Frontières : le Syndicat

Frontières : le Syndicat de la Magistrature a choisi Nice pour parler de ce sujet sensible

À l’occasion de la tenue du 51ème congrès du Syndicat de la Magistrature, rencontre avec Martine Zylberberg, qui en est la secrétaire nationale.

- La tenue à Nice de ce congrès sur le thème de la "frontière" ne doit rien au hasard... ?
En effet, il nous semblait opportun de nous interroger sur la frontière et sur la question des migrations. La frontière franco-italienne est un lieu où se sédimente tous les enjeux, les drames et les questions liées à ces phénomènes d’arrivées d’exilés sur le territoire national. Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est de veiller au respect des libertés et des principes démocratiques.

- Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?
L’État lui-même accomplit des transgressions dans le cadre même des accords de Schengen qui abolissent les frontières intérieures dans l’UE. Il a choisi, à l’inverse, de rétablir le contrôle aux frontières. Il l’a fait pour la COP 21 de 2015 à Paris comme il l’avait déjà fait pour le G20 de Cannes en 2012. Non seulement c’est abusif dans la durée, mais il a renouvelé ces dispositions au delà de deux ans, ce qui va contre les textes européens.

- Il n’est pas illégitime qu’un pays veuille mieux contrôler ses frontières, surtout dans un contexte de terrorisme...
Il est vrai qu’il y a actuellement des discussions entre pays européens pour rallonger ce délai de deux années. Mais rien n’a encore été voté. Un recours est même introduit par des associations - la Cimade, le Gisti, etc. - contre tout allongement.

- L’arrivée massive de migrants ne bouscule t-elle pas le Droit ?
Massive, qu’est-ce que cela veut dire ? Non, elle n’est pas massive, c’est plutôt un filet d’eau, avec des arrivées limitées et régulières. Il y a sûrement une politique migratoire à revoir.Mais actuellement les autorités transgressent les droits fondamentaux des étrangers : celui des demandeurs d’asiles reconduits immédiatement à la frontière, celui des mineurs qui sont aussi reconduits alors qu’est prévue la protection universelle de l’enfance dans le Droit. Il y a aussi un usage détourné des réquisitions du procureur, qui sont normalement faites pour rechercher des infractions, alors qu’elles sont utilisées pour contrôler les étrangers. Autant de choses qui ne sont pas tolérables dans un état démocratique.

- Quelle est la position de votre syndicat sur les condamnations des militants de la Roya ?
La poursuite et la condamnation des "délinquants solidaires" comme Cédric Herrou et Pierre-Alain Manonni est une autre transgression du Droit. L’application qui est faite n’est pas conforme. L’arrêt pose un problème car il intègre comme élément caractéristique de l’infraction que les agissements ont été réalisés "par militantisme". Une notion qui n’est pas prévue dans le texte et constitue un ajout abusif.

- Au final, la voix de votre syndicat est-elle entendue ?
On est entendu mais peu écouté. Nous sommes intervenus au ministère de l’Intérieur, qui est à la manœuvre, pour dire que la réduction des délais de recours et l’aménagement suspensif de ces délais ne sont pas acceptables.

Propos recueillis par J.-M. Ch

Martine Zylberberg, secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature. (JMC)

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