L'employeur peut consulter

L’employeur peut consulter les SMS échangés sur le portable professionnel de son salarié

Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation (10 février 2015 n° 13-14.779) vient de relancer le débat relatif à l’articulation entre le droit du salarié au respect de sa vie privée et l’intérêt légitime de l’employeur à porter atteinte à ce droit dans certaines situations. Cet arrêt reconnaît en effet le droit pour l’employeur, à certaines conditions, de consulter les SMS échangés sur le portable professionnel de son salarié.

1. Le droit au respect de la vie privée : un principe fondamental

Ce principe est fixé par de nombreux textes issus tant du droit international que du droit interne tels que, notamment :

- l’article 9 du Code Civil : « chacun a droit au respect de sa vie privée »

- l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme au terme duquel « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

- l’article 8.1 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

- l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’union européenne retient pour sa part que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. »

Ces textes s’appliquent en principe aux relations professionnelles et sont souvent mis en avant par les salariés pour contester les moyens de preuve fondés sur le contenu des outils professionnels mis à leur disposition.

2. Les atteintes possibles au respect de la vie privée du salarié

Ces atteintes sont permises dans le milieu professionnel sous certaines réserves, notamment dans les domaines suivants :

-  Appels téléphoniques

L’employeur peut, dès lors qu’il en a informé les salariés, réaliser des écoutes téléphoniques dont la production en justice est autorisée. Tel n’est par contre pas le cas de l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée à l’insu du salarié.

-  courriers et correspondances

L’employeur ne peut prendre connaissance de la correspondance privée ou personnelle d’un salarié alors même que celle-ci lui est adressée sur son site de travail. Toutefois, les documents et courriers présents ou adressés sur les lieux de travail sont réputés avoir un caractère professionnel s’ils ne sont pas identifiés en tant que document « privé ou personnel ». Dès lors, l’employeur, sans commettre de faute, peut prendre connaissance de tels documents, même s’il s’avère a posteriori qu’il s’agit de documents privés ou personnels. Cette présomption du caractère professionnel de ces documents autorise l’employeur à en prendre connaissance, même hors la présence de l’intéressé, sauf là encore, s’ils sont identifiés comme étant personnels.

-  courriels et fichiers numériques

Depuis l’arrêt Nikon du 2 octobre 2001, les messages électroniques bénéficient de la protection du secret des correspondances lorsque ceux-ci sont identifiés comme privé ou personnel. Par contre, les courriels adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. L’employeur est donc en mesure de les ouvrir en dehors de la présence du salarié. Par contre, l’employeur ne peut prendre connaissance de messages identifiés comme personnels et ce, même s’il a interdit un usage non professionnel du matériel mis à disposition du salarié. En outre, l’employeur peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition, en présence de ce dernier ou si celui-ci a dûment été appelé.

3. Une extension de cette jurisprudence aux SMS

L’arrêt précité du 10 février 2015 étend la jurisprudence rendue en matière de courriels aux SMS. Il confirme que les SMS reçus ou envoyés par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son activité professionnelle sont présumés professionnels et peuvent donc être consultés en dehors de la présence du salarié, sauf s’ils sont clairement identifiés comme personnels (ce qui est difficile à démontrer s’agissant des SMS qui ne comportent pas de champ « objet », contrairement aux courriels).

En conclusion, force est de constater que le champ de reconnaissance du droit au respect de la vie privée du salarié est sensiblement réduit au profit de celui de la notion d’intérêt légitime de l’entreprise. Le salarié qui souhaite conserver à coup sûr comme confidentielles des informations le concernant sur le plan privé, aura tout intérêt à s’abstenir de tout passage et archivage sur ses outils professionnels.

Par André CHARBIN
Cabinet Capstan
Avocat au Barreau de Grasse
http://www.capstan.fr/fr/

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