférence sur le thème « Tu ne tueras point », correspondant au titre du tome 2 de son ambitieux projet baptisé « La globalisation piteuse », prévue en six volumes. Dans un amphithéâtre de la fac de Droit bien garni, Alain Bauer, auteur de nombreux ouvrages sur la criminalité, le terrorisme et la guerre, a présenté la difficulté de mesurer la violence tout en donnant quelques chiffres et en les analysant. «  Nous n’avons pas d’indicateur de la violence » et « personne ne sait » s’il existe une dégradation des conditions de sécurité, a-t-il affirmé. «  Mais nous avons un outil qui permet de répondre partiellement à la question : un état-civil, qui nous permet de savoir qui naît et qui meurt  ». Et dans quelles conditions. «  Jamais la situation n’a été aussi bonne en matière de crimes violents » qu’en 2012 avec environ 700 homicides. Mais il y a eu depuis « une inversion de tendance d’une intensité inédite » selon le criminologue et «  en 2023, nous avons dépassé la barre des 1 000 homicides ». Et en prenant en compte les tentatives d’homicides, c’est-à-dire les homicides ratés, 2023 représente « la pire année du demi-siècle ». « Si on ajoute les coups et blessures volontaires et les violences physiques, en moins de 15 ans ce pays a basculé d’une réelle sérénité à une situation de violence inédite », a affirmé le professeur, très présent dans le paysage médiatique français sur toutes les questions liées à la sécurité.

« On ne fait pas la guerre au narcotrafic »

Salle comble pour cette conférence d’Alain Bauer. ©S.G

«  Le crime organisé dans les stupéfiants fait beaucoup de victimes et son développement entraîne des règlements de compte. Il y a une hausse des féminicides, une augmentation des violences adolescentes, une augmentation des violences entre voisins, entre automobilistes. Il y a depuis 10 ans une augmentation constante de toutes ces violences », a-t-il développé.
Le professeur, très à son aise oralement, s’est attardé quelques minutes sur le trafic de stupéfiants, fustigeant sans les nommer directement ceux qui, comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et beaucoup d’autres avant lui, entendent faire la guerre à ce fléau. Or « on ne fait pas la guerre au narcotrafic, on lui fait la police  », a affirmé Alain Bauer. « Comme disait le président américain Richard Nixon, la guerre contre le narcotrafic c’est du ‘bullshit’, de la com’. Ce n’est pas une guerre, il faut d’autres moyens. C’est une affaire de police et de justice. C’est un choix de confrontation avec une partie de la société ville qui ne vit que de ce trafic  ». Et il est important pour lui de « bien isoler ce qui relève du trafic, ce qui relève de la distribution et ce qui relève de la consommation. Les consommateurs ne sont pas des criminels, ce sont des malades ou des addicts  ».
Le criminologue a terminé sa conférence, dense et structurée malgré une ou deux digressions pour vanter des lignes de son CV, en assurant que le citoyen avait trois devoirs face à la violence : vigilance, résilience et résistance.

Invité par le Cerdacff

Alain Bauer, notamment professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, était invité le mercredi 6 novembre à la faculté de Droit et de Science politique de Nice par le Cerdacff (Centre d’études et de recherche en droit administratif, constitutionnel, financier et fiscal). La conférence, sur le thème « Tu ne tueras point », était organisée dans le cadre du master 2 Sécurité intérieure co-dirigé par Christian Vallar, professeur agrégé de droit public et doyen honoraire, et Florence Nicoud, professeur de droit public, en relation avec le master Droit pénal fondamental co-dirigé par Coralie Ambroise-Casterot, professeur agrégé de droit privé, et Christine Courtin, professeur de droit privé.

Alain Bauer et Christian Vallar, directeur de sa thèse de doctorat « Crime et criminologie : une archéologie juridique, politique et sociale » obtenue à Nice en 2016. ©S.G

Phoot de Une : Alain Bauer à Nice le 10 novembre 2024. ©S.G