Le Bâtonnier de Nice (…)

Le Bâtonnier de Nice dénonce des conditions de garde à vue indignes à la Caserne Auvare

Me Adrien Verrier a tenu une conférence de presse jeudi 16 mars au lendemain de sa visite au service des Écrous du commissariat central, avec Me Ollivier Carles de Caudemberg.

« On est au XXIe siècle et on a l’impression de se retrouver dans un cachot du Moyen-Âge  ». Le constat du Bâtonnier du Barreau de Nice, photos à l’appui, est sans appel : absence de points d’eau dans les cellules, pas de housses sur les matelas, pas de couvertures, des kits d’hygiène non distribués, des sanitaires dans un état répugnant, des cellules nettoyées de manière très aléatoire… « Quand on sait que les gardes à vue durent entre 24 et 48 heures pour l’extrême majorité des cas et peuvent aussi être prolongées de deux jours supplémentaires et que parfois même, à l’issue de la garde à vue, les personnes sont en zone d’attente et sont ensuite déférées et peuvent être jugées dans la foulée devant un tribunal correctionnel, (…) cela permet de comprendre pourquoi, parfois, ces personnes disent des idioties, ont un comportement irascible et ne se présentent pas sous leur meilleur jour », a expliqué Me Verrier, aux côtés de Me Carles de Caudemberg, membre du Conseil de l’Ordre et président du groupe de défense pénale, et de Me Franck Chouman, avocat pénaliste, également membre du Conseil de l’Ordre. « On ne remet pas en question la nécessité de garder les gens à vue, cela fait partie de l’enquête mais les choses doivent se faire dans la dignité », a affirmé Me Verrier, dont la visite s’inscrivait dans le cadre d’une journée d’action nationale organisée par la Conférence des Bâtonniers de France sur les lieux de privation de liberté. «  Nonobstant le caractère vétuste de Auvare, qui est une caserne qui a été construite en 1888, (…) il pourrait être fait des choses qui ne sont pas faites. Depuis 21 ans que j’y vais, la situation n’a jamais évolué » en dehors d’une avancée avec la création d’un local supplémentaire pour les avocats, a assuré le Bâtonnier.

« Justice faussée »

Une cellule ©Adrien Verrier

Me Carles de Caudemberg a indiqué que la garde à vue était «  le point d’entrée de la justice pénale  ». « Les enquêtes démarrent très souvent par une garde à vue et la justice pénale est faussée quand vous avez des conditions de garde à vue qui sont celles des Écrous de Auvare à Nice  », a-t-il poursuivi, rappelant que la garde à vue était une mesure de contrainte, pas de détention, et que cela pouvait concerner « tout le monde  ». « Tout le monde peut faire l’objet d’une enquête pénale, tout le monde peut être mis en cause dans le cadre d’une garde à vue. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il va y avoir des poursuites pénales derrière ». Il a également témoigné que «  dans le cadre de procédures pénales, des gens se mettent à raconter n’importe quoi parce qu’ils veulent avoir la garantie de sortir très vite des ces conditions de contrainte insupportables. Et c’est en ce sens-là que la justice pénale peut être faussée  », a-t-il affirmé.
« Si vous êtes placé dans des conditions matérielles si dégradées, le temps passant, c’est une pression psychologique incroyable », a renchéri Me Chouman. « Au bout de 24 heures, les gens n’en peuvent plus, ils craquent ». Or « il y a des obligations légales qui s’imposent à l’État  », a-t-il soutenu, citant l’article 63-5 du Code de procédure pénale : « la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne  ». Le constat effectué au service des Écrous va avoir des conséquences au niveau juridique. Me Chouman a expliqué qu’avec le président du groupe de défense pénale et le Bâtonnier, ils allaient vraisemblablement « sensibiliser les confrères pour systématiser les recours contre les gardes à vue (effectuées à la Caserne Auvare) pour demander des nullités de la garde à vue, sur le constat de ce que les conditions de contrainte ne correspondent pas à l’article 63-5 du Code de procédure pénale ».

Située rue de Roquebillière à Nice, la Caserne Auvare est le lieu où il y a le plus de gardes à vue dans les Alpes-Maritimes, 30 par jour en moyenne et jusqu’à 70 certains jours.

Il appartient au ministère de l’Intérieur et à la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique) de décider des travaux à effectuer dans cette caserne. Le futur Hôtel des Polices de Nice « est prévu, au mieux, pour fin 2025 », a souligné Me Verrier.

Photo de Une : Le Bâtonnier Adrien Verrier a souhaité réunir la presse pour rendre compte de sa visite au service des Écrous du commissariat central. Il était accompagné de Me Carles de Caudemberg (à gauche) et de Me Chouman ©S.G