LE POINT SUR LES DILIGENC

LE POINT SUR LES DILIGENCES A LA CHARGE DE L’HUISSIER DANS LE CADRE D’UNE REMISE D’ACTE SOUS LE MODE D’UN PROCES-VERBAL DE RECHERCHES INFRUCTUEUSES

Sempiternelle question soulevée par les plaidants à l’occasion d’exceptions de nullité d’acte d’Huissier.

Un sieur Gabriel F. avait été condamné par jugement du TGI de Grasse du 1er juin 2011 réputé contradictoire (le requis n’avait pas comparu) à rembourser à sa propre assurance la moitié de l’indemnisation versée par sa compagnie à la victime d’un coup (non mortel) de pistolet à plomb en raison de sa faute d’avoir laissé dans la chambre de son fils auteur du geste une arme et des munitions à la portée d’enfants.

L’assignation du 11 mars 2011 et la signification du jugement du 22 juin 2011 avait été entreprises à la dernière adresse connue de l’intéressé à Antibes qui n’y habitait plus, les actes en question délivrés sous forme de PV de recherches infructueuses par l’Huissier Article 659 du Code de Procédure Civile dont les recherches n’avaient pas permis de localiser le destinataire (les LRAR expédiées par l’Huissier étaient revenues à son Etude "non réclamée" et "boite non identifiable").

M F. interjette appel le 9 novembre 2012 quand il subit une saisie-attribution de créance entre les mains d’un tiers.

Un incident d’irrecevabilité de son recours est provoqué devant le Conseiller de la mise en état près la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence lequel par ordonnance d’incident du 13 mars 2013 déclare l’appel irrecevable comme tardif en disant n’y avoir lieu à nullité de la signification du jugement au fond querellé.

Sur déféré, la 10ème chambre de la Cour d’Aix-en-Provence (RG 13/05974) dans un Arrêt du 18 septembre 2013 confirme en relevant que "l’appelant ne justifiait nullement que la Compagnie C. connaissait son domicile réel ni qu’elle était en mesure de le connaître aisément ; que le fait qu’une saisie-attribution ait été pratiquée le 2 août 2012 avec dénonce à sa nouvelle adresse à Valbonne est dépourvu de toute valeur probante dès lors que l’acte est intervenu plus d’un an après ; l’Huissier n’a pas à effectuer une nouvelle signification (du jugement) en cas d’éléments parvenus postérieurement à sa connaissance".

Sur pourvoi, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation dans une décision du 4 décembre 2014 (pourvoi n°13-26413) rejette : "Mais attendu qu’ayant constaté que l’Huissier de justice avait mentionné dans le PV de recherches infructueuses qu’il s’était rendu à la dernière adresse connue de M F., qu’il avait à cette occasion recueilli des renseignements dont il résultait que ce dernier était parti sans laisser d’adresse alors que les recherches effectuées auprès de ses voisins et à la mairie étaient restées vaines et relevé que l’intéressé ne justifiait pas que la Compagnie C. connaissait son domicile réel ni qu’elle était en mesure de le connaître aisément, la Cour d’Appel en a exactement déduit que l’irrégularité de l’acte de signification n’étant pas établie, la nullité n’était pas encourue".

Le débat portait sur les Articles 654 et 659 du Code de procédure civile et sur la régularité de la signification au regard des diligences accomplies par l’Huissier de justice.

Le premier de ces articles pose le principe d’une signification des actes de procédure à personne. Toutefois lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal qui doit répondre aux exigences de l’article 659 du Code de procédure civile.

Quand l’Huissier diligente selon ces dernières modalités (659 du CPC), il lui appartient de rapporter avec précision ses diligences accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte (cf Cass civ 2ème 3 nov 1993 n°92-11441 in Bull civ II n°312 ; 28 fév 1996 n°94-12352 in Bull civ II n°49 ; 7 déc 2006 n°06-11211 in Bull civ II n°349).

La Cour de Cassation se montre exigeante ; les diligences élémentaires devant être déployées par l’Huissier sont dictées par le bon sens : interrogation du voisinage, consultation de l’annuaire téléphonique, déplacement à la mairie pour consultation des listes électorales, à la Poste, au Commissariat ou à la Gendarmerie, à l’ordre professionnel auquel appartient éventuellement l’intéressé, auprès de l’Administration fiscale, auprès du Registre du Commerce et des Sociétés (cf la fiche méthodologique de la Cour de Cassation sur son site internet "la signification des actes de procédure par les huissiers de justice").

Ainsi la simple consultation du concierge de l’ancien immeuble du destinataire était insuffisante pour justifier un PV de recherches infructueuses (Cass civ 2ème 5 juill 2006 n°03-19032).

De plus l’Huissier de justice doit rechercher encore le lieu de travail : "est nul l’acte de signification ne comportant aucune mention sur les diligences accomplies par l’huissier pour rechercher le lieu de travail de la destinataire" (Cass civ 2ème 21 mars 2013 n°12-14142).

Au cas présent, le demandeur au pourvoi avait mis en avant l’absence de mentions de l’Huissier sur la recherche d’un lieu de travail mais comme il soulevait ce moyen pour la première fois, celui-ci mélangé de fait avait été considéré irrecevable par le Conseiller rapporteur.

Il se concentrait encore sur la circonstance que sa nouvelle adresse avait pu être trouvée ultérieurement lorsqu’il s’était agi de lui signifier une procédure de saisie-attribution ce qui traduisait selon lui des diligences insuffisantes de l’Huissier alors encore qu’il était aisé à quiconque de le localiser en interrogeant le fichier près la Banque de France "Ficoba".

La recherche via ce fichier est très limitée (même si ses délais de retour sur interrogation non plus par courrier mais par informatique désormais pour les huissiers est de l’ordre de 2 à 3 jours) car elle ne peut avoir lieu en application de l’article L.152-1 du Code des procédures civiles d’exécution que dans le cadre des opérations d’exécution avec un titre exécutoire ; d’autre part, l’information obtenue via ce service central gestionnaire du fichier des comptes bancaires concerne exclusivement l’existence d’un compte bancaire auprès d’une banque (sans corrélation avec les adresses ni mise à jour a fortiori de celles-ci).

En conclusion, l’Huissier est tenu à vérifications multiples tant sur l’adresse privée que le lieu de travail du destinataire mais il peut se contenter d’écrire qu’il s’est livré à de telles recherches sans résultat ce qui suffit à préserver la validité de son acte sauf à démontrer qu’il n’aurait pas réellement entrepris de telles diligences (preuves quasi-impossibles à administrer).

Par Maître Pierre-Alain RAVOT Avocat au Barreau de Grasse, membre de l AARPI LEXWELL Avocats, Square Carnot - 9 rue Massena 06110 LE CANNET - Tel 04 92 99 12 60 - Fax 04 92 99 12 61

deconnecte