Contrôle Urssaf 2015 (...)

Contrôle Urssaf 2015 : des transactions possibles (3/3)

Parmi les dispositions de la loi de Financement de la sécurité sociale pour 2015, du 22 décembre 2014, relatives aux vérifications menées par les Urssaf, figure la possibilité de conclure des transactions entre les organismes et les cotisants.

La notion de transaction est prévue par l’article 2044 du Code civil qui la définit comme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître », qui « doit être rédigé par écrit ».
En matière fiscale, l’administration « peut accorder sur demande du contribuable, (…), par voie de transaction, une atténuation d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas définitives » (art. L. 247 du Livre des procédures fiscales). La transaction s’applique lorsque l’administration fiscale consent au redevable une atténuation des pénalités prononcées ou encourues, et, le cas échéant, renonce à porter l’affaire devant les tribunaux. Le contribuable s’engage alors à verser au Trésor une somme à titre de sanction, inférieure aux pénalités encourues. Toutefois, en aucun cas, la transaction ne peut conduire à atténuer l’impôt dû.
La question s’est posée de savoir si cette procédure pouvait être étendue au contrôle Urssaf. Pour certains, la réponse était négative. En effet, en matière de sécurité sociale, la politique est celle du « tout ou rien », les dispositions du Code de la sécurité sociale étant d’ordre public. Soit les sommes redressées sont totalement exonérées de cotisations sociales, soit elles sont totalement incluses dans l’assiette des cotisations. La moindre infraction rend le cotisant redevable des cotisations sur l’ensemble des sommes versées. De plus, l’architecture de la sécurité sociale ne facilite pas cette procédure, les caisses constituant des organismes privés sous la tutelle de l’Etat. Se fondant sur une jurisprudence de la Cour de cassation des années 70, certaines Urssaf avaient toutefois été amenées à conclure des transactions avec les cotisants. En outre, le pragmatisme ne pouvait qu’inciter à une telle solution. Selon l’étude d’impact du projet de loi, la possibilité de conclure une transaction permettra de recouvrer immédiatement des cotisations et de faire l’économie de nombreux contentieux.

Modalités

Désormais, le directeur de l’Urssaf peut conclure une transaction avec un cotisant lorsque les sommes dues n’ont pas un caractère définitif. La transaction ne peut porter, pour une période limitée à quatre ans, que sur des cas limitativement énumérés (CSS art L 243-6-5) :
- le montant des pénalités et majorations de retard ;
- l’évaluation d’éléments d’assiette des cotisations ou contributions dues relative aux avantages en nature, en argent et aux frais professionnels, lorsque la détermination de ces éléments présente une difficulté particulière ;
- les montants de redressements calculés en application des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation ou d’une fixation forfaitaire du fait de l’insuffisance ou du caractère inexploitable des documents administratifs et comptables.

En revanche, la transaction est expressément exclue en cas de travail dissimulé (dont on connaît la définition très vaste) ou lorsque le cotisant a mis en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle (formule pour le moins vague). Un décret précisera le champ d’application de la transaction en supprimant la possibilité d’en conclure sur les majorations de retard lorsque la Commission de recours amiable a refusé la remise. Le directeur de l’organisme de recouvrement ne saurait ainsi accorder de son seul chef ce que la Commission a refusé.

Puisque la transaction est « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître », elle peut donc être conclue dans le cadre d’une procédure de contrôle ou en dehors de celle-ci.

Lorsqu’aucun contrôle n’est engagé, le cotisant peut soumettre, à tout moment, à l’organisme de recouvrement dont il dépend son souhait de conclure une transaction dans les cas fixés par la loi. La question est toutefois plus délicate lorsqu’un contentieux a été engagé. En effet, il convient d’éviter toute interférence entre la compétence des commissions de recours amiables et le champ de la transaction. Dès lors, la transaction doit être conclue avant que la Commission de recours amiable ne soit saisie. L’ouverture par le cotisant d’une procédure pré-contentieuse devant la Commission apparaît pour le moins incompatible avec l’engagement d’une procédure transactionnelle. La possibilité de conclure une transaction est de nouveau ouverte lorsque le cotisant décide de saisir le tribunal des Affaires de la sécurité sociale.

Un décret en Conseil d’État précisera la procédure.

L’étude d’impact du projet de loi donne cependant certaines indications :
- l’initiative de la transaction appartiendrait tant au cotisant qu’aux organismes de recouvrement ;
- l’examen de la demande de transaction relèverait de l’organisme dont dépend le cotisant ;
- la transaction serait signée par le directeur de l’Urssaf et engagerait l’organisme (si le directeur change, la transaction demeure valable). Par ailleurs, en cas de rattachement lié à un changement d’implantation géographique de l’entreprise ou de l’un de ses établissements, ou à la demande de l’organisme de recouvrement, la transaction restera applicable ;

- la transaction serait approuvée par la Mission nationale de contrôle (MNC), chargée de contrôler le respect des critères du nouvel article L. 243-6-5 CSS ainsi que l’équilibre de la convention qui procède de l’exigence jurisprudentielle de concessions réciproques de chaque partie.
Le directeur de l’Urssaf devra également rendre compte, le 30 juin de chaque année, des transactions conclues l’année précédente. Ce dispositif s’appliquera aux transactions conclues à compter d’une date qui reste à définir par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 1er octobre 2015.

Par François TAQUET, Avocat, Conseil en droit social

Retrouvez la partie 1/3 de cet article en cliquant ici
Retrouvez la partie 2/3 de cet article en cliquant ici

deconnecte