Le discours du Procureur

Le discours du Procureur de la République Thomas Bride lors de l’audience du TC DE NICE

Exemplarité du respect accordé au justiciable, notamment au dirigeant confronté aux difficultés de son entreprise, formation qualitative des juges, rôle exemplaire des mandataires, de l’Urssaf...Thomas Bride, Procureur de la République adjoint au TGI de Nice, a longuement exprimé "ses points de satisfaction" sur le travail rendu par le tribunal commercial niçois lors de l’audience de rentrée du TC le jeudi 18 janvier. Il n’a pas oublié de s’attarder sur quelques points "sensibles" qu’il espère ne pas voir perdurer en 2018, notamment les dossiers trop nombreux de "procédure collective qui révèlent des fraudes manifestes". Son discours complet ci-dessous.

Audience de rentrée du Tribunal de Commerce de Nice 18/01/2018 Discours de Thomas BRIDE Procureur de la République adjoint au Tribunal de grande instance de Nice

" Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire,
Monsieur le Président de la
Métropole Nice Côte d’Azur,
Monsieur le Président du
Conseil Départemental,
Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Président du Tribunal
de Grande Instance,
Monsieur le Procureur de la République,
Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d’Antibes,
Madame la Présidente du Tribunal de Commerce de Grasse,
Monsieur le Président du Tribunal Administratif,
Monsieur Le Président du Conseil des Prud’hommes,
Monsieur le Bâtonnier, Mesdames et
Messieurs les
Administrateurs et Mandataires Judiciaires,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie,
Monsieur le Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat,
Monsieur le Président de l’UPE 06,
Monsieur Le Président de la Fédération du BTP des Alpes Maritimes,
Madame la Présidente de la commission administrative de
l’ordre des Experts-Comptables,
Monsieur le Président de la Compagnie des Commissaires aux Comptes, Monsieur le Président de la Chambre des Huissiers de justice,
Monsieur le Directeur des Finances Publiques,
Monsieur le Directeur de la Banque de France,
Monsieur le Président et Monsieur le Directeur de l’Urssaf,
Monsieur le Président du R.S.I., Monsieur le Président du CIP,
Mesdames et Messieurs les hautes autorités, Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,

C’est avec plaisir que j’ocupe aujourd’hui la place du ministère public à l’audience de rentrée de votre tribunal, quelques mois seulement après l’avoir découvert, en même temps que je prenais mes fonctions à Nice.

C’est l’occasion pour moi de vous remercier, publiquement, pour
votre accueil.
Je remercie également Mesdames et Monsieur les greffiers en
chef, ainsi que l’ensemble des personnels du greffe pour la qualité
des relations que nous avons d’ores et déjà pu nouer.
Mon expérience personnelle, et plus globalement celle du ministère public – indivisible ! - de l’activité et du fonctionnement de votre juridiction durant l’année 2017, me permettent de retenir plusieurs points de satisfaction, mais aussi de former quelques voeux d’amélioration et d’espoir de changement, sans quoi d’ailleurs la perspective de commencer une année nouvelle
n’apporterait que peu d’intérêt...

Satisfaction d’abord de constater que nous partageons les mêmes objectifs, sous-tendus par des valeurs communes : ceux d’une justice rigoureuse, IMPARTIALE, accessible, et dans la mesure du possible, comprise par les parties et plus globalement par ses observateurs.

Satisfaction ensuite de constater que la juridiction, à laquelle les juges consulaires, le greffe et l’ensemble des professions du droit concernées donnent vie, fonctionne bien, loin des clichés et fantasmes, parfois tenaces, qui planent encore sur les juridictions du sud de la France.

Je sais, Monsieur le président, que vous apportez PERSONNELLEMENT toute votre vigilance et énergie pour assurer, de la part de chacun, un travail exigeant.
Je peux témoigner ici du respect accordé au justiciable, notamment au dirigeant confronté aux difficultés, parfois mortelles, de son entreprise.
Ce respect ne serait pas assuré si les administrateurs et mandataires judiciaires, ne déployaient pas toute leur expertise, quelles que soient la valeur, les perspectives, ou la nature de l’entreprise, pour apporter au dirigeant le soutien et la franchise, que le mandat judiciaire exige.

Ce respect ne serait pas non plus total sans les qualités humaines, et l’expérience professionnelle de ses juges, et en premier lieu du
PRESIDENT NOUGAREDE que je tiens à saluer.
J’invite bien sûr Madame et Messieurs les 8 nouveaux juges installés ce jour, auxquels j’adresse de nouveau mes félicitations, a y être particulièrement attentif.

Je vous invite aussi, aujourd’hui comme débutant, demain comme juge expérimenté, à conserver l’humilité et la capacité à douter.

Il ne s’agit pas de rendre la justice d’une main tremblante, mais de vous assurer de votre liberté de jugement, et de ne conserver qu’une seule certitude, celle de ne pas tout savoir.

Satisfaction justement encore de constater que la formation des juges demeure un des objectifs de votre juridiction. Peut-être en direz-vous, Monsieur le président, quelques mots car c’est un point important et révélateur du dynamisme de la juridiction.

Certains chiffres peuvent également pousser à un optimisme mesuré s’agissant de ce que l’on appelle génériquement les "défaillances d’entreprise".
On constate en effet que les procédures collectives diminuent, tant s’agissant des déclarations de cessation des paiement (1,12 %) que des assignations de la part de créanciers impayés ( 16, 97%).
A cet égard, je souhaite souligner aujourd’hui le rôle actif et salutaire de l’Union de Recouvrement pour la Sécurité Sociale et les Allocations Familiales (URSSAF).
En effet, la politique dynamique et la réactivité de cet organisme, qui n’est pas incompatible je le sais avec la souplesse accordée à certains débiteurs, permet au tribunal d’être saisi de situations souvent délicates, mais pas toujours irrémédiablement compromises, à tout le moins lorsque le dirigeant n’est pas lui même irrémédiablement mal intentionné, j’y reviendrai tout à
l’heure...

Le constat reste en effet le même au fil des années : "la solidarité nationale" est souvent la première victime de l’entreprise exsangue, ce qui n’est bien sûr pas tolérable.

L’activité de 2017 permet également d’entrevoir une meilleure appropriation de la notion de sauvegarde, et donc d’anticipation des difficultés par les dirigeants, avec une augmentation de 68 % du nombre de jugement rendus.
Enfin, comme le parquet s’y était engagé, la sensibilisation des différents professionnels du droit aux obligation de révélation de soupçon de blanchiment a pu être réalisée en 2017, en déclinaison d’une des priorités de politique pénale du parquet de NICE de 2017, reconduite en 2018, en l’espèce la lutte contre les atteintes à la probité.

Ces sujets de satisfaction, je n’en doute pas, perdureront en 2018.

J’appelle de mes voeux que certains aspects, que je vais évoquer, moins positifs, puissent ne plus l’être en 2019.
Je le disais, la justice doit être comprise du plus grand nombre. Pour cela, elle doit pouvoir être rendue de façon sereine, apaisée, sans pression d’aucune sorte.
Pour ce faire, elle doit être expliquée et le ministère public n’échappe pas à cette exigence, quelle que soit la nature de sa démarche devant votre juridiction.

Mais nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Et les portes-voix les plus puissants couvrent assez rarement les rumeurs, intrigues et manipulations en tout genre.

Le ministère public a lui-même été suspecté, sinon de défendre des intérêts particuliers, du moins de ne pas défendre l’interêt général et l’ordre public économique dans un dossier.
Le ministère public s’en remettra...
Mais vous avez vous-même, Monsieur le président, dans le cadre de la gestion d’un dossier pour lequel je ne doute personnellement, aucunement, de votre volonté de servir l’intérêt général,
Vous avez disais-je été attaqué, été sali, et si vous me permettez cette appréciation personnelle, certainement été intimement blessé.
Croyez-bien que je regrette, que le ministère public rejette ces
pratiques, au demeurant masquées, et qu’il n’acceptera pas que cela
se reproduise.

Par ailleurs, sans le soutien indéfectible de Monsieur le procureur de la République, de Monsieur le procureur général, pour compenser au mieux les 28% d’effectif vacant au parquet, l’absence de greffe, l’absence de matériel informatique performant, outre des services d’enquête embolisés par les dossiers et dont les effectifs diminuent également s’agissant des capacité traitement de la délinquance astucieuse, sans ce soutien donc, il serait permis de douter de la réelle volonté de l’Etat de lutter contre la délinquance économique et financière, en France et plus précisément dans notre département.

Cette délinquance, multiforme, est encore trop présente devant votre juridiction.

Je le disais tout à l’heure, trop de dossiers notamment de procédure collective révèlent des fraudes manifestes.
Trop nombreuses sont en effet les sociétés dont la naissance n’avait pour seule destinée programmée que celle de mourir, trois ans plus tard, sans avoir jamais payé le moindre impôt ou cotisation. Au détriment, bien sûr, d’une concurrence loyale et au risque d’entrainer la faillite des entreprises respectables.
Cela est insupportable. Mais cela n’est pas inéluctable.

La politique pénale ou de sanctions commerciales du parquet, menée avec l’aide indispensable des mandataires judiciaires que je remercie pour leur rapports réguliers, ne sauraient constituer la seule réponse, le préjudice social étant consommé et irréparable.
Il est en effet indispensable que l’ensemble des personnes concernées par ce fléaux, dans des secteurs parfaitement identifiés – BTP, activités de sécurité- agissent, et agissent avec rapidité.
Je souhaite donc en 2018, avec votre aide le cas échéant Monsieur le président, sensibiliser les administrations qui ne sont pas encore assez réactives, mais aussi mobiliser les organisations et fédérations professionnelles concernées, qui doivent assurer la défense de leurs membres et ainsi contribuer à l’assainissement de leur secteur.

De la même façon est-il nécessaire, de concert avec les services de Monsieur le préfet, de se pencher et d’assainir l’activité de domiciliation d’entreprises, sur laquelle des exigences de transparence, de nature d’activité, d’obligation d’information, pèsent de par la loi.

Je vous souhaite, Monsieur le Président, plein succès dans les ambitions qui sont les vôtres pour ce tribunal.
Mesdames et Monsieur les Greffiers associés, soyez également remerciés en cette nouvelle année judiciaire qui débute pour votre engagement, garant du bon fonctionnement de ce tribunal.
De façon générale, vous pourrez compter, Monsieur le Président, sur l’engagement renouvelé du ministère public en 2018.

Aux termes de ces propos, j’adresse à tous ceux qui honorent de leur présence cette audience de rentrée, mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Je requiers qu’il plaise au tribunal de déclarer ouverte l’année judiciaire 2018, de me donner acte de me réquisitions et de dire que du tout il sera dressé procès-verbal."

Thomas Bride Procureur de la République adjoint au TGI de Nice

Par décret du Président de la République en date du 4 juillet 2017, vu l’avis du Conseil supérieur de la magistrature lors de ses séances du 4 avril 2017 et du 3 mai 2017, Thomas BRIDE a été nommé Procureur de la République adjoint, premier substitut à l’administration centrale du ministère de la justice au TGI de Nice.

Photo de Une : Thomas Bride DR Pierre Brouard

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