Justice : Le plan d’action du ministre
- Par Sébastien Guiné --
- le 13 janvier 2023
Éric Dupond-Moretti a présenté il y a quelques jours une soixantaine de mesures destinées à venir en aide à une justice en grande souffrance.
Délabrement
Dans leur synthèse, les auteurs du rapport du comité des états généraux de la justice (d’octobre 2021 à avril 2022) assurent que « la justice n’a plus les moyens de remplir son rôle et fait l’objet de remises en question multiples. Les États généraux de la justice ont confirmé l’état de délabrement avancé dans lequel l’institution judiciaire se trouve aujourd’hui. La justice ne parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes ».
« Abandon »
Le ministre lui-même a assuré que « nous faisons tous le constat que la justice a fait l’ob- jet depuis 30 ans, d’abandon politique, budgétaire et humain. Cela fait deux ans et demi que je me mobilise totalement pour redonner à la justice les moyens dont elle a besoin pour fonctionner. Nous avons fait beaucoup mais il reste beaucoup à faire. J’en ai conscience et je travaille tous les jours à remettre notre justice à flot, c’est ma priorité ».
Budget en hausse
« Nous avons depuis trois ans augmenté le budget de 8% chaque année, ce qui fait au total une augmentation de 26 % », de 7,6 milliards d’euros en 2020 à 9,6 milliards d’euros en 2023, a rappelé le garde des Sceaux, et « le budget continuera d’augmenter jusqu’à atteindre près de 11 milliards d’euros en 2027 ». Selon la CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice), le budget du système judiciaire par habitant est inférieur à nos voisins européens : Allemagne, Espagne, Belgique, Italie.
Recrutements
« Les moyens permettront, entre autres, de revaloriser les agents du ministère, de pour- suivre et de finaliser le plan « 15 000 places de prison », de moderniser, d’agrandir les palais de justice, de numériser la justice et, surtout, de recruter massivement pour renforcer les effectifs », a affirmé le M. Dupond-Moretti, qui a annoncé « le recrutement de 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2027, dont 1 500 magistrats, 1 500 greffiers et un nombre très important d’assistants du magistrat ».
Amiable
En ce qui concerne la juste civile, le ministre entend « lancer une véritable politique de l’amiable ». Il a évoqué « un véritable changement de logiciel pour la justice civile » qui « consiste à favoriser une justice participative , donc plus rapide, plus proche, parce que le justiciable qui a participé à la décision qui le concerne aura le sentiment d’avoir été mieux entendu et mieux jugé ». Il y aura deux nouvelles mesures, inspirées de pratiques à l’étranger : la césure et l’audience de règlement amiable.
Réécriture
En matière pénale, « l’impératif est clair : il faut simplifier et moderniser les procédures ». Éric Dupond-Moretti veut une réécriture du code de procédure pénale, qui fait plus de 3 000 pages. « Il est devenu totalement illisible », a-t-il affirmé. L’objectif est « à droit constant de réécrire les différents articles, les regrouper, les réorganiser, les moderniser ». « Cette réécriture prendra de longs mois ». Le ministre de la Justice table sur 18 mois à deux ans pour y parvenir.
Rassurant
L’Union syndicale des magistrats « constate un changement de tonalité avec un discours rassurant qui montre la prise de conscience de l’asphyxie de la justice au détriment du justiciable ». Elle constate également « que le Gouvernement semble vouloir aller vers une Justice de qualité » et indique qu’elle a « le sentiment d’être écoutée et entendue ». « Un budget important a été annoncé » et « l’USM restera particulièrement vigilante sur l’affectation de ces sommes ».
Inédit
Le président du Conseil national des bar- reaux, Jérôme Gavaudan, a qualifié le plan d’action du ministre de plan d’investisse- ment « à ce jour inédit ». « Les moyens sup- plémentaires réclamés par le comité Sauvé sont là. Nous serons très vigilants quant à leur emploi effectif. Dans les réformes de la justice, le diable est dans les détails mais globalement les annonces du Ministre vont dans le sens des conclusions du rapport Sauvé auquel j’ai par- ticipé », a-t-il affirmé, cité par le magazine Le Monde du droit.