Défaillance d'un Candidat

Défaillance d’un Candidat acquéreur sans recours à un prêt et sans dépôt de garantie initial

L’AGENT IMMOBILIER EN PREMIERE LIGNE, LE NOTAIRE MIS HORS DE CAUSE

Un candidat acquéreur avait été présenté par une agence immobilière pour l’achat d’une villa avec paiement comptant sans recours à un prêt.

Les germes d’un fiasco étaient peut-être décelables ab initio : le compromis ne prévoyait pas la constitution d’une garantie par un dépôt de fonds en indiquant qu’au plus tard dans le mois de la signature de l’avant-contrat le candidat obtiendrait de sa banque un cautionnement dont il justifierait auprès du Notaire.

A l’expiration du délai, l’intéressé excipe d’un retard de son banquier non encore revenu de ses congés d’été.

Le Notaire qui s’était vu transmettre dans l’intervalle par l’agent immobilier l’entier dossier en vue de la perfection de la vente, prend l’attache du banquier lequel lui confirme les causes du retard sans pour autant faire part d’une infaisabilité de l’opération.

Le Notaire répercute à la venderesse laquelle ne dit mot. Le rassemblement des pièces d’urbanisme, la purge du droit de préemption se poursuivent.

Un mois après, le candidat personne physique annonce qu’il entend se substituer une personne morale (une SCI) qu’il serait en voie de créer comme le lui permet le compromis.

Le Notaire avise ; la venderesse consent à un report de la date limite de réitération qui était à 4 mois suivant le compromis en exigeant toutefois une hausse du prix en indemnisation du retard.

Le candidat ou sa SCI ne se manifestent plus, non plus le banquier.

2 mois après, la venderesse se prévaut de la caducité de la vente et remet son bien sur le marché. Dans les 3 mois, sa villa est cédée à un tiers via un autre Notaire à un prix moindre cependant que celui affiché dans le premier compromis.

La venderesse assigne devant le TGI de Grasse au fond l’agent immobilier en indemnisation de son préjudice de revente à prix inférieur en recherchant sa responsabilité contractuelle de l’article 1147 du Code civil.

L’agent immobilier via son avocat conteste l’étendue du préjudice (baisse liée à la conjoncture) et le lien de causalité en appelant toutefois en cause en relevé et garantie de toute éventuelle condamnation le Notaire instrumentaire du fait de sa responsabilité délictuelle engagée au visa de l’article 1382 du Code civil.

Selon jugement du 8 janvier 2013, le TGI de Grasse se réfère à une jurisprudence de la Cour d’appel de Bourges du 29 octobre 2009 ayant dit que "l’agent immobilier qui n’a procédé à aucune vérification lorsque l’acquéreur lui a annoncé qu’il ne comptait pas recourir à un prêt, étant précisé que la vente ne s’est finalement pas réalisée, a commis une faute qui justifie de le condamner in solidum avec l’acquéreur au paiement de la clause pénale prévue au compromis", ce que fit le tribunal.

Le juge du fond considère que "s’agissant d’une acquisition pour une somme importante (630 000 €), sans recours à un prêt bancaire, l’agent immobilier, avant de présenter ce client à son mandataire, aurait dû procéder à des vérifications portant sur la solvabilité de l’acquéreur ; cette vérification s’imposait d’autant que cet acquéreur ne pouvait déposer une garantie le jour du compromis et que la société candidate avait été créée il y avait moins d’un an ce qui aurait dû conduire à exiger la production d’un bilan comptable".

L’agent immobilier interjette appel non pas sur sa carence qu’il veut bien concéder en recherchant la condamnation à ses côtés du Notaire qu’il estime tout autant à l’origine de l’entretien d’une situation d’ambigüité. Chemin procédural faisant, l’agent immobilier escompte aussi dans ses rapports de co-condamné une condamnation à 85% de l’acquéreur défaillant.

Suivant arrêt du 5 juin 2014 (1ère chambre B n°2014/369), la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette le recours contre le Notaire en relevant que "Me A. n’est pas intervenu au stade de la promesse de vente et n’a reçu les documents relatifs à la préparation de l’acte authentique de vente qu’une fois cette promesse passée. Ledit Notaire n’a donc pas eu l’occasion de prodiguer le moindre conseil lors de la promesse de vente. Une difficulté existait dès l’origine en ce qu’au dépôt de garantie assurant un minimum de garantie à l’acte a été substituée un cautionnement, celui-ci n’étant pas donné dès la promesse mais devant intervenir dans le mois de celle-ci. Ce procédé à risques a été décidé hors toute intervention du Notaire lequel n’est pas garant de la solvabilité de l’acquéreur. Le Notaire n’est pas non plus intervenu pour établir le moindre acte de prorogation de la promesse de vente".

Soit, mais le Notaire avait accepté l’entier dossier litigieux comme tel, aurait dû alors refuser d’instrumenter et n’aurait pas dû se lancer dans des rapprochements avec le Banquier laissant à penser que le processus n’était que décalé.

Pour le surplus la Cour décide que "dans les relations entre l’agent immobilier et le candidat défaillant, il convient de constater que c’est la décision de la société E. de ne pas acquérir qui a provoqué la litige ; l’agent immobilier sera garanti par ladite société à hauteur de 85% du montant des condamnations prononcées à son encontre à l’égard de la venderesse".

Heureusement pour l’agent immobilier, il était bien assuré en responsabilité civile professionnelle de sorte que c’est son assurance qui a réglé les chefs de condamnation, lui-même supportant une franchise contractuelle.

Subrogée, l’assurance pourra tenter une exécution forcée contre le candidat acquéreur défaillant dont néanmoins la solvabilité est assurément de moindre surface que celle de la Caisse des Notaires.

L’adage "on ne prête qu’aux riches" trouve son corollaire en la présente affaire par la déclinaison que "seuls les riches peuvent prétendre acheter".

Pour l’agent immobilier, il devra se souvenir que "les paroles s’envolent, les écrits restent".

Par Maître Pierre-Alain RAVOT Avocat au Barreau de Grasse, membre de l AARPI LEXWELL Avocats, Square Carnot - 9 rue Massena 06110 LE CANNET - Tel 04 92 99 12 60 - Fax 04 92 99 12 61

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